C – 4 TO – « Ils veulent un Dieu qui les émerveille… mais Dieu nous appelle à la liberté, à l’amour et la vérité. »

2019-02-04T07:02:12+01:004 février 2019|

Mes chers frères et sœurs ! Enchanter pour déchanter, tel est le premier point que j’ai tiré de la méditation de ce dimanche. C’est une expérience qui se fait souvent en politique, juste après les élections. Vous avez voté pour Macron, Trump, Obama, Merkel, Poutine, Maduro, Bolsonaro ou Tshisekedi en RDC… Vous avez voté pour lui massivement et peut-être que vous avez mis beaucoup de rêves en lui, mais vos attentes n’ont pas été réalistes. Vous avez trop rêvé ! Cette personnalité est sur un piédestal, comme les statues des saints dans nos églises. S’ensuit une période de grâce, une sorte de lune de miel politique où l’enthousiasme bat son plein ! Ensuite, après quelques mois d’exercice de pouvoir, vous réalisez que la personne sur laquelle vous avez misé ne peut pas faire tout ce que vous vouliez et attendiez de lui. Vous qui étiez enchanté, vous déchantez tout à coup dans votre cœur, dans votre tête. La personne tombe du piédestal où vous l’aviez mise et vous devenez comme des « gilets jaunes » qui réclament démission ou changement de politique… Ceci arrive à un nouvel évêque ou un curé nouvellement nommé : au début, beaucoup d’enthousiasme, de rêve, d’illusion… Mais, ensuite, on réalise que cet évêque, ce curé ne peut pas faire tout ce que nous voulons ou désirons… Petit-à-petit, il tombe lui aussi du piédestal. Rêver et déchanter, voilà une expérience purement humaine comme nous pouvons le voir dans l’évangile d’aujourd’hui.

Jésus a vécu la même chose ! Au début, la synagogue est enchantée devant le rêve du monde nouveau dont il parle. L’assemblée est émerveillée et suspendue à ses lèvres ! Jésus est placé sur un piédestal : « Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. ». Jésus fait son enseignement, en disant bien la vérité à ceux qui l’écoutent. Mais, cette vérité-là, les gens ne voulaient pas l’entendre, comme le peuple qui refuse d’apprendre la vérité sur l’état réel du pays d’un homme politique après son élection, tel François Fillon qui disait qu’il « était à la tête d’un gouvernement d’un pays en faillite et qu’il fallait faire des économie »… Ce qui lui a (entre autre) coûté cher politiquement… Dans la synagogue, on passe de l’admiration à la haine, de l’émerveillement à la colère : «À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux.  Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin »

Jésus est pourtant dans son village natal ! Imaginez si c’était un étranger ! Nazareth est passé en quelques minutes de l’honneur, de la fête pour ce fils du pays qui revient entouré d’une grande réputation, d’honneur, puissant en parole et par ses miracles… à la colère, au mépris et à une tentative de le lapider ! Ceci me fait penser à une page que nous écouterons pendant le temps de Carême, quand Jésus est accueilli triomphalement à Jérusalem comme roi par une foule nombreuse en liesse avec des chants, des rameaux, des pagnes par terre… mais qui va crier quelques jours plus tard : « crucifiez-le ! ».

Certaines situations familiales malheureuses, par exemple, lors du divorce et des séparations nombreuses dans nos sociétés, on fait la guerre à son conjoint, une telle guerre comme si l’autre étaient devenu le diable, oubliant que vous l’avez aimé, mis sur un piédestal, eu des enfants avec lui (elle), vécu de belle choses… Mais tout ceci est oublié en un laps de temps, faisant passer l’autre pour un démon…. On est vite passé de l’amour à la haine, du piédestal à la tentative d’homicide…

C’est cela l’humanité ! Quelqu’un disait que le sentiment le plus proche de l’amour, c’est la haine. Jésus en fait les frais dans l’évangile, mais beaucoup de prophètes en ont fait les frais dans l’histoire biblique. On dirait même que la persécution est la preuve de l’authenticité d’un prophète. C’est comme si un prophète qui n’est pas persécuté ne l’est pas vraiment parce qu’il fait trop de compromis et compromission en essayant de faire plaisir aux uns et aux autres… Mais cela ne dure pas longtemps. Jésus le sait très bien. « Ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ?   Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton : ‘Médecin, guéris-toi toi-même’, et me dire : ‘Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton lieu d’origine ! »

En effet, ces Nazaréens ne cherchent pas Dieu, mais un thaumaturge, un faiseur de miracle à leur disposition, prêt à intervenir dans leurs petits et grands naufrages, combler leurs rêves et désirs. Ils veulent un Dieu qui les émerveille, qui leur en mette plein les yeux comme avec des effets spéciaux au cinéma, quelqu’un qui résout les problèmes, mais pas un Dieu qui leur demande de se convertir, de passer d’un cœur de pierre à un cœur de chair.

