Mes chers frères et sœurs ! Chers petits-enfants bien-aimés dans le Seigneur ! Vous le savez, mais laissez-moi vous rappeler une donnée importante de notre foi chrétienne, une affirmation que j’aimerais que chacun de nous grave dans son cœur, une sorte de testament que je vous laisse ! Dieu est bon ! Il est bon pour chacun de vous, mais permettez-moi d’être un peu égoïste aujourd’hui en vous redisant que Dieu est bon pour moi, il l’a été depuis ma naissance, l’est aujourd’hui et il le sera aussi demain, j’en suis convaincu. Fort de cela, je regarde l’avenir avec foi et espérance. Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu pour sa bonté pendant ces années que nous avons passées ensemble.
Jeudi matin, pendant que je me triturais la tête à réfléchir sur ce que je devais vous dire aujourd’hui, me demandant par où commencer, parce que, si habituellement je suis trop bavard dans mes homélies au point d’en faire râler certains… Je me demandais vraiment par où commencer pour ne pas trop en faire, trop en dire… Alors, après avoir prié, nous avons marché pendant une heure et demie avec le père Jérémie qui venait d’arriver la veille. Dans l’après-midi, j’ai appliqué ce qu’il est conseillé de faire pour préparer une homélie : j’ai prié avec la Parole de Dieu de ce dimanche ! Dieu m’a encore surpris car Il est bon pour moi ! Et quelle surprise ! Tout était dit. La parole de Dieu d’aujourd’hui est aussi celle qui a été lue le jour de mon ordination presbytérale, un certain 2 juillet, il y a 14 ans à la cathédrale Saint- Étienne. Cet évangile est devenu pour moi une sorte de boussole dans mon ministère de prêtre et beaucoup de ce que j’ai essayé de vivre avec vous est puisé en partie dans cette belle page de l’évangile selon saint Luc.
Le peuple d’Israël croyait que le monde était formé par soixante-douze nations, et chaque année, au temple de Jérusalem, on immolait soixante-dix bœufs pour la conversion des nations païennes. Dans l’évangile de ce dimanche, saint Luc nous parle de soixante-douze disciples ! Cet évangéliste de la tendresse et de la miséricorde de Dieu parle à ces communautés d’origine païenne converties au christianisme car à elles aussi, et non seulement aux apôtres, est confiées l’annonce de la Bonne Nouvelle. Les 72 disciples sont envoyés deux par deux ! Ceci veut dire que l’annonce n’est pas la manifestation des capacités d’un guru à la mode à un moment donné de l’histoire, mais la prophétie de possible communion. Ensuite, ils sont envoyés pour préparer la venue du Maître. Attention à ne pas se substituer au Maître, ne pas phagocyter la présence de Dieu. Nous sommes appelés à être une sorte de transparence qui permette de voir et de rencontrer Dieu. Nous ne sommes pas les propriétaires de l’Évangile, mais les serviteurs de son annonce. Il n’y a pas des professionnels de l’annonce ou de la mission, qui seraient les missionnaires, prêtres, religieux et religieuses, mais chaque disciple est appelé à dire et manifester le Christ à tout homme et femme qu’il rencontre.
Quelle est notre mission ? Annoncer la Bonne Nouvelle à nos contemporains et concitoyens, dans notre pays aux racines chrétiennes, ce que nous avons parfois tendance à oublier ou à taire par timidité ou tiédeur, redonner la joie et l’envie de devenir vraiment disciples-missionnaires pour ces chrétiens simplement culturels que nous côtoyons, annoncer l’espérance aux 90% de baptisés qui ont déserté nos églises mais que nous pouvons rencontrer dans nos familles, au travail, nos associations, nos écoles… Consoler, secouer parfois, encourager les nombreux chrétiens qui savent qu’ils sont déjà de bons chrétiens et pensent parfois qu’ils n’ont plus rien à apprendre des autres, aider et porter à maturation la foi embryonnaire, sentimentale et qui peut parfois se confondre à de la superstition… Voilà le champ dans lequel le Seigneur nous a tous envoyés et nous envoie encore tous ensemble !
Il s’agit d’un défi : faire sortir parfois Dieu de nos églises, comme nous le rappelle le pape François dans la Joie de l’Évangile pour aller aux périphéries, pour porter Dieu là où il avait décidé de vivre, c’est-à-dire, au milieu des gens ! Pour porter ce grand défi qu’est la mission dans l’Église et dans le monde, c’est Jésus lui-même qui nous montre le style à assumer et les stratégies à adopter pour l’annonce.
