B – 32 TO – « Radins et m’as-tu-vu ? Ou bien, généreux et soucieux de la veuve et l’orphelin ? Choisis ta vie ! »

2018-11-14T00:26:47+01:0014 novembre 2018|

Mes chers frères et sœurs ! Imaginez que nous sommes dans le temple de Jérusalem, un des piliers de la foi d’Israël, comme nos églises étaient jadis (ou sont encore aujourd’hui, j’espère) le cœur de nos villages et de nos communes. Jésus est là, présent et il discute avec nous. Dimanche dernier, nous avons entendu la discussion avec un scribe qui lui demandait lequel était le plus grand commandement, et Jésus avait répondu que le plus grand commandement est un binôme : aimer Dieu et aimer son prochain. Il avait tellement bien répondu que personne n’osait plus lui poser une question. A présent, n’ayant plus de questions hypocrites, Jésus peut poursuivre son enseignement sans être interrompu. Avant de nous faire un enseignement sur la fin du monde comme nous le verrons dimanche prochain, aujourd’hui, Jésus veut nous laisser un dernier message sur la simplicité et la générosité, en observant ce qui se passe dans le temple.

Comme tout le monde, Jésus regarde ceux qui sont présents dans le temple et constate une chose : une catégorie de gens est là comme dans une sorte de défilé de mode, comme pour voir qui est le plus riche, celui qui porte les habits les plus coûteux… Ce sont des prêtres, des scribes, des docteurs de la Loi qui sont en réalité victime d’une maladie chronique qu’on appelle « la mondanité ». Ceux-ci sont au temple, pas tellement pour Dieu mais pour leur gloire, pour se faire remarquer dans une sorte d’exhibition mondaine de leurs richesses, leurs vêtements, leurs titres. Ce « défilé de mode » dans le temple permet à Jésus de s’adresser à ses disciples, et donc à nous aussi, en nous demandant d’éviter ces gens-là : «Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners ».

Ces scribes ont un amour démesuré et passionnel pour les habits coûteux. Ils me font penser à tous ces hommes et femmes qui passent leur temps à faire du shopping, qui dépensent seulement pour le plaisir (je sais que ça crée des tensions dans les couples !), ces gens qui n’acceptent pas de ne pas avoir le dernier vêtement à la mode, le dernier iPhone qui coûte plus de 1500 euros alors que l’autre fonctionne encore… J’en profite pour rappeler que dimanche prochain dans nos églises, au bénéfice des pauvres, nous faisons une collecte des habits, téléphones et jouets pour le Secours Catholique car ce sera la Journée Mondiale des Pauvres instituée par le pape François. Alors, si vous avez de ces habits qui sont encore en bonne état, des téléphones que vous n’utilisez plus, des jouets auxquels vous et vos enfants ne touchez plus… vous pouvez les apporter à la messe dimanche prochain, et cela fera des heureux, en particulier au moment où nous pensons déjà aux cadeaux de Noël…

Revenons aux scribes ! Jésus nous met en garde contre leur passion pour les habits luxueux pour se distinguer des autres, et qui aiment prendre les première places dans les synagogues (c’est-à-dire qu’ils aiment se mettre devant Dieu) et aussi dans les banquets (c’est-à-dire devant les hommes) ; ce qui veut dire qu’à l’inverse de ce que Jésus nous disait dimanche dernier -que nous devons aimer Dieu et aimer le prochain- ces scribes que Jésus nous présente aujourd’hui, n’aiment ni Dieu ni le prochain.

Mais, au-delà des habits et de l’apparence, il y a quelque chose de plus pernicieux encore dans leur comportement : ces scribes aiment aussi posséder plus que les autres, en utilisant des méthodes illégales et peu recommandables : « Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. », c’est-à-dire qu’ils volent et exploitent les veuves, c’est-à-dire les personnes les plus vulnérables et sans défense alors que, dans la Bible, qu’ils connaissent très bien, Dieu nous invite à défendre et à prendre soin de la veuve et de l’orphelin car ils n’ont personne d’autre pour les défendre. Ces scribes, au lieu de défendre les veuves, les exploitent sans scrupules. Ça veut dire qu’ils ont un double visage : ils passent beaucoup de temps en prière pour se faire remarquer comme des gens très religieux, tout en exploitant les pauvres… le comble de l’hypocrisie.

Parmi les choses que Jésus déteste et dénonce dans la vie des gens, c’est l’hypocrisie de ceux qui montrent une apparence positive tout en ayant un cœur loin de Dieu et loin du prochain. Demandons au Seigneur de faire de nous des gens simples et vrais dans nos relations de couple, en famille, au sein de la communauté ecclésiale et dans la société. Même l’Église est appelée à être, comme ne cesse de le répéter le pape François, une Église pauvre, humble et simple, qui refuse toute mondanité comme nous le voyons dans le comportement des scribes.

Le deuxième enseignement que Jésus nous laisse est une expérience que nous reconnaîtrons tous, si nous sommes un peu sincères. C’est la générosité des gens pauvres. Il y a quelques années, j’étais encore prêtre dans la paroisse de Colomiers, un été, j’ai amené en vacances au Congo un groupe d’amis qui ont passé 15 jours à Bukavu, au milieu de gens devenus pauvres à cause de cette guerre qui dure depuis maintenant 25 ans. Parmi les choses qui les ont impressionnés, c’est l’accueil généreux de ces gens pauvres qui étaient capables de remuer ciel et terre pour accueillir ces visiteurs venus de loin, et dont la table était toujours ouverte… Tous ceux qui voyagent un peu dans ces pays que nous appelons pays pauvres ou Tiers-Monde sont témoins de la générosité des gens de ces pays.

Mais nous n’avons pas besoin d’aller en Asie, en Afrique, en Amérique latine pour faire l’expérience de la générosité des gens pauvres. Il suffit de regarder autour de nous, dans nos familles, dans nos communes et communautés. C’est cela que nous contemplons à travers le témoignage de ces deux veuves, celle de la première lecture qui partage ce qui lui restait avec le prophète Elie et celle que Jésus nous présente comme modèle dans l’évangile : « Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

Je n’ai pas l’habitude de parler d’argent, mais parce que l’évangile s’y prête aujourd’hui, je vais me lâcher par quelques exemples. J’en fais l’expérience comme curé de paroisse : des personnes simples, qui vivent d’énormes difficultés économiques, avec de très petits salaires ou de petites retraites, mais qui sont des exemples éloquents de générosité pour les voisins, pour les associations humanitaires et solidaires. Ces gens soutiennent l’Église non seulement par leur présence physique mais aussi par leur générosité quand ils donnent au Denier du Culte ou pendant la quête à la messe….

Quand j’étais encore au séminaire, une veuve qui venait de marier sa fille avait voulu donner intégralement la dot du mariage au bénéfice du séminaire pour la formation des futurs prêtres… Cette veuve avait des fins de mois très difficiles. Quand l’économe nous en a parlé au cours d’une réunion, nous étions unanimes pour que le séminaire refuse ce don car c’était surtout la veuve qui avait besoin que nous l’aidions. Mais elle avait refusé en demandant seulement d’être portée par la prière des séminaristes.

Sur notre ensemble paroissial, je vois des visages de certaines personnes qui ne roulent pas sur l’or, mais qui sont généreuses envers l’Église, non seulement financièrement, mais aussi et surtout en s’investissant dans l’Église… On en voit d’autres qui n’ont pas de difficultés économiques, mais qui ont du mal à donner aux pauvres, qui ne font jamais un don à une association humanitaire, qui n’ont jamais donné au Denier du Culte, qui s’assurent en venant à la messe d’avoir bien pris quelques pièces jaunes, une pièce de 50 centimes ou d’1 euro pour la donner à la quête

Une paroissienne soulignait le caractère radin de sa grand-mère qui compte chaque petit centime : un jour, elle a donné au Denier de l’Église et au lieu de mettre 20 euros, elle s’est trompée mettant un zéro de plus… Quand elle s’en est rendu compte, elle est allée faire une réclamation auprès du curé pour qu’on lui rende son chèque… Je pense à ce couple de fiancés qui avait dépensé pour leur mariage 14 000 euros et qui avaient trouvé que « c’est quand même cher payer de donner 250 euros à l’Église ! » Notre comptable reçoit l’an dernier, d’une jeune femme, un chèque de 5000 euros de Denier. Elle est étonnée et m’appelle pour me demander si je connaissais cette jeune femme, car elle pensait que notre généreuse donatrice s’était trompée de chiffre en mettant un 0 de trop. En fait, Magut Murat n’est pas habituée à voir un chèque de 5 000 euros pour le Denier… J’ai pris quand même la précaution de demander à la dame si c’est bien 5 000 euros qu’elle avait voulu donner au Denier…

Un comédien disait, en parlant de gens qui accumulent au lieu d’être généreux et de partager avec les pauvres, qu’on ne voit jamais un coffre-fort ou un déménageur accompagner le défunt au cimetière ni pour ses funérailles.

Arrêtons de parler d’argent pour contempler cette veuve de l’évangile qui nous est donnée comme modèle de générosité. Notre vie est faite pour être donnée généreusement dans le mariage, en famille, avec nos frères et sœurs les plus démunis, les plus fragiles. Que Jésus, qui s’est fait pauvre en devenant semblables à nous dans son incarnation, nous donne de nous enrichir chaque jour de la seule richesse qui vaille la peine : son Amour infini dont nous témoignons les uns les autres. Ce qui restera de nous, après notre passage en ce monde, c’est l’amour dont nous aurons été témoins au milieu de nos frères et sœurs…

Ancien curé de l'ensemble paroissial