Nous célébrons Marie mère de Dieu, et l’évangile nous place en ce premier janvier qui est le huitième jour de l’octave de Noël au 8ème jour de la naissance de Jésus, qui est le jour de sa circoncision : ce que saint Paul résume à sa façon dans la deuxième lecture : Frères, lors-qu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme (Noël) et soumis à la loi de Moïse (la circoncision en particulier), afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous soyons adoptés comme fils. Mais les lectures ont retenu mon attention sur une dimension particulière de cet événement de la Nativité : Dieu s’est laissé voir à nos yeux !
C’était le désir de la bénédiction d’Aaron : Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, Ce que reprend le psaume : que son visage s’illumine pour nous ; Moïse conversait avec Dieu dans la tente de la rencontre « face à face » en Exode 33,11 mais cependant Il ne voyait pas Dieu comme en témoigne son dialogue avec Dieu quelques versets plus loin : « Tu ne pourras pas voir mon visage, car un être humain ne peut pas me voir et rester en vie. »
A Noël Dieu qui est par nature invisible s’est rendu visible à nos yeux : L’évangile nous montre les privilégiés qui voient la face de Dieu dans le visage de ce nouveau-né : Marie et Joseph, et ensuite les bergers. Après avoir vu…les bergers repartirent ; ce fait de voir, l’évangéliste Luc le répète à nouveau, comme pour nous dire l’importance du fait d’avoir vu : « ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu »
Oui comme le dira Jésus à ses disciples : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car, je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. » Saint Jean, au contraire, dit les choses fort différemment. Nous lisons le début de son évangile le jour de Noël pour nous aider à percevoir le mystère caché dans la paille de la crèche, dans le regard du nouveau-né. Saint Jean veut en quelque sorte rendre visible ce qui est invisible. Quoi de plus invisible qu’un verbe, qu’une parole ?
Saint Jean l’affirme donc : « Dieu personne ne l’a jamais vu, le Fils unique nous l’a fait connaître. » Et à la fin du prologue : « Nous avons vu sa gloire ». Benoît XVI ; « Cela pourrait être la parole des bergers qui reviennent de l’étable et récapitulent ce qu’ils ont vu. Ce pourrait être la parole de Marie, par laquelle Joseph et Marie décrivent leur souvenir de la nuit de Bethléem. A vrai dire, nous les chrétiens devrions tous pouvoir prononcer cette phrase : Nous avons vu sa gloire. Oui on pourrait même désormais déclarer ce que croire veut dire : voir sa gloire au cœur du monde.
Je veux voir Dieu, c’est le cri de Thérèse d’Avila enfant qui a expliqué à ses parents pourquoi elle voulait partir se faire décapiter chez les Maures : « Je veux voir Dieu, et pour voir Dieu, il faut mourir ». Ce cri, c’est bien l’expression de la soif, consciente ou non, de toute femme, de tout homme créé par Dieu. Regardez comment le Catéchisme de l’Église catholique commence avec le paragraphe sur le désir de Dieu et finit par la partie morale avec ce cri : « Je veux voir Dieu ».
Avant de voir Dieu face à face, au Ciel, on est appelé à le rencontrer dès maintenant dans la foi. Et à le regarder dans la crèche : en ce jour de sa circoncision, dans la grotte même de Bethléem où, selon les visions de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, trois prêtres sont venus à la demande de Joseph, l’enfant a beaucoup pleuré et les yeux de Marie ont été remplies de larmes. Et l’enfant a été consolé en tétant le sein de sa mère et en passant de ses bras à ceux de Joseph.
Saint François de Sales, dont nous fêtons le 400ème anniversaire de sa mort, deux jours avant sa mort s’adresse à des sœurs : « Voyez-vous l’Enfant Jésus dans la crèche ? Il reçoit tous les ravages du temps, le froid et tout ce que le Père permet qu’il lui arrive. Il ne refuse pas les petites consolations que sa mère lui donne, et il n’est pas écrit qu’il tende jamais les mains pour avoir le sein de sa Mère, mais il laisse tout à ses soins et à sa prévoyance ; ainsi nous ne devons rien désirer ni refuser, supportant tout ce que Dieu nous envoie, le froid et les ravages du temps ». À l’école de l’Incarnation, François de Sales avait appris à lire l’histoire et à l’habiter avec confiance.
Et Marie, mère de Dieu comment vit-elle ce moment ? pas de parole mais Marie garde dans son cœur tous ces événements et les médite. Le silence de la Vierge s’explique surtout par l’attitude de contemplation qui est la sienne. La Vierge laisse Dieu être Dieu. Ce qu’elle voit : le Très-Haut qui s’est fait le Très-Bas par amour pour nous en l’Enfant qu’elle tient dans ses bras, est au-delà des mots.
Alors demandons à Marie de nous accompagner en cette année nouvelle, que nous puissions être bénis et voir la gloire de Dieu dans nos vies en cette année 2023. Mais rappelons-nous que pour être bénis, comme le disait Benoît XVI, il faut demeurer en présence de Dieu, recevoir sur soi son Nom et rester dans le cône de lumière qui part de son visage, dans l’espace illuminé par son regard, qui répand grâce et paix.