XXXIè dimanche TO-Ann. A « Jésus nous appelle à la sobriété, l’humilité et la vérité dans notre foi »

2018-01-28T20:12:55+01:005 novembre 2017|

Mes chers frères et sœurs ! J’entends souvent certaines personnes parler de Jésus, en lui collant une image très stéréotypée : un «Jésus Peace and Love» : jeune homme très beau, légèrement barbu, petit sourire permanent aux lèvres, de longs cheveux et un regard doux et timide, peu bavard et un peu débonnaire… On dirait cette représentation des informaticiens hackers dans les séries américaines, comme Homeland par exemple. Un peu une caricature ! Il est presque évident que les contemporains de Jésus ont été touchés par sa tendresse, sa douceur, sa compassion pour les malades, les pauvres, les souffrants… Mais nous ne devons pas figer l’image de Jésus en le prenant pour cette caricature d’un jeune homme un peu peureux, timide et fragile… On le voit bien dans les évangiles : quand il s’agit de défendre et de révéler le vrai de Dieu et de l’homme, Jésus montre un visage bien décidé et viril, capable de se mettre en colère, montrant qu’il sait parler à toutes les catégories sociales, sans se laisser intimider par qui que ce soit. Il est capable de se montrer moins conventionnel et casser les bonnes manières pour mettre à nu les faussetés et les hypocrisies de ses interlocuteurs d’hier et de ses disciples d’aujourd’hui que nous sommes.

Parmi les attitudes qui le mettaient en colère, il y a d’abord l’hypocrisie… Cela est présent de manière massive dans les évangiles. Jésus détestait sûrement chez ses contemporains le péché : la peur, le manque de confiance en Dieu, la tiédeur dans la foi, la superstition. Il a essayé de guérir cela chez ses contemporains à travers sa prédication. Mais ce que Jésus ne pouvait pas supporter chez ses contemporains, c’est cette hypocrisie, mélangée d’une dose conséquente de mépris pour les autres… qui régnait chez ceux qui se prenaient pour les super-croyants, en particulier les pharisiens, les Docteurs de la Loi, les prêtres du temple de Jérusalem et les Scribes.

Rendez vous compte que par 7 fois, seulement dans le chapitre 23 de l’évangile de Matthieu, – avec toute la symbolique du nombre 7 dans la Bible, 7 étant le chiffre de la plénitude- Jésus dénonce cette hypocrisie en lançant cet inquiétant « Malheureux êtes-vous ! » : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un seul converti, et quand c’est arrivé, vous faites de lui un homme voué à la géhenne, deux fois pire que vous ! Malheureux êtes-vous, guides aveugles

[…] Insensés et aveugles ! Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qui est le plus important dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez l’extérieur de la coupe et de l’assiette, mais l’intérieur est rempli de cupidité et d’intempérance ! Pharisien aveugle, purifie d’abord l’intérieur de la coupe, afin que l’extérieur aussi devienne pur. Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis à la chaux : à l’extérieur ils ont une belle apparence, mais l’intérieur est rempli d’ossements et de toutes sortes de choses impures. C’est ainsi que vous, à l’extérieur, pour les gens, vous avez l’apparence d’hommes justes, mais à l’intérieur vous êtes pleins d’hypocrisie et de mal. Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous bâtissez les sépulcres des prophètes, vous décorez les tombeaux des justes […] vous témoignez contre vous-mêmes : vous êtes bien les fils de ceux qui ont assassiné les prophètes » (Mt 23, 13-31)

Ceci devrait nous faire réfléchir un moment ! Des paroles très dures que Jésus adresse aux scribes et aux pharisiens. Cela nous nous surprend peut-être, mais quand il s’agit de défendre la vraie foi en Dieu le Père, Jésus ne fait aucune concession. Il sait que hypocrisie, au lieu de rapprocher, éloigne les fidèles de Dieu, que par l’hypocrisie, la foi devient une caricature de ce qu’elle doit être réellement, et de ce fait, elle blesse toutes ces personnes qui ont un désir profond de rencontrer personnellement Dieu. Si les Béatitudes dans l’évangile de saint Luc adressent ces malheurs aux riches, chez saint Matthieu, c’est aux croyants que ces malheurs sont adressés, comme on peut le voir dans le chapitre 23 de son évangile, dans ce discours enflammé que Jésus adresse, non pas aux riches, mais aux super-croyants : prêtres, scribes et pharisiens.

