B – 31 TO – « Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force »

2018-11-08T19:54:30+01:008 novembre 2018|

Mes chers frères et sœurs ! Aujourd’hui encore, dans la tradition religieuse juive, tous les juifs pratiquants récitent chaque jour une prière qui, par sa première parole en Hébreux s’appelle « Shema ! », c’est-à-dire « Écoute Israël ». Je me rappelle que j’étais impressionné il y a quelques semaines quand je suis allé préparer les funérailles d’Apollinaire Illary, un monsieur croyant mort dans la cinquantaine, après avoir souffert d’une longue et éprouvante maladie, et qui avait appris à ces enfants cette prière juive, pour souligner que notre Dieu est Unique. Dans son appartement à Aucamville, cette prière était affichée en grand sur le mur… et ses enfants l’ont récité le jour des funérailles, ce qui était très beau !

Cette prière juive, nous la trouvons ce dimanche dans la première lecture tirée du Deutéronome et dans la bouche de Jésus dans l’évangile. : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur. Tu les rediras à tes fils, tu les répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé ; tu les attacheras à ton poignet comme un signe, elles seront un bandeau sur ton front, tu les inscriras à l’entrée de ta maison et aux portes de ta ville » (Dt 6, 4-9). C’est ce texte très précieux qui est le sujet de l’échange entre Jésus et un scribe, c’est-à-dire, un spécialiste des questions religieuses juives.

En étudiant les Écritures (AT), les spécialistes de l’époque en avaient tiré plus de 600 préceptes plus ou moins importants les uns que les autres. Par exemple, dans ce code de la Loi, les Dix Commandements donnés à Moïses étaient les plus importants, alors que d’autres préceptes tels que « Verser au temple le dixième de la valeur des feuilles de menthe cueillies dans son jardin » était considéré comme moins important. Franchement, 600 préceptes, impossible de les retenir tous et se souvenir de tous, mais ils constituent un trésor législatif et religieux pour le peuple juif à l’époque de Jésus.

C’est parce que tout le monde pouvait s’y perdre que ce scribe de l’évangile de ce dimanche veut aller à l’essentiel. Il est préoccupé par l’observance fidèle de ce qui est la substance de la Loi divine. C’est pour cette raison qu’il s’adresse à Jésus en lui demandant quel est le principal commandement. Jésus lui répond en citant textuellement le « Shema Israël », c’est-à-dire qu’il faut aimer Dieu de toute son âme, son cœur, son esprit et ses forces.

Mais il ne s’arrête pas là ! Jésus ajoute immédiatement quelque chose qui ne lui est pas demandé, un deuxième commandement : « Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Par cette réponse, Jésus rappelle au Scribe, et à chacun de nous, le lien étroit et indissociable entre l’amour de Dieu et celui du prochain. C’est cela qui constitue la synthèse de la morale chrétienne, comme elle est développée et exprimée dans tous les évangiles. Chaque être humain est appelé à aimer Dieu, comme réponse à l’amour que Lui, le premier, a reversé et déverse sans cesse en nous.

Aimer Dieu signifie le respecter, l’honorer, chercher à faire sa volonté, en particulier en aimant ceux que Lui-même aime, c’est-à-dire, tous ses enfants, nos prochains dont il est à la fois le Créateur et le Père. «Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection » (1Jn 4, 10-12)

Celui qui n’aime pas son prochain, en réalité n’aime pas Dieu. C’est l’amour du prochain qui donne la crédibilité et la réalité à notre amour pour Dieu qui risque de ne rester que conceptuel et cérébral. C’est cela que souligne saint Jean : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère. » (Jn 4, 20-21). Je me rappelle encore de cet enfant de 5 ans qui, lors d’une messe dans l’une des églises, était heureux d’aller donner la paix du Christ à ses voisins de banc… et de l’attitude d’un paroissien adulte qui refusa de lui donner la paix seulement parce que le Seigneur est présent à l’autel, dans le pain et le vin… et qu’il ne fallait plus faire de bruit, se donner la main, à part se mettre à genou, aimer et adorer le Seigneur présent dans l’Eucharistie. Ça m’avait fait trop de peine de voir cet enfant pleurer parce qu’il ne comprenait pas pourquoi ce voisin du banc de devant refusait de lui donner la paix du Christ ! C’est cela la contradiction entre penser aimer Dieu et manquer d’amour pour son prochain, en particulier un petit enfant heureux de découvrir la dimension ecclésiale de l’Eucharistie.

Celui qui n’aime pas le prochain ne peut en réalité aimer Dieu, et celui qui n’aime pas Dieu ne trouvera jamais les motivations les plus fortes, vitales pour aimer le prochain. C’est un binôme que nous sommes appelés à tenir. Mais alors, en quoi consiste l’amour du prochain ? Les évangiles l’expliquent amplement. Il suffit de penser aux béatitudes que nous avons méditées avant-hier à la Toussaint : être pauvre de cœur, être doux, être artisan de paix… Il suffit de penser à certaines paraboles du royaume comme celui du Bon Samaritain, au jugement dernier dans l’évangile de Mt : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Tous ces passages soulignent une chose : le minimum, qui nous est demandé, négativement, c’est de ne faire du mal à personne, et le maximum, positivement, est de dédier nos propres richesses d’esprit, de cœur, d’âme, de temps, et même de portefeuille, au service de nos frères et sœurs.

Pour terminer, mes chers frères et sœurs ! En écoutant la Parole de Dieu de ce 31è dimanche, demandons la grâce et engageons-nous pour connaître le Seigneur un peu plus chaque jour, car pour aimer le Seigneur, nous sommes appelés à Le connaître. Amour et connaissance font un autre binôme, comme aimer Dieu et son prochain. Cela veut dire aussi que pour aimer le prochain, nous sommes appelés à nous approcher de lui, comme le bon Samaritain qui se penche sur le mourant tombé sous les mains des brigands. Que cette Eucharistie que nous célébrons nous aide à chercher à toujours mieux connaître Dieu, pour mieux L’aimer et Le faire aimer à nos frères et sœurs dont nous nous rapprocherons, en leur apportant l’amour, la tendresse de Dieu, en les aimant chaque jour un peu plus, malgré nos différences et nos fragilités. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial