B – 13 TO – « Jésus nous cherche personnellement pour nous conduire »

2018-07-05T20:46:52+01:005 juillet 2018|

Mes chers frères et sœurs ! L’Evangile de ce dimanche est certainement une de plus belle page de l’évangile de saint Marc. D’habitude bref, timide et concis dans son évangile, saint Marc se lâche dans la narration des faits de cet évangile. C’est comme s’il voulait nous faire vivre les sensations intérieures des personnages, leurs perceptions les plus intimes : les mains qui ont un rôle important, le toucher, les sensations du corps, le fait de renaître à la vie, goûter à la vie, entrer en relation, sentir la richesse de l’autre en le touchant et en s’approchant de lui… Par ces descriptions, saint Marc nous guide sur un chemin de foi à la rencontre avec Jésus qui nous libère des peurs et nous fait sortir des obligations de la Loi et de certains principes religieux et culturels qui enferment et emprisonnent pour expliquer en quoi consiste la vraie foi. Tout ceci est fait de manière sensible et charnelle !

La foi n’est pas une idéologie qui s’adresse seulement à la tête, ni une éthique qui ne s’adresse qu’à la volonté. La foi est une rencontre avec Jésus, Dieu fait chair, devenu un être humain avec un corps semblable au nôtre, un Dieu sensible comme cette femme tellement courageuse à qui est interdite de vie sociale et relationnelle à cause de ses pertes de sang, un Dieu blessé et éprouvé comme ce père qui s’approche de Jésus pour demander la guérison de sa fille. Notre Dieu est un Dieu des relations sociales libérées et libres des préjugés et exclusions : Dieu s’est vraiment incarné et notre vie de foi a une dimension charnelle, sensible, corporelle car notre corps est appelé à être touché par la divinité de Jésus. C’est pour cela qu’il faut danser pour le Seigneur, se mettre debout, s’asseoir, pleurer, crier de joie, chanter, se mettre à genou, taper des mains… pour manifester cette dimension corporelle de la foi. Certains chrétiens pensent que Dieu n’a rien à faire avec le corps, et le dénigrent en ne pensant qu’à l’âme : ils oublient ainsi que Dieu s’est incarné en Jésus.

Tout commence par l’amour d’un papa qui doit faire face à l’enfermement ou aux exclusions sociale et religieuse. Il est chef d’une synagogue : « ll était au bord de la mer. Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. Jésus partit avec lui ». Marc ne nous dit pas de quoi souffre la fille de Jaïre. Peut-être que la maladie de cette fille est « l’amour » d’un père trop possessif qui exclut la mère, qui parle de sa fille de 12 ans, l’âge de l’entrée dans la maturité chez les juifs de l’époque, mais un père qui la considère toujours comme une petite fille, la fait ainsi souffrir en l’empêchant de grandir et la faisant ainsi mourir sans s’en rendre compte ? On dirait même que c’est le père qui a besoin d’être guéri car il n’est pas libre dans sa manière d’aimer sa fille. A sa demande, Jésus ne dit rien mais il accepte de marcher, d’avancer et de cheminer avec lui.

Une femme, ensuite, croise Jésus qui allait chez Jaïre ! Contrairement à Jaïre, tellement riche et qui ne veut pas perdre ce qu’il a, la femme de cet évangile est pauvre et sans nom. Très malade, elle a perdu toute sa richesse dans les médicaments. Elle n’a pas et ne peut même pas avoir d’enfant. Cette femme est doublement condamnée à l’exclusion et à la solitude imposées par la Loi qui la considère comme impure. Elle ne peut se marier ni avoir de relations intimes à cause de ses pertes de sang. Cette femme a pourtant un grand désir : celui de vivre ! Elle ne perd pas courage. Elle lutte de toutes ses forces mais sa situation ne fait que se détériorer.

Cette femme a entendu parler de Jésus et cela fait naître en elle l’espérance ! On ne réalise pas toujours ce que « témoigner de Jésus, parler de lui et des merveilles qu’il fait ou a faites pour nous » peut produire dans les cœurs des gens qui nous entourent ! Saint Marc arrête de nous décrire ce qu’elle ressent pour nous mettre dans sa tête et dans son cœur, ce qu’elle pense : « Elle se disait en effet :« Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » Ensuite, ce qui est pensé dans la tête et dans le cœur, elle doit le matérialiser dans le corps en affrontant la foule autour de Jésus, et par derrière, elle touche le manteau de Jésus « À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal ». Saint Marc nous met en contact avec Jésus nous fait contempler sa réaction intérieure. Les disciples trouvent bizarre que Jésus leur demande qui l’a touché alors qu’il est entouré et bousculé par la foule. Contrairement aux grands hommes politiques, militaires, financiers et médiatiques, Jésus n’a pas de gardes du corps pour tenir la foule à distance.

