B – 17 TO – « C’est grâce à un petit garçon généreux que s’est produit le miracle de la multiplication du pain »

2018-08-02T08:29:07+01:002 août 2018|

Mes chers frères et sœurs ! Je ne sais pas si vous ressentez la même chose, mais hier, quand je préparais cette homélie, j’ai eu une sorte de malaise liturgique ! Je m’attendais à trouver un évangile qui soit une suite logique des deux derniers dimanches : Vous vous rappelez bien celui d’il y a 15 jours, le 15 juillet quand nous avons gagné la coupe du monde…« Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs,  et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route ! » Cela présageait bien une victoire de cette belle équipe de France !

Ensuite, l’évangile de dimanche dernier en était la suite logique : « En ce temps-là, après leur première mission, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » Voilà ! Ils reviennent, ils sont enthousiastes, racontent leur succès et Jésus leur donne une sorte de vacances ! J’aurais bien aimé que les disciples se reposent un peu, qu’ils aient réellement un peu de vacances comme nous en avons tous besoin après une année de travail intense. Non, Jésus et ses disciples sont poursuivis par la foule, comme ceux, nombreux parmi nous qui sont poursuivis par le boulot même en vacances à cause du téléphone, de l’ordinateur… qui nous obligent à rester accessibles et joignables même en vacances ! L’entreprise de Dieu, qu’est cette foule assoiffée et affamée avait besoin du PDG Jésus et de tous ses cadres. Il paraît que lorsqu’on est un cadre, on doit être joignable ! Même le Président demande à ses Ministres de rester joignables en vacances pour répondre aux urgences…

Dans l’évangile de ce jour, il y a une grosse urgence à la laquelle il faut trouver une solution. « Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger?». Jésus a pitié et compassion pour cette foule affamée. Pour lui, il faut urgemment faire quelque chose. Devant cette foule affamée, Jésus demande à ses disciples de trouver une solution. Mais leur solution est celle de beaucoup d’entre nous devant la misère dans le monde. Leur réponse en gros: « Qu’ils se démerdent ! Ils n’ont qu’à se débrouiller !». C’est la réponse de Philippe : «Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain.»

Le raisonnement des disciples et la solution toute-faite, pratique, logique, la seule économiquement tenable qu’ils proposent à Jésus de renvoyer la foule affamée me font penser à certaines solutions que la Communauté Internationale, l’Union Européenne, le FMI, la Banque Mondiale ou la Banque Centrale Européenne donnent à certains drames et tragédies de l’humanité. Quelques exemples !

Pensons d’abord à la tragique crise grecque que nous avons vécue il y a quelques années, et qui est loin d’être passée : l’Europe ne pouvait rien ! On ne pouvait pas payer pour la faute et les erreurs de tous les gouvernements successifs en Grèce. C’est à eux de payer ! Solution : régime de grande austérité pour payer leur dette jusqu’au dernier centime. La solution est logique, politique, économique voire même la seule réaliste pour les technocrates de Bruxelles ou Francfort. Mais cette solution oubliait la souffrance du peuple Grec, de chaque petit Grec qui n’avait rien fait mais qui était au chômage, avait du mal à joindre les deux bouts en fin de mois, ne savait plus se faire soigner… C’est une solution rationnelle mais sans cœur, comme celle proposée par les disciples de Jésus dans cet évangile.

Prenons un deuxième exemple : celui de ces migrants qui meurent dans les embarcations de fortune sur la Méditerranée, ou dont les bateaux de sauvetage sont interdits d’accoster par les différents pays. Persécutés en Libye par les bandits et les passeurs, rejetés aussi en Europe par les pays tels que Malte, l’Italie, la France, l’Espagne. Là aussi, nous avons des solutions logiques ! La France, l’Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde ! Devant un tel drame, même une Angela Merkel qui avait réagi avec ses tripes, son cœur de femme et de chrétienne en a payé le prix politique, les populistes en France et en Europe se sont frotté les mains ! Nous n’avons qu’à les renvoyer chez eux en Afrique, en Syrie, en Irak… tant pis s’ils meurent dans cette guerre que nous avons provoquée chez eux directement ou indirectement ! Nous oublions parfois que ce sont nos politiques qui provoquent ce chaos dans ces pays ! Certaines solutions proposées vont même plus loin : bombarder en pleine mer toutes ces embarcations pour qu’elles n’atteignent pas nos côtes méditerranéennes ! C’est très cynique et diabolique, mais ô combien pratique !

