Mes chers frères et sœurs ! Nous nous souvenons tous encore de ce grand cri, cette forte invitation, lancée par celui qui n’était encore qu’un pape -depuis quelques jours, et que nous vénérons aujourd’hui comme saint, le saint pape Jean-Paul II au début de son pontificat. Il lança alors : « N’ayez pas peur ! ». Le monde entier fut surpris par cette exhortation inattendue qui suffit à elle seule pour marquer et manifester la vigoureuse personnalité du tout nouveau pape d’alors : un homme déjà éprouvé par la vie, par des expériences très dures dans sa vie et histoire personnelles, dans son pays natal, la Pologne qui a tant souffert des guerres et du totalitarisme, comme le communisme…
Nous nous rappelons aussi que pendant tout son pontificat, le pape Jean-Paul II n’a pas été épargné par les épreuves, dont un attentat dont il fut miraculeusement sauvé, et que beaucoup attribuent à la prière de Marie. Il a aussi été éprouvé par beaucoup de turbulences au sein l’Eglise et par cette maladie qu’il a enduré courageusement jusqu’à la mort… Nous avons tous été marqués par le courage, l’optimisme et la confiance de cet homme.
Alors, quand il dit « N’ayez pas peur ! », ces paroles ne sont pas une simple formule, un petit refrain de campagne électorale. Ces paroles naissent d’un cœur qui croit profondément. En réalité, quand le tout nouveau pape Jean-Paul II lance cet appel à toute l’Eglise et au monde entier, il ne fait que reprendre les paroles de Celui dont il venait d’être élu Vicaire sur la Terre, c’est-à-dire le Christ Jésus lui-même. Rendez vous compte que seulement dans l’évangile de ce dimanche, par trois fois le Seigneur nous invite à ne pas avoir peur: « Ne craignez pas les hommes », « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme», «Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux »
Cette invitation est d’actualité aujourd’hui encore ! Sans chercher quelles étaient les raisons historiques qui avaient poussé le pape à lancer cet appel, nous pouvons voir comment, par rapport à la situation du monde à cette époque, il y a 40 ans, l’actualité du monde d’aujourd’hui alimente nos peurs et fait de nous de grands pessimistes. On nous parle de choc de culture ! Le terrorisme peut arriver partout dans le monde comme nous le voyions avec les graves attentats islamistes devenus une réalité fréquente, chez nous en France, Manchester, Londres, Berlin…. et ailleurs. Nombreux sont heureusement ceux qui sont déjoués et dont les médias ne parlent pas !
Les injustices de toutes sortes nous révoltent, les guerres civiles et économiques, la destruction de la planète, avec cette crise écologique que certains puissants refusent à reconnaître pour des raisons économiques, alors que le Seigneur nous demande d’en prendre soin comme étant la « maison commune à sauvegarder », comme nous y appelle le pape François dans son encyclique « Loué sois-Tu », l’arrivée de tous les migrants fuyant guerre et misère, et notre Mer Méditerranée que le pape François compare à un grand cimetière qui engloutit des centaines de morts chaque semaine… Il y a aussi l’incertitude pour l’avenir, l’inefficacité de nos politiques, d’où la méfiance vis-à-vis des politiques comme en témoigne le score récent des abstentions aux dernières élections présidentielles et législatives, le chômage qui ne baisse pas… Tout cela nous fait peur et nous inquiète.
Il est cependant très probable qu’une analyse très attentive de tous ces éléments prouverait que nos peurs sont infondées ! Pourquoi ? Parce que ces peurs sont souvent causées par un bombardement et un cumul d’informations que nous avons de manière instantanée, en direct… et surtout parce que les médias ont pris désormais l’option de ne nous donner que les mauvaises nouvelles. Je vous mets au défi de me donner une ou deux bonnes nouvelles données au journal TV de ce soir… Il y a 20 ans encore, les problèmes étaient certainement différents, mais non moins graves que ceux que nous vivons actuellement. La seule différence importante réside dans le fait que jadis nous n’étions pas au courant de tout ce qui se passait dans le monde, et tous les problèmes n’étaient pas condensés et répétés à longueur de journée sur tous les médias et réseaux sociaux pour nous déprimer… Alors, ne me dites pas, comme de vieux nostalgiques, que tout allait bien dans le passé ! Pensez aux guerres, attentats, maladies et calamités… et autres problèmes que les plus anciens parmi nous ont vécus le siècle dernier et dont nous faisons mémoire chaque année…
Dans ce contexte, se lamenter seulement est stérile. Une attitude responsable devant les problèmes du monde implique l’engagement de la part de chacun de nous pour les résoudre. Pleurer et se lamenter sans s’engager ne sert à rien. Comme le pape il y a quarante ans, nous aussi, nous devons nous engager. Rendez vous compte qu’après cet appel à ne pas avoir peur, le pape Jean-Paul II ajouta « Ouvrez largement les portes au Christ ». Le pape était convaincu que si les hommes et les femmes mettent en pratique les exemples et les enseignements du Christ et essaient de vivre chaque jour de l’Evangile, beaucoup de problèmes qui nous font peur pourraient disparaitre.
Parmi les risques et les situations terribles dont nous nous inquiétons aujourd’hui, la majeure partie n’inclut pas le danger dont parle l’Evangile d’aujourd’hui : l’unique vrai danger d’une vie qui, qu’il nous plaise ou pas, est destinée à finir… avec l’avènement de la mort. « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme, craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps.» Oh la la, c’est horrible ! diront certains. Jésus nous parle de l’enfer, de la géhenne…
Aujourd’hui, dans notre culture, parler de l’enfer et de celui qui a le pouvoir d’y faire mourir notre âme et notre corps suscite des sourires moqueurs… chose qui, dans le passé, invitait à réfléchir au sens de notre vie et aux choix que nous posons aujourd’hui. Vous savez, on peut mourir dans un accident de la route par malheur, non pas parce qu’on est en faute… car nous pouvons, par malheur, croiser sur notre route un chauffard ivre et drogué… Mais, personne ne pourra aller en enfer par malheur, par simple punition de Dieu.
L’avertissement du Christ aujourd’hui est basique pour tout chrétien qui a conscience que notre vie ne finit pas ici-bas, mais que c’est ici-bas que nous devons nous préparer à la vie éternelle en usant de notre liberté, faire le saut de la foi, de la confiance en Dieu qui nous sauve et nous appelle à partager sa vie en plénitude. Dieu ne nous obligera jamais à aller au ciel, mais il veut que chacun de nous, déjà ici-bas, joue pleinement sa liberté en saisissant sa main tendue… Dieu nous sauve par amour, mais il ne peut nous sauver contre notre volonté. Le salut est un don généreux et gratuit de Dieu mais qui suppose d’être accueilli dans la Foi.
Cependant attention ! Etre chrétien en négligeant la vie présente parce que seule compte la vie après la mort serait une grande erreur. Un chrétien qui ne s’intéresse pas au monde présent se trompe terriblement ! La vie éternelle, notre vie future dépend du présent. Elle dépend de comment nous vivons aujourd’hui. D’où l’engagement des chrétiens pour changer notre monde, construire aujourd’hui le royaume de Dieu, faire tout ce qui est dans nos possibilités pour que notre monde soit plus juste, plus sûr, plus solidaire, plus fraternel… C’est seulement dans cette perspective que nous pouvons préparer la vie éternelle pour nous-mêmes et pour les autres. Seigneur, apprends-nous à désirer la vie éternelle et la chercher dès ici-bas. Amen.