Jésus a senti une force sortir de lui. Saint Marc nous implique et nous fait comprendre la nature de cette force qui sort de Jésus dont nous pouvons faire l’expérience nous aussi concrètement. Cette pauvre femme cherchait la vie, elle désirait quelqu’un avec qui vivre, elle cherchait l’amour. Jésus sent et sait qui, au milieu d’une foule, Le cherche et le désire. Il nous aime comme assemblée, mais il veut aimer et sentir l’amour de chacun de nous personnellement. Ne nous contentons pas seulement d’une relation chrétienne communautaire le dimanche, mais développons aussi cette relation personnelle, amicale et amoureuse avec Jésus. Cette femme cherchait à toucher l’habit de Jésus, mais à présent, c’est Jésus qui la cherche et veut la rencontrer vraiment. Nos désirs égoïstes, parfois mercantiles avec le Seigneur (demander un baptême ou le mariage pour le jour J) peuvent devenir l’occasion pour chacun de faire une véritable rencontre personnelle qui transforme, rend plus vivante et plus belle notre foi. C’est elle, personnellement que Jésus cherche, au milieu de la foule. Nous sommes rassemblés ici, pour la messe, mais dans la Parole et à la communion, c’est chacun de nous qui rencontre personnellement Jésus ! Ce qui se passe en chacun de nous à ce moment-là est unique. J’ai entendu souvent des personnes me dire : «  Mon père, on dirait que c’est à moi que vous parliez pendant votre homélie ». En fait, c’est Jésus qui veut vous toucher en utilisant parfois les pauvres mots d’un prêtre !

A présent, la femme sent en elle la force de Dieu, l’Amour libérateur du Seigneur qui la rend capable, elle, l’impure, tremblante, d’être elle-même et de dire toute sa vérité. On peut tout cacher aux hommes, à nos amis, à la famille… mais on ne peut rien cacher à Jésus qui sait tout sur notre vie. « Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. » Ta confiance, ton courage de t’abandonner, de chercher l’Amour et de te laisser aimer par moi, c’est cela qui te sauve. Va en paix et sois complétement guérie de ton mal, reste dans mon Amour et aime à ton tour. L’amour du Seigneur nous invite à aimer à notre tour.

Après avoir guéri la femme, Jésus poursuit son chemin vers la maison de Jaïre ! Mais sur ce chemin, il y a un obstacle, celui des prophètes de malheurs, ces mauvaises langues, ces pessimistes, ces critiques toujours négatifs et ces médisants qui nous découragent dans notre élan vers le Seigneur et vers les autres : « comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » Ça ne sert plus à rien ! A quoi sert votre foi ? A quoi sert ton baptême, d’aller à la messe alors qu’on est pauvre ! Pourquoi votre Dieu ne fait rien pour tous les malheurs du monde ? Pourquoi Dieu ne t’a pas épargné de cette maladie, de cette épreuve parce que tu es chrétien ? Ils nous disent qu’il faudrait arrêter le chemin entrepris avec Jésus car cela ne sert à rien !

Les paroles de ces annonceurs de malheurs contiennent même une bonne dose de reproches culpabilisants pour Jaïre : elle est déjà morte et tu n’étais même pas là ! La réaction de Jésus fait renaître l’espérance dans ce père qui cherche la vie de sa fille et a besoin pour lui-même d’être rendu capable d’un amour guéri. « Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. ». Ne te laisse pas manipuler par la peur, l’angoisse d’avoir failli par le passé à cause de ton amour trop possessif. Crois seulement, abandonne-toi, libère-toi de toi-même, laisse-toi aimer et tu apprendras à aimer à ton tour.

A ce point, Marc nous décrit une action importante : Jésus construit une communauté resserrée, restreinte avec ceux qu’il choisit lui-même parmi la foule qui le bouscule, qui pleure, critique, fait des reproches….. Jésus prend le papa, et finalement, on voit apparaître la mère, les conduit tous les deux où se trouve la jeune fille. Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher -elle avait en effet douze ans.

En effet, cette fille est déjà presque une vraie femme dans la culture juive de l’époque, pas une petite fille comme la décrivait son papa qui représente tous ces parents qui considèrent leurs enfants comme des éternels enfants, leur refusant de devenir autonomes, les appelant « mon bébé » même à 40 ans alors qu’ils sont déjà mariés. Maintenant, le papa est aussi guéri de son amour possessif. La mère reprend sa place. Cette jeune femme est confiée à ses deux parents pour former une nouvelle communauté créée par Jésus, car la famille est une communauté voulue par Dieu et qui vit de l’amour de Dieu. Si l’Église est une famille, elle est fondée et s’appuie sur la cellule familiale, parents et enfants qui constituent une Église domestique.

Mes chers frères et sœurs ! Cette page de l’évangile est merveilleuse, une bonne nouvelle, la rencontre d’un Jésus qui marche avec chacun de nous, qui se laisse toucher par nos misères et qui nous touche, nous prend par la main, qui nous sauve de nos amours trop possessifs, qui entre dans l’intimité de nos vies, restaurant et réhabilitant la valeur de la sexualité comme richesse pour la vie humaine et les couples, un Dieu qui crée une communauté familiale et sociale par sa présence. Puisse Jésus nous donner la grâce de nous laisser toucher par lui, nous aussi, au cours de cette Eucharistie que nous célébrons ! Amen

Ancien curé de l'ensemble paroissial