Prenons un dernier exemple : celui des chômeurs ! Oui, je sais qu’il y en a qui sont au chômage parce qu’ils sont paresseux ou qui profitent du système, blablabla, blablabla ! Nous le répétons tellement ! Mais nous oublions la misère de ces millions de chômeurs qui ne cherchent que du boulot, qui envoient des CV par centaines et sont sans réponse. Concernant les chômeurs, j’entends cette réponse, comme celle des disciples de Jésus : « ils n’ont qu’à se débrouiller, le gouvernement ne peut rien pour eux, l’État dépense déjà un « pognon de dingue » pour eux! ». On peut trouver chacun par dizaine ces solutions rationnelles, faciles que nous donnons personnellement devant la souffrance des autres, quand nous refusons de réagir avec notre cœur et nos tripes comme les disciples dans cet évangile.

« Faites-les asseoir et donnez-leur vous-mêmes à manger ! » Jésus nous responsabilise. Inutile de chercher à qui la faute ! Nous sommes là devant un drame, et au lieu de disserter et enquêter, le Seigneur nous demande de réagir avec notre cœur et de tenter des solutions de cœur ! Tout d’un coup, devant cette insistance de Jésus, voici que les disciples cherchent d’autres solutions ! Ils auraient quand même pu se bouger avant ! André fait une tentative de solution généreuse : « Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge  et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » Voilà comment devrait réagir un chrétien : essayer de trouver une solution, essayer d’être généreux, même si nos solutions vont être limitées.

Devant la souffrance du monde, nous sommes appelés à faire notre part, de manière généreuse et responsable et ensuite Dieu fera sa part. En effet, pour tant de monde, cinq mille hommes et tant de femmes et d’enfants, cinq pains et deux poissons ne sont rien. Il s’agit du pique-nique d’un jeune garçon perdu au milieu de la foule. La générosité de ce jeune garçon me fait penser à la légende du Colibri dont j’ai discuté récemment avec un couple de fiancés qui se marient en septembre à Castelginest. La fiancée, travaillant dans une banque, est scandalisée de voir la misère s’accroître alors que quelques personnes détiennent plus de la moitié de la richesse dans le monde. Pour que cela puisse changer, et vivre dans un monde plus juste et plus solidaire, cette demoiselle pense aux solutions politiques et globales. Mais moi, je lui ai parlé de cet évangile, avec ce pique-nique d’un jeune garçon qui permet à Jésus de faire le miracle le plus connu du Nouveau Testament parce qu’en effet, la multiplication des pains est repris six fois dans les quatre évangiles. Pour changer le monde, nous ne pouvons pas attendre que les autres réagissent. Nous sommes appelés à faire notre part, comme nous le trouvons dans la « légende du colibri » : Un incendie se produit dans une forêt où il y a tous ces grands et petits animaux. Quelle tragédie ! C’est le sauve-qui-peut ! Mais le colibri, petit oiseau, s’en va à la mer et de bon bec, amène une goutte d’eau qu’il déverse sur le feu pour éteindre l’incendie, puis revient. Les gros animaux, lions, éléphants… se moquent de lui en lui faisant comprendre que le mieux serait qu’il se sauve, au lieu de vouloir éteindre un grand feu avec une goutte d’eau alors que les canadairs n’y arrivent pas. Le colibri leur rétorqua : « moi je fais ma part et j’essaye de trouver une solution ! Peut-être que si vous aussi vous vous y mettiez, vous qui êtes plus grands et plus forts que moi, nous pourrions arriver à éteindre cet incendie »

Ce jeune garçon a accepté de mettre son pique-nique à la disposition de tous. Le miracle que l’on appelle souvent «la multiplication des pains », nous pouvons l’appeler « miracle du partage et de la générosité ». Ce petit garçon n’est pas encore bourré et pollué par tous les calculs financiers et macro-économiques dans sa tête ! Il veut simplement partager parce qu’il a un cœur. C’est son don, son partage qui provoque un miracle. Aujourd’hui encore, Jésus se sert de notre générosité pour manifester sa puissance et sa compassion. Jésus transforme le pique-nique de cet enfant en grand banquet, une fête pour plus de cinq milles personnes.

Je ne voudrais pas entrer aujourd’hui dans les considérations théologiques de ce miracle en parlant de sa symbolique eucharistique. Je voulais simplement voir, dans le geste de cet enfant, une invitation au partage dans notre société et dans notre monde devenu de plus en plus individualiste et égoïste. Nos mains, notre pain, nos pieds, notre bouche, notre cœur généreux… sont les outils dont le Seigneur veut se servir pour nourrir, guérir et prendre soin de nos contemporains souffrants. Que cette Eucharistie nous obtienne à chacun la grâce d’avoir un cœur généreux comme ce jeune garçon de l’évangile. Amen

Ancien curé de l'ensemble paroissial