Les disciples sont envoyés deux par deux dans des villes et localités, précédant l’arrivée prochaine du Seigneur lui-même. Dans la mission, nous ne devons convertir personne. La fécondité de notre mission n’est pas liée aux statistiques qui risqueraient de nous plonger dans le découragement ! Les statistiques sont importantes, mais ce n’est pas l’essentiel de la mission. Le Seigneur ne nous envoie pas convertir ceux que nous rencontrons dans nos diverses missions. C’est Dieu lui-même qui convertit, c’est lui qui habite et touche les cœurs. Notre mission est de lui préparer la route dans toutes nos rencontres depuis les rencontres de l’Éveil à la Foi jusqu’à celles de la pastorale du deuil. A tous ces gens que nous avons rencontrés, le Seigneur nous invite simplement à dire notre foi, à dire simplement la foi de l’Église, avec joie. A la suite de sainte Bernadette, comme le film Lourdes actuellement en salles dans quelques cinémas, nous sommes appelés à dire : « Je ne suis pas chargé de vous convaincre, mais je suis simplement chargé de vous le dire ».
Dans la mission, nous sommes seulement envoyés dire et annoncer le Christ qui nous fait vivre, qui fait battre notre cœur et qui nous envoie dire notre joie d’être chrétien, dire dans le deuil que Jésus est mort et ressuscité, dire la beauté du mariage, des sacrements de l’initiation chrétienne, dire qu’une foi qui ne rend pas service aux plus pauvres finit par s’appauvrir et mourir, dire la tendresse de Dieu au cœur de la souffrance, de la maladie, dire à ceux que nous rencontrons que Dieu est bon et qu’ils sont eux aussi infiniment aimés de ce Dieu qui désire, lui aussi, être aimé par eux.
Renonçons à toute forme de tentation de convertir les autres, même s’il nous faut dire, rappeler, témoigner de notre foi, de la foi de l’Église, ce beau et grand trésor que nous portons à travers la fragilité de nos caractères et tempéraments.
Il les envoya deux par deux ! C’est en binôme, en communauté que nous sommes envoyés. L’annonce ne doit pas se confondre avec l’attitude charismatique d’un guru, aussi brillant soit-il, mais c’est l’affaire d’une communauté qui se construit, chemine et travaille ensemble. Deux par deux, en équipe, en communauté… Ceux qui sont engagés dans les différentes missions savent combien le travail en équipe est important pour mon ministère. Je vous ai parfois bousculés, voire même blessés en vous incitant à appeler, à accueillir, à intégrer ceux qui arrivent, à ne pas jouer solo. Il y a toujours la tentation de travailler seul dans son coin pour être plus efficace ! Cela est trompeur car sur le terrain de la mission dans l’Église, le Seigneur ne nous demande pas l’efficacité, mais la fécondité : produire du fruit. « Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit » nous dit le Seigneur. Travailler seul, c’est s’appauvrir, appauvrir les autres et surtout appauvrir l’Église que nous sommes pourtant appelés à faire grandir, pour qu’elle soit chaque jour une Mère féconde qui donne chaque jour naissance à de nouveaux nombreux enfants.
Travailler avec les autres, en équipe, c’est bénéficier de leurs talents, comme les différents instruments d’un orchestre ou les différentes voix d’une chorale qui permettent d’avoir une belle symphonie mélodieuse. Travailler en équipe, c’est repérer et rendre grâce pour les talents et charismes des uns et des autres pour les mettre au service de l’ensemble, de toute la communauté. Travailler en équipe, deux par deux, en harmonie permet aussi de donner envie pour que d’autres personnes accueillent l’appel du Seigneur qui nous redit que la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Jésus nous demande de « prier le Maître de la moisson d’envoyer des ouvrier pour sa moissons». La finalité de notre prière n’est pas de convaincre Dieu de la nécessité d’envoyer de nouveaux ouvriers, car plus que nous, Dieu est fermement convaincu de cette nécessité ! La finalité de notre prière, c’est la conversion de notre cœur pour que chaque jour nous soyons de meilleurs évangélisateurs au service du Seigneur. Si nous sommes vraiment de bons évangélisateurs, nous permettrons à d’autres frères et sœurs de faire partie de cette foule de 72 disciples pour porter ensemble l’annonce de la Bonne nouvelle.
La prière doit féconder notre mission. Un disciple qui ne prie plus, un missionnaire qui ne se ressource plus dans le Seigneur devient rapidement victime du faire, de l’activisme pastoral, une sorte de fonctionnaire et expert de Dieu et finit par se dessécher car le Seigneur nous dit : « Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. » (Jn 15, 5-6) La vie d’un disciple est enracinée dans le Seigneur et grandit dans la prière parce que c’est le Seigneur qui nous appelle et nous envoie. C’est lui que nous portons aux autres, et c’est surtout pour son arrivée que nous préparons les cœurs. Je rends grâce pour tous les nombreux et riches groupes, services et mouvements actifs de notre ensemble paroissial. Vous faites beaucoup de bien et faites grandir l’Église qui a encore et toujours besoin de vous, de vos services. Je voudrais rendre grâce en particulier pour tous les groupes et mouvements dont l’objet n’est rien d’autre que la prière et l’écoute de la Parole de Dieu : grâce à ces groupes de prières et d’écoute de la Parole de Dieu, tous ceux qui sont engagés activement peuvent trouver comment se ressourcer pour ne pas s’épuiser dans la mission. Soyons missionnaires d’abord et aussi par la prière qui nous fait grandir dans notre relation avec le Seigneur.
« Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales » Le Seigneur nous demande de partir légers, sans assurance, sans beaucoup de moyens, en utilisant les seuls petits moyens dont nous disposons. Il nous faut prendre seulement l’essentiel. Comme à l’époque de Jésus, aujourd’hui encore l’Église n’a pas beaucoup de moyens ! Je ne parle pas de moyens financiers ou matériels ! C’est tellement évident ! Nous manquons aussi de moyens humains ! Dieu sait combien c’est difficile de trouver de nouveaux bénévoles… Pourtant, l’Église est tellement riche ! Elle est riche de chacun de nous baptisés, membre du Corps du Christ. Si chaque baptisé consacrait plus ou moins 1% de son temps, de son savoir, de sa personne à la mission, notre communauté serait de plus en plus dynamique. Si je souffre de voir des chrétiens qui n’aiment pas travailler en équipe, je souffre aussi de voir des chrétiens devenus seulement des consommateurs de sacrements et de la messe dominicale, mais qui refusent de s’engager, de servir dans l’Église et dans le monde. Enrichis par le Seigneur dans les sacrements, par toutes les grâces que nous recevons de lui, il nous dit, dans le même épisode rapporté par Matthieu (10, 8) : «Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ! » On ne peut donner que ce qu’on a reçu du Seigneur ! Mais, c’est manquer de reconnaissance au Seigneur que ne pas faire fructifier, de ne pas mettre au service et faire bénéficier aux autres ce que nous avons reçu du Seigneur !
Malgré la pauvreté des moyens, rappelons-nous une chose importante ! Nous sommes porteurs et missionnaires de la plus grande de richesses ! C’est la foi, la présence de Dieu dans nos vies. Dieu est la richesse que nous avons et c’est sa grâce que nous portons aux autres. La nature même de cette richesse suffit à faire la différence avec toutes autres richesses qui trouvent en Dieu leur source. C’est cela l’essentiel de notre mission. Alors, j’ose vous le dire : le cours de natation, la gym, la danse, le sport, le cinéma, la marche, tous les loisirs pourront paraître plus attirants et séduisants que la messe de dimanche, la séance de catéchisme ou même la session de préparation à votre mariage, de la première communion, de la confirmation… Alors, vu que vous êtes au service de la plus grande des richesses, s’il vous plaît, vous avez une chose qu’on ne demandera jamais au prof de gymnastique ou de sport : c’est l’amour de Dieu. Ayez cet amour en vous et témoignez de cet amour dans toutes vos missions et dans vos groupes quel que soit votre âge ! A ceux que nous rencontrons, montrons-leur que Dieu les aime… et montrons-le surtout par l’amour que nous avons entre nous et envers eux.
« Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison….. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. » Entrer dans une maison, manger et boire ce qui nous est donné ! Si un prêtre quitte les siens pour se donner à sa communauté, l’expérience de quitter sa famille pour une nouvelle famille dans le Christ est plus forte encore pour un prêtre venu d’ailleurs, comme le père Jean et moi-même. Je suis béni à travers votre amitié ! Combien de maisons me sont ouvertes ! Parmi vous, j’ai des amis, des familles dans lesquelles je peux et pourrai encore aller, sans demander rendez-vous ! Si je rends grâce pour toutes les nourritures spirituelles que nous avons partagées, je vous remercie aussi pour les nourritures terrestres. Vous m’avez nourri, abreuvé, habillé, soigné aussi… et tout cela m’a permis d’être un curé heureux. Quelqu’un me disait que j’avais presque réussi à convertir toute la paroisse au régime sans gluten et sans lactose ! C’est vrai que souvent, lors de nos repas partagés, il y avait beaucoup de « sans gluten et sans lactose », et cela me montre combien vous êtes attentifs à la santé de votre curé.
Prenez soin des pères qui restent, et du nouveau curé qui arrive. Quand un prêtre se sent bien accueilli dans une communauté, cela lui permet de vivre sa mission dans la joie et de se donner généreusement. Comme vous nous avez accueillis le père Jean et moi-même depuis plus longtemps, les pères Pierre et Bernard depuis une année, faites de même pour le père Gibson qui arrive dans quelques semaines. Prenez soin de votre communauté, cette belle et riche communauté que vous formez, une communauté dans laquelle je suis heureux d’avoir vécu mon ministère. Vous le savez, cela n’a pas toujours été facile ! Il y a eu quelques moments douloureux pour vous, pour certains, pour moi aussi…Mais quand je contemple ce que nous avons vécu, je suis plein de bonheur, de joie et reconnaissance envers vous et surtout envers le Seigneur qui a voulu que nous vivions, pour lui, par lui et en lui pendant ces quelques années. A lui soit la gloire pour les siècles des siècles. Amen.