Qu’en est-il aujourd’hui, dans notre Église ? Dans l’Église de France aujourd’hui, il y a tellement d’hommes et de femmes qui cherchent le Christ, avec sincérité et simplicité du cœur, de manière honnête ; qui veulent vivre l’Évangile, comme vous qui êtes à la messe ce jour. Et nous rendons grâce à Dieu, car nous le voyons à l’œuvre dans la vie de beaucoup de chrétiens. Cependant, nous percevons tous, avec inquiétude parfois, que l’Église traverse aussi un moment difficile et grave. Et nous en souffrons tous, chacun selon la responsabilité qui lui incombe dans l’Église. Parmi les raisons qui nous font souffrir le plus souvent, il y a celle de voir, surtout dans certaines régions rurales, des communautés ecclésiales en décadence, qui se vident, qui ne se renouvellent pas, où on ne trouve que des personnes âgées! Heureusement que nous avons ces personnes âgées ! Elles font vivre l’Église, comme elles font vivre la société pour tout le travail qu’elles ont accompli hier et aujourd’hui. Où sont partis les jeunes, disons-nous parfois? Il y a aussi la crise des vocations sacerdotales. Pire encore, nous nous plaignons de la vie spirituelle de nos prêtres qui n’est pas toujours de grande qualité. C’est tellement facile aujourd’hui de taper sur les prêtres et les évêques, trop facile de plonger dans une médisance globale, même dans les communautés chrétiennes, contre les prêtres et les évêques.

Ceux qui connaissent l’Église de l’intérieur, pas l’Église de la Dépêche ou du Canard Enchaîné et autres médias d’ailleurs, mais ceux qui y vivent et la font vivre, ont tous conscience que nos prêtres se trouvent dans une situation bien difficile à gérer. Nous demandons à nos prêtres d’être presque des surhommes, toujours efficaces et présents à toutes nos demandes, ici et maintenant. Pourtant, avec ce que nos prêtres vivent aujourd’hui, il leur est très difficile d’avoir toujours la possibilité d’une vie sereine et équilibrée, ne fût-ce qu’humainement. Il faudrait trouver de nouvelles modalités de l’exercice du ministère pastoral, surtout dans les ensembles paroissiaux de plus en plus étendus. Il ne suffit pas d’inviter les prêtres à mener une vie sainte. Il faudrait aussi et surtout leur donner les moyens pour répondre quotidiennement à cette vocation à la sainteté. Je peux vous le garantir, l’extra grande majorité des prêtres dans l’Église sont heureux, très généreux, leur vie donnée et dédiée à l’annonce de l’Évangile et à la croissance de l’Église. Mais ils doivent aussi faire avec la lourdeur de leur charge pastorale, certains doivent combattre la solitude et les demandes des communautés qui deviennent de plus en plus exigeantes.

