B – 30 TO – « Le Seigneur veut entendre notre désir le plus profond. »

2018-10-29T18:57:55+01:0029 octobre 2018|

Mes chers frères et sœurs ! Le contexte de l’Évangile de ce dimanche est la montée vers Jérusalem ! Jésus est à 30 km de Jérusalem où il va donner sa vie sur la croix. Jéricho est la dernière étape avant d’entrer dans la ville sainte Jérusalem et est au centre de l’Évangile de saint Marc. Ces dernières semaines, nous avons entendu plusieurs discours de Jésus faits aux disciples, sur plusieurs thèmes tels que le mariage, comment devenir disciple, la pauvreté, la richesse… Mais nous avons vu combien les disciples ont eu du mal à le comprendre. Aujourd’hui, nous sommes avec Jésus sur la route, et dans la ville Jéricho. A la sortie de cette ville, comme à la sortie de l’église ou de nos villages, de nos quartiers chics, avant d’entrer sur le périphérique qui nous amène dans la ville de Toulouse, Jésus, nous rencontrons quelques dizaines de mendiants qui espèrent obtenir quelques pièces de la part de ces bons chrétiens qui entrent ou sortent de l’église… Parmi ces mendiants, il y en a un qui est vraiment mal en point mais qui attire particulièrement notre attention parce qu’il va devenir pour nous le modèle du vrai disciple : il s’appelle Bartimée.

Le récit de la guérison de Bartimée est en effet une vraie métaphore du cheminement d’un vrai disciple de Jésus. Bartimée est différent de tous les apôtres qui suivent Jésus comme nous, et qui pourtant sont devenus presque aveugles aussi ! des apôtres qui ont toujours le projet illusoire d’établir un règne terrestre dont ils vont se partager le pouvoir en devenant ministres, et qui minimisent les prophéties concernant la mort de Jésus en croix à Jérusalem. Encore dimanche dernier, nous avons vu les fils de Zébédée négocier et demander une place à gauche et à droite de Jésus dans son royaume !

Bartimée, lui se tient au bord de la route. Il ne peut faire autre chose qu’attendre patiemment, comme beaucoup de personnes que nous rencontrons aujourd’hui et qui attendent, résignées dans leur situation éprouvante d’une maladie grave, d’une souffrance morale ou spirituelle, d’une grande précarité économique, d’un travail qui n’arrive pas, d’un inconfort existentiel qui dure depuis des années… Il est là et vit seulement de l’aumône… Cela va durer jusqu’au jour où il va entendre parler de Jésus.

En effet, Bartimée ne connaît pas Jésus, mais quelqu’un lui en a parlé. Aujourd’hui encore, beaucoup ne connaissent pas Jésus, et attendent qu’un chrétien sorte et ose parler de Lui, de sa propre foi. C’est cela l’évangélisation. Si nous ne parlons pas de Jésus, beaucoup de nos contemporains ne le connaîtront jamais. Bartimée a entendu parler de Jésus : cela fait naître en lui le désir, la curiosité intense de Le rencontrer. D’abord, un murmure, puis un grand cri, un hurlement. Il demande pitié : «Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! ». Pitié, car Bartimée n’a pas de lumière dans son cœur. Pitié, car il est paralysé par la peur ! Pitié parce qu’il ne sait pas comme faire, comment s’y prendre ! Le cri de Bartimée, c’est le même que nous lançons à Jésus quand nous sommes à bout de force, quand toutes les solutions se sont révélées insuffisantes, mais que nous refusons de nous résigner à ce destin qui nous accable. Ceci arrive quand nous prenons conscience que nous sommes pauvres et mendiants, que nous ne pouvons pas trouver des réponses par nous-mêmes.