Jésus sait qu’on ne libère pas les cœurs des gens avec du pain et des miracles à volonté. En distribuant les pains on cherche à posséder et dominer les gens… Comme les politiques qui, dans certains pays comme le Congo, font campagne en distribuant dollars et biens aux gens pour gagner leur vote… mais cela ne marche pas avec Dieu ! Dieu ne veut pas nous dominer ni nous posséder et il refuse que nous mettions la main sur Lui. Dieu n’est pas intrusif, ni dominateur. Il ne veut pas nous manipuler avec ses dons et ses miracles… Notre Dieu veut que nous entrions avec lui dans une relation d’amour vrai et de liberté. En cette eucharistie, nous pouvons lui demander d’entretenir avec lui et avec nos frères et sœurs, des relations dans la vérité et dans la liberté, sans la tentation de possession ou de manipulation.

L’autre point que je voudrais aborder avec vous est la « crainte et le tremblement du prophète ». Soren Kierkegaard, un philosophe et théologien Danois que j’aime beaucoup, a écrit un très beau libre intitulé « Crainte et Tremblement ». Devant Dieu et devant la mission qu’il nous confie, nous sommes forcement pris par la crainte de voir cette confiance infinie que Dieu nous fait en dépit de nos fragilités. L’un des signes indiscutable de l’appel de Dieu est le sens de la crainte, cette peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être digne de ce que le Seigneur nous demande. Cela vaut pour toutes les vocations.

Les prophètes ont eu la même sensation. Moïse a eu cette crainte devant la mission qui lui a été confiée de libérer le peuple. On le voit bien chez le prophète Jérémie qui tremble devant cette mission délicate qui lui est confiée. Dans le nouveau testament, on le voit quand Jésus appelle certains apôtres.  Saint Paul se sent indigne au point qu’il s’appelle même l’avorton. Quand on va à l’église Saint Louis des Français à Rome, on voit représenté sur un tableau du Caravage « l’appel de Matthieu » : Jésus l’appelle mais ce dernier se sent tellement indigne et pécheur qu’il regarde ailleurs, pensant que Jésus appelait quelqu’un d’autre. Mais Jésus insiste en lui disant que c’est bien lui, Matthieu, qu’Il appelait.

Dans le mariage, quand on prend au sérieux l’engagement et le choix du mariage et ce que cela implique, on a peur. Une paroissienne m’a récemment parlé de son fils qui vient de se séparer de sa fiancée après l’avoir demandé en mariage : ils étaient ensemble depuis 6 ans : la perspective du mariage a fait tomber les masques et invité à vivre dans la vérité… Ce qui a causé la séparation.

Il arrive aux séminaristes, religieux et religieuses de craindre et trembler, au point d’hésiter et douter à la veille les vœux ou l’ordination. Personnellement, j’ai fait cette expérience de crainte, doute et tremblement pendant ma retraite d’ordination presbytérale à l’abbaye d’En Calcat : me connaissant, je me sentais tellement indigne, pas à la hauteur et incapable d’être prêtre que cela m’a provoqué tristesse et doute… Dieu m’a donné la réponse et la consolation le lendemain, lors de la prière de l’Office des Lectures : en ouvrant mon bréviaire le lendemain, je suis tombé sur un texte de Saint Martin de Tours qui dit que « Dieu ne peut pas nous donner une mission sans nous donner la force de l’accomplir ». Tout était clair désormais pour moi. Il y a deux ans, un couple d’amis des END qui devait prendre une grosse responsabilité dans le scoutisme appréhendait et voulait refuser cette mission. Ils en ont parlé en famille. Un de leurs enfants, leur a sorti une explication en disant : « Papa, maman, vous savez, Dieu n’appelle pas ceux qui sont capable, mais Il rend capable ceux qu’il appelle ». Et pour donner une note africaine en ce retour des vacances, je vous offre ce proverbe africain qui dit « qu’un éléphant ne se fatigue jamais de porter ses défenses ». Cela veut dire que quand une mission nous est confiée par le Seigneur, il nous accompagne toujours, que ce soit dans l’Église, la famille, dans le monde, et même dans le domaine politique. Se croire capable nourrit notre orgueil, alors que la crainte de la mission nous invite à l’humilité et à compter sur Dieu et sur l’aide des autres. Demandons au Seigneur de nous aide à cultiver cette humilité, crainte et tremblement devant Lui comme nous le voyons dans la vie de ceux et celles qu’il appelle. Amen

Ancien curé de l'ensemble paroissial