Cependant, j’admets qu’à côté de cela, nous avons nos torts. Il y a par exemple, cette autre catégorie de prêtres que certains qualifient de « néo-cléricalisme» caractérisé par une attention excessive à la forme liturgique et canonique, à la tenue vestimentaire, aux rubriques dans le Missel et le Rituel. Peu assurés dans leurs cœurs, au lieu d’argumenter, d’expliquer, ces prêtres brandissent une rigidité et une intransigeance comme celles que le Seigneur combat dans l’Évangile d’aujourd’hui. Il est vrai qu’actuellement nous rencontrons des gens qui considèrent l’Église comme un supermarché où chacun va et vient, quand et comme il veut, prendre son baptême, son mariage, tel service en payant comme on le fait dans un magasin… Ce qui rend furieux certains prêtres, en commençant par moi-même qui vous parle. Pour cela, il nous faut dire aux gens la vérité de notre foi et redire les exigences de l’Évangile. Cependant cette vérité de foi ne doit pas pousser les pasteurs à devenir rigides, intransigeants et intolérants. D’autres part, il est de même très dommageable pour l’Église de voir certains pasteurs qui acceptent toutes les demandes « pour faire plaisir aux gens », qui donnent les sacrements comme des petit gâteaux dont il suffit de faire la demande pour en bénéficier. Je pense à un couple qui est venu me voir pour leur mariage, le fiancé me disant même, littéralement « qu’il n’avait rien à foutre » avec l’Église…Pensez bien que je ne pouvais pas entrer dans cette logique. Sortis par la porte, ils sont revenus par la fenêtre en allant dans la paroisse d’à côté où le curé a accepté de les marier… C’est juste un exemple pour vous dire que nous devons à la fois éviter l’intransigeance et le laisser-faire… deux attitudes que ne rendent service ni à l’Église, ni aux prêtres, ni aux fidèles. Le Seigneur appelle les pasteurs à exercer leur ministère avec humilité et dans un esprit de service, sans orgueil ni arrogance, ce que Jésus dénonce chez les grands prêtres, les scribes et pharisiens dans l’Évangile de ce dimanche.

J’ai assez parlé des prêtres ! Et si on parlait un peu de vous, les fidèles laïcs car cet évangile s’adresse aussi à vous, chers paroissiens ! L’Église de Dieu est constituée de fidèles laïcs qui font beaucoup de bien à l’Église. Et nous rendons grâce à Dieu pour vous, pour ce que vous êtes et pour tout ce que vous faites dans et pour l’Église. Malheureusement, certains laïcs nuisent aussi et défigurent aussi le visage de l’Église à cause des mêmes défauts que nous avons énumérés par rapport aux prêtres. Je voudrais en mentionner seulement deux : le jugement et l’hypocrisie.

Les pharisiens, gens bien comme certains bons catholiques d’aujourd’hui, jugeaient les autres avec arrogance et mépris ! Aujourd’hui, même dans notre communauté, j’en vois qui sont toujours donneurs de leçons, même aux prêtres ! On dirait même qu’ils sont plus catholiques que le pape. D’ailleurs, récemment j’ai lu un article d’un groupe de gens qui se disent chrétiens et qui ont écrit une «Correctio filialis », une correction filiale, au pape François ; ces super-catholiques, plus catholiques que le pape, se sont arrogés le rôle d’être les défenseurs de la vraie foi catholique en lui reprochant de propager des hérésies dans sa lettre apostolique sur la « Joie de l’Amour ». Aujourd’hui encore, parmi les bons catholiques, il y a cette tentation de jugement méprisant, cette arrogance et cette suffisance spirituelle par rapport aux autres et au monde. Les pharisiens aimaient démontrer de manière ostentatoire leur dévotion, ils voulaient que tout le monde les voient quand ils priaient ou faisaient l’aumône. Combien de fidèles-chrétiens se comportent de la même manière aujourd’hui, même dans notre communauté ? C’est à chacun de nous de faire son examen de conscience ! Jésus nous appelle à la sobriété, à l’humilité et à la vérité de notre foi. Il y a beaucoup de chrétiens que je vois prier, qui font des pèlerinages, qui sont présents à toutes les dévotions… mais qui sont incapables de prendre ne fût-ce qu’un petit engagement de service dans la paroisse parce qu’ils ne la trouvent pas assez catholique… peut-être ! Il s’agit là de protagonistes passifs de l’Église qui pensent qu’il suffit seulement de prier, adorer, aller à la messe, réciter le chapelet… pour être bons chrétiens, et qui passent leur temps à juger les autres. Prier, adorer, aller à la messe tout cela est très bon et il faut le faire ! Mais cela ne suffit pas ! Être chrétien, disciple du Christ, c’est célébrer, servir et annoncer la foi. Séparer ces trois dimensions de notre foi est une hypocrisie que dénonce Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui. Seigneur, purifie notre foi grâce à l’Eucharistie que nous célébrons aujourd’hui.

Ancien curé de l'ensemble paroissial