Pauvre Bartimée ! Ceux qui sont autour de lui l’invitent gentiment à se taire, à ne pas déranger. Ce sont ces « amis de bar », du quartier ou du village, ces « camarades d’apéros »… qui se moquent de nous parce que nous cherchons plus d’intériorité, ceux qui nous empêchent de viser plus profond, plus haut… parce que eux se contentent de petitesses ; ceux qui nous enfoncent au lieu de nous encourager ; de nous tirer vers le haut. Ceux qui invitent Bartimée au silence ressemblent aussi à tous ces chrétiens qui imposent le silence aux enfants, posent des limites, des conditions, ceux qui, tellement installés dans leurs certitudes théologiques ne sont plus en mesure d’accueillir ni d’accompagner celui qui mendie la foi en posant des questions basiques, comme ces catéchumènes, ces enfants… que nous rencontrons dans nos communautés. « Il vaut mieux te taire Bartimée, mon ami ! Ne dérange pas Jésus ! Il n’est certes pas là pour les pauvres gens comme toi », lui disent ceux qui l’entourent. Mais, Bartimée ne peut accepter cela. Il crie plus fort, il hurle plus fort sa souffrance parce qu’il veut en être libéré. A force de crier, Jésus l’a entendu. Ne dit-il pas dans le psaume : « Il m’appelle, et moi, je lui réponds ; je suis avec lui dans son épreuve. « Je veux le libérer, le glorifier ; de longs jours, je veux le rassasier, et je ferai qu’il voie mon salut. » (Ps 90, 15-16). Jésus a entendu le cri de Bartimée, et lui envoie quelqu’un : « Appelez-le ». Notre Seigneur choisit de nous rejoindre à travers le visage de ceux qui viennent à notre rencontre, même si nous ne les connaissons pas. Ces messagers du Christ nous encouragent, nous réconfortent, nous motivent…

Dans l’épreuve, un inconnu, un disciple, un ami, un événement, nous répète, comme au fond de nous, comme à Bartimée : « Courage, lève-toi ! Il t’appelle ». Là, nous faisons confiance, nous nous levons, nous nous libérons de ce qui nous paralyse, nous abandonnons nos peurs incommensurables, nous jetons nos manteaux de lamentations et de pessimisme pour rejoindre le Seigneur. Bartimée a jeté son manteau qui était son unique richesse, car c’est là qu’il déposait les pièces d’argent qu’on lui donnait en aumône. En jetant son manteau, Bartimée fait ce que le jeune homme riche de l’évangile n’était pas en mesure de faire. Cet aveugle a bien compris que pour aller vers Jésus, il doit se libérer de ce manteau qui le retient. Souvent, nous crions notre douleur au Seigneur sans être disposé à Lui faire confiance, à courir vers Lui, à nous libérer de ce qui alourdit nos pas et nous empêche d’avancer.

Le dialogue entre Jésus et l’aveugle Bartimée est très riche : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Le Seigneur, comme toujours, nous demande ce que nous voulons, il veut entendre notre désir le plus profond. Nous pouvons demander mille choses : la richesse, l’argent, l’affection, la carrière… Et moi, aujourd’hui, de quoi ai-je vraiment besoin ? Quel est mon désir le plus profond, la soif la plus profonde au fond de moi, pour que dans ma prière cette semaine je la présente au Seigneur en criant vers lui, comme Bartimée.

Bartimée nous invite à ne demander qu’une seule chose : «  Rabbouni, que je retrouve la vue, que je retrouve la lumière ! » : la lumière qui nous permet de reconnaître que c’est Dieu qui nous donne la richesse, lumière pour comprendre qu’aucune richesse ne pourra remplir d’amour notre cœur, lumière pour comprendre que certaines relations deviennent nocives et source de douleur… Bartimée nous invite à désirer la lumière pour nos yeux et pour notre cœur. Maintenant, illuminés par le Christ, ayant reçu sa lumière, nous pouvons devenir ses disciples.

Bartimée est resté le même, sa vie n’a pas changé, mais il a retrouvé la vue et il se met à suivre Jésus le long du chemin. Il est devenu disciple du Christ. Le chrétien vit les épreuves et les souffrances comme tous les humains. Il n’est ni différent ni meilleur que les autres. La seule différence, c’est qu’il a la lumière de l’évangile grâce à laquelle les épreuves ne font plus peur, que les ténèbres ne sont plus insupportables car il sait que le Seigneur peut changer notre vie. Cela veut dire que dans l’épreuve, nous sommes appelés à crier comme Bartimée, parce que nous sommes enracinés dans l’Espérance. Le Seigneur entend toujours le cri de notre prière. C’est cette espérance que nous devons annoncer au monde, comme disciples du Christ. Le chrétien porte la lumière de l’espérance aux autres. Même dans l’épreuve, le chrétien est appelé à être comme Bartimée qui crie vers Jésus, fils de David, en toute confiance. Le chrétien témoigne et raconte les œuvres de guérisons intérieures que Jésus a opérées dans sa vie personnelle. Il parle des libérations, des délivrances dont il a été bénéficiaire grâce à la miséricorde du Seigneur. Que cette Eucharistie nous donne la grâce de crier au monde les merveilles de Celui qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial