La première lecture du jour nous parle de la guérison du général lépreux Naamane, la seconde parle du salut, et l’évangile nous dit que 10 lépreux sont guéris, mais un seul est sauvé : ça pose des questions !
A cette époque, plusieurs maladies de la peau étaient appelées lèpre, et même des moisissures sur des tissus et cuir. Mais avoir ces lèpres était très grave. Il n’y avait pas de traitement, mais une condamnation à vivre en marge de la société humaine. La législation du livre du Lévitique en témoigne : « Le lépreux portera ses vêtements déchirés et ses cheveux dénoués [..] Tant que durera son mal il demeurera solitaire ; sa demeure sera hors du camp et il criera : Impur ! Impur ! [c’est-à-dire je suis sale! sale et dangereux!] » (Lv 13,45). Et en plus on pensait qu’ils étaient malades à cause de leur péché ! Pensez si c’était vous ? Vous pourriez survivre de mendicité, dormir dans des cabanes ou des grottes, demander aux gens de déposer pour vous quelque nourriture ou quelque vêtement, mais jamais entrer dans un village, jamais toucher votre famille ! Quelle vie de souffrance et de honte !
Et de fait, c’est à l’entrée d’un village que Jésus entend qu’on l’appelle : « Jésus, maître, prends pitié de nous ! » Dix lépreux sont là, compagnons de misère, mais décidés à saisir la chance de leur vie, la dernière chance, puisqu’ils sont rejetés des hommes. Ils se tiennent à distance. Jésus ne peut pas résister à un tel appel, lui qui est la Miséricorde. Il y a des années qu’il voit des lépreux souffrir et qu’il ne doit pas les approcher, c’était la loi ! Mais maintenant que le Père l’a envoyé témoigner de son amour, il sait ce qu’il doit faire pour les réintégrer dans le village, c’était ça le plus douloureux, il les envoie vite faire constater leur guérison pendant qu’il prie le Père qu’ils guérissent.
Nous aussi, nous pouvons nous sentir indignes de Dieu, ou rejetés par les hommes, ou en échec, ou mal aimés, parce que l’homme est fait pour un amour infini, et il ne le trouve jamais sur terre, nos proches sont blessés et pécheurs comme nous… mais Jésus nous aime tels que nous sommes ; non pas qu’il aime notre péché qui est notre lèpre spirituelle, mais il nous aime tout lépreux que nous sommes, car il n’y a pas de place, dans le cœur de Dieu, ni pour le rejet ni pour le dégoût.
Les dix ont cru à la parole de Jésus, ils sont allés voir les prêtres qui étaient chargés de reconnaître les guérisons; mais un seul a remercié : le plus pauvre, le plus méprisé de tous, le seul Samaritain de la petite bande de lépreux. Les neuf ont reçu le cadeau du Christ, et cela leur a semblé normal. La bonté de Dieu ne les a pas tirés de leur égoïsme [ou ‘auto-centrage’]; ils ont reçu le bienfait, mais sans entendre l’appel, sans découvrir la source de l’amour à laquelle ils pourraient venir puiser chaque jour ; c’est cela, le salut: une relation d’amour permanente. Être guéri, c’est bien, mais être sauvé, c’est pour toujours et pour chaque jour !
J’ai résisté longtemps à Dieu, je pensais me débrouiller tout seul, je prenais mes décisions sans lui demander son avis. Il m’a fallu 4 échecs simultanés, que ma fiancée me quitte, que mon genou se bloque, que mes projets de service civil ratent, que je sois menacé de prison… j’ai fini par réaliser ma pauvreté, alors j’ai vraiment appelé Dieu au secours, et il m’a guéri, et sauvé. Une phrase m’a fait découvrir l’amour du Père: « D’un cœur broyé, Seigneur, tu n’as pas de mépris » (Ps 51,19). Si vous vivez une épreuve difficile, c’est le moment de vous jeter dans les bras de Dieu et lui demander de vous sauver tout entier.
Les 9 autres lépreux ont été guéris, mais ils n’ont pas compris qu’à travers cette guérison, Jésus leur faisait signe, que Dieu les libérait pour un bonheur plus grand, pour la louange et le service. La louange est une prière qui remet bien place: moi, je suis la créature, lui le Créateur et le Recréateur. Le Samaritain, lui, a tout compris, il est revenu, oubliant [dépassant] le constat ; il est revenu, fou de joie, parlant tout haut et ne cessant pas de remercier Dieu. Il a pris conscience que le Christ l’aimait au point de le guérir, et devant cette évidence bouleversante : « Jésus m’a aimé », il vient se prosterner aux pieds du Maître, pour lui dire avec son corps guéri, avec son cœur dilaté de joie, le merci qui n’est dû qu’à Dieu, dont l’amour est si puissant.
Dieu libère et guérit pour nous témoigner son amour, pour que nous buvions son amour en méditant sa Parole comme une lettre d’amour, que nous respirions l’amour. inspirons et rendons grâce, aimons sans cesse lui et nos frères. Nous l’oublions? Nous reprenons sa main! Malgré notre faiblesse, le Père nous accueille toujours. Là est la joie complète, un chemin de croissance et de bonheur inespéré, un chemin de louange et de témoignage.