Homélie du XXè dimanche du temps ordinaire – Année A

2018-01-28T20:13:00+01:0021 août 2017|

Mes chers frères et sœurs ! Dimanche dernier, la liturgie de la Parole de Dieu, et l’Évangile en particulier avait pour thème : la foi. Le peu de foi de Pierre, le premier des apôtres qui n’a pas fait confiance à Jésus en ayant peur lors d’une courte marche sur les eaux. Mardi, nous avons célébré l’Assomption qui nous invitait à contempler Marie, exaltée grâce à sa foi en Dieu. Aujourd’hui encore, l’Évangile vient nous parler de la foi dans cet épisode de la femme Cananéenne.

Pour comprendre la grandeur de la foi de cette femme, nous devons essayer de nous plonger dans le monde, la culture, la terre et les racines de Jésus. Il s’agit du monde juif, avec sa religion, sa culture et son territoire. Au niveau territorial, la vie de Jésus s’est épanouie entre la Galilée, la Samarie et la Judée, dans ces frontières qui étaient considérées comme la Terre Promise donnée par Yahvé aux Hébreux après la libération de l’esclavage d’Égypte. Les évangiles nous présentent Jésus dans un va-et-vient à l’intérieur de ces frontières, à deux exceptions près où nous voyons Jésus à l’étranger, en dehors de son pays natal. Jésus n’est pas beaucoup sorti de la Palestine. Il est comme nombre de nos compatriotes pour qui en dehors de leur commune, leur village, leur église de Castelginest, Lalande, Aucamville, Saint-Alban, Saint-Loup Cammas, Villariès, Labastide, Cépet, Bazus… Toulouse, la Haute-Garonne, la France… il n’y a rien de bon ailleurs. Par conséquent, ils méprisent les autres villages, régions, pays, peuples et cultures… parce qu’ils ne les connaissent pas assez .

Aussi longtemps que nous ne serons pas sortis de notre pays, nous resterons toujours les meilleurs du monde ! Dans ma culture, on dit que «l’enfant qui n’est jamais sorti de sa maison familiale pense objectivement que sa mère est la meilleure cuisinière du monde ! » Je vous conseille, si vous le pouvez, de voyager, sortir, aller à la rencontre d’autres gens, d’autres peuples, cultures… Poussez vos jeunes à sortir un peu du pays, pour aller à l’étranger… et se rendre compte des richesses que les autres peuvent nous apporter… Cela permet aussi de prendre réellement conscience de la chance que nous avons dans notre pays et de nous enrichir des autres.

Revenons à Jésus ! Après la grande sortie de l’incarnation, quand par Lui Dieu vient à notre rencontre en prenant notre humanité en tout, sauf le péché. Pendant sa vie terrestre, Il n’a donc pas beaucoup quitté son pays natal sauf à deux exceptions ! La première exception est involontaire. Il s’agit de sa petite enfance, quand, encore bébé, Jésus est obligé de prendre la fuite en Égypte avec ses parents, Marie et Joseph, à cause de la persécution et la colère du roi Hérode qui voulait Le tuer.

La deuxième exception est celle racontée dans l’Evangile d’aujourd’hui. « Jésus s’était retiré vers la région de Tyr et de Sidon ». Il s’agit de la Phénicie, qui correspond à l’actuel Liban. Ces deux villes étaient reconnues, par Jésus, quelques temps avant, comme païennes et condamnées en tant qu’emblèmes d’infidélité : «Malheureuse es-tu, Corazine ! Malheureuse es-tu, Bethsaïde ! Car, si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, ces villes, autrefois, se seraient converties sous le sac et la cendre. Aussi, je vous le déclare : au jour du Jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins sévèrement que vous » (Mt 11, 21-22). Dans cet Évangile, nous comprenons que même s’il est à l’étranger, loin de son pays, sa réputation de guérisseur l’a précédée. D’où cette rencontre avec une femme Cananéenne qui vient Le supplier de guérir sa fille.

