Mes chers frères et sœurs. Encore avant-hier, un paroissien m’a parlé de son écœurement à l’approche de Noël, triste de voir cette fête s’approcher avec tous ces gens qui ne parlent que de repas et de cadeaux… Je lui ai dit que je voudrais et espère vivre le contraire ! Oui, Guy a raison de me parler du shopping vertigineux de Noël, mais je lui ai dit que beaucoup veulent aussi ouvrir leur cœur au Seigneur, comme lui-même qui désirait se confesser avant Noël, comme cette jeune famille qui propose à trois personnes isolées de partager sa table à Noël, pour partager avec eux la joie de Noël, comme la liturgie nous y invite déjà en ce dimanche « gaudete ». Alors, mes amis, à l’approche de Noël, l’Église nous appelle à vaincre ce pessimisme, cette morosité, cette peur, cette méfiance qui nous empêchent d’accueillir la joie présente dans ce troisième dimanche de l’Avent.
La réalité concrète nous montre les limites et les fausses promesses du bien-être et d’une croissance globale que notre monde… Des projets, même les plus vertueux font face à l’égoïsme humain de ces peu de gens, ces quelques riches qui refusent de partager et d’accueillir l’autre. Mais, malheureux serions-nous d’oublier la joie de l’immense majorité des gens qui partagent et accueillent, parce qu’ils veulent suivre les pas de Jésus qui est venu nous transmettre la joie d’une vie pleine et heureuse de la part de son Père. C’est pour cela que nous devons avoir un regard qui sache voir plus loin, au-delà du momentané, de l’ici et maintenant, pour réaliser que notre monde peut changer et qu’il est d’ailleurs en train de changer par cette prise de conscience collective que l’incarnation de Dieu à Noël est source de joie parce que Jésus se fait l’un de nous pour nous transmettre la vie en plénitude.
Être dans la joie signifie alors choisir son camp ! Se réjouir n’est pas d’abord une émotion, mais un geste de volonté. Nous pouvons être dans la joie, même au cœur de nos épreuves. La joie dont il s’agit aujourd’hui n’est pas la joie passagère de nos moments de bonheur paisible, l’entrain de nos satisfactions, la joie fragile selon les saisons de l’âme ! Pour les chrétiens, la joie n’est pas l’ennemi de la souffrance et des drames de la vie. Ce n’est pas une joie passagère comme le retour du soleil après l’orage ou du printemps après l’hiver, mais une joie inaltérable, joie du disciple qui croit au Christ vivant et qui reçoit de lui une vie capable de traverser même la mort. Dans ce que nous vivons aujourd’hui, dans nos épreuves, dans les secousses du monde, il nous faut garder cette joie profonde, la joie d’être frères du Christ dans nos malheurs même, la joie de l’amour indéfectible du Père. Jésus nous a dit que rien ne peut nous arracher de sa main ni de la main du Père. C’est à cette Joie profonde que nous appelle le pape François.
L’espérance fonde cette joie qui me permet de vivre la douleur actuelle avec confiance. Elle se nourrit dans la prière. Saint Paul le dit aux Thessaloniciens. Il s’agit ici d’une prière qui n’est pas l’insistante demande que Dieu résolve nos problèmes, mais l’abandon confiant en Celui qui peut me donner la force d’affronter toute sorte de nuits et de douleurs. « Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance ». Il est encore possible de grandir dans l’action de grâce, dans la prière de joie et de louange, en dépit de nos épreuves. Le Christ peut apporter cette joie dans nos cœurs si nous le désirons, en laissant l’intériorité reprendre toute sa place dans notre vie personnelle, comme nous le disait le frère carme Jean-Emmanuel, qui est venu nous parler de l’Oraison à Pechbonnieu. Il s’agit de se laisser habiter par la joie de Dieu, au cœur de nos vies affairées, en reconnaissant nos limites.
Pour cela, nous devons connaître qui nous sommes vraiment, connaître notre identité profonde, notre vocation, trouver ce à quoi Dieu nous appelle, au lieu de porter des masques, mener notre vie de théâtre dans laquelle nous jouons des rôles qui ne nous appartiennent pas. Nous devons trouver notre voie et reconnaître nos limites comme Jean-Baptiste qui reçoit la visite des envoyés du sanhédrin. Ceux-ci l’interrogent sur sa mission et son identité. Jean est tellement vrai, loin des artifices et du bling-bling qu’il peut nous sembler étrange. Il est tellement vrai qu’il n’a pas peur de ces autorités religieuses, tellement humble qu’il refuse de profiter de sa notoriété pour gonfler son rôle et sa mission. « Qui es-tu », lui demandent-ils ? Jean est clair ! « Je ne suis pas le Christ ». Ceux qui l’interrogent auraient bien voulu qu’il réponde par l’affirmative. Jean-Baptiste refuse de prendre la place du Christ, de se faire passer pour Dieu, de céder à la plus sournoise des tentations, ce délire de toute puissance qui est en chacun de nous et qui naît de notre orgueil… Jean-Baptiste veut garder son identité de précurseur, de témoin. Lui aussi, comme les autres pénitents au Jourdain est un homme désespérément en recherche de Dieu. Jean nous donne un conseil : reconnaître ses limites est une source de joie ! C’est en accueillant nos limites et nos fragilités que nous pouvons accueillir le Dieu fragile qui naît à Noël et qui nous apporte la vraie joie.
Qui es-tu alors ? Qui sommes-nous au fond ? La logique du monde nous dit que nous sommes ce que nous produisons, ce que nous donnons à voir en public, le bon salaire que nous gagnons chaque mois, la voiture que nous conduisons…. Jean-Baptiste nous rappelle au contraire que la joie n’est pas dans tout cela, que cette logique est illusoire et mensongère qui nous éloigne de la vraie joie. Jean-Baptiste a découvert ses limites, ce vide qui le rend capable d’attendre lui aussi le messie. Alors, qui es-tu ? Es-tu un mystique, un provocateur, un guru ? Non, Jean-Baptiste n’est pas tout cela. Il est une voix ! Voix qui témoigne, voix qui interpelle, voix qui appelle à l’accueil du messie, à la conversion, à la joie véritable ! Puissions-nous aussi être, en cette période de l’Avent, des voix qui appellent vraiment à vivre Noël autrement, dans la Joie, dans la Foi. Amen.