Nous sommes certainement choqués par l’indifférence affichée de Jésus devant la supplication de cette malheureuse mère païenne. On sent même beaucoup d’agacement de la part des disciples présents, et Jésus semble même justifier son indifférence et son mépris : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël », c’est-à-dire je suis venu seulement pour les Juifs. Ces paroles sont dures, si nous les prenons mots à mots ! Jésus a osé même, traiter cette femme de chienne. Pour les juifs, tous les non-Juifs étaient considérés comme des chiens, impurs et idolâtres. Pour les exégètes spécialistes de la méthode historico-critique, en quête de ce que Jésus a vraiment dit de son vivant et qui ne soit pas le fruit de la communauté des premiers chrétiens, cette phrase a vraiment été textuellement prononcée par Jésus.

Pour comprendre cela, nous sommes appelés à entrer dans la pédagogie de Dieu révélée dans toute l’histoire du salut. Le peuple d’Israël pensait être le seul destinataire du salut de Dieu. Les autres étaient condamnés d’avance. Heureusement, les prophètes rappelaient au peuple Hébreux que s’il avait été élu, ce n’était pas pour exclure les autres peuples, mais que c’était en vue d’un salut qui embrassait toute l’humanité, comme le dit Isaïe « Ainsi parle le Seigneur : Observez le droit, pratiquez la justice, car mon salut approche, il vient, et ma justice va se révéler. Heureux l’homme qui agit ainsi, le fils d’homme qui s’y tient fermement ; il observe le sabbat sans le profaner et se garde de toute mauvaise action.  L’étranger qui s’est attaché au Seigneur, qu’il n’aille pas dire : « Le Seigneur va sûrement m’exclure de son peuple. » Et que l’eunuque ne dise pas : « Me voici comme un arbre sec ! » Car ainsi parle le Seigneur : Aux eunuques qui observent mes sabbats, qui choisissent ce qui me plaît et qui tiennent ferme à mon alliance,  je placerai dans ma maison, dans mes remparts, une stèle à leur nom, préférable à des fils et à des filles ; je rendrai leur nom éternel, impérissable. Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière, leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel, car ma maison s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples » (Is 56, 1-7)

Pourtant, en dépit de toutes les explications apportées par les prophètes, les Juifs du temps de Jésus pensaient toujours que Yahvé, le Dieu d’Abraham était leur «propriété privée !» Tant pis pour les autres peuples. La Cananéenne de l’Evangile d’aujourd’hui montre bien qu’elle connaît cette mentalité juive. C’est pour cela qu’elle « se la joue très diplomate et humble » en disant : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres! » Elle ne demande pas d’être traitée comme les Juifs. Elle sait qu’elle ne peut revendiquer aucun droit, mais elle se contenterait de miettes de pain tombant de la table sur laquelle Dieu nourrit les enfants d’Israël ! La vraie foi produit en nous l’humilité. Plus on grandit dans la foi, plus on grandit en humilité ! Pensez à Marie dans le Magnificat : Dieu abaisse les orgueilleux et élève les humbles.

Avec ce comportement, qui nous paraît indifférent et méprisant, se conformant à l’opinion commune, Jésus veut manifester la foi de cette femme qui reconnaît qu’exaucer son vœu et répondre à sa requête n’est pas un droit, mais un don gratuit et généreux de Dieu. En effet, Jésus exauce sa prière et fait sa louange sans réserve : «Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux ! » Par cet épisode, Jésus fait une rupture avec ses compatriotes car il admet qu’il est venu sauver tous les hommes, sans discrimination de race et au-delà de toute forme de frontières. L’amour de Dieu, le salut apporté par le Christ est sans frontière. Il le montre après sa résurrection quand, avant de s’en aller vers le Père, il envoie ses disciples en leur disant : «Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné» (Mc 16, 15-16). La foi est un don de Dieu à tout homme. La seule frontière est notre liberté qui refuse de croire.

C’est à cause de cela que l’Église est appelée Catholique, c’est-à-dire universelle. Non pas parce qu’elle est présente dans le monde entier, mais parce que par sa nature et par la volonté de son Fondateur, sa Tête, son Chef et son Pasteur qu’est le Christ, l’Église est appelée à accueillir tous les hommes. C’est de là que naît sa mission première portée depuis plus de 2000 ans… porter la Bonne Nouvelle à tous les hommes.

La femme Cananéenne était consciente de n’avoir droit à rien, mais de recevoir tout gratuitement de Dieu. Sommes-nous aussi conscients d’être sauvés gratuitement, par pure miséricorde, dans une gratuité généreuse de la grâce de Dieu ? Rendons grâce au Seigneur pour le don sublime de la Foi dont il nous a rendu bénéficiaires. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial