Les lectures de ce dernier dimanche de carême avant d’entrer dans la Semaine Sainte nous font vivre la résurrection avant Pâques : « je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter » nous dit le Seigneur à travers son prophète Ezéchiel. Et Jésus ressuscite Lazare : « Lazare, viens dehors ! » et le mort sortit…
Pourquoi la liturgie nous fait-elle vivre la résurrection avant Pâques ?
J’y vois trois raisons :
La première c’est bien ce qui s’est passé avant la Pâque de Jésus : le plus grand signe effectué par Jésus est la résurrection de Lazare au quatrième jour de son décès, septième signe ou miracle que saint Jean rapporte, le dernier et le plus prodigieux où Jésus se révèle comme Seigneur de la vie et de la mort. Les juifs croyaient à l’époque que l’âme du défunt était en mesure de vaquer en dehors du corps jusqu’au troisième jour mais qu’au quatrième, le corps entrait en corruption (Cf. Génèse Rabbá 100,64). C’est sans doute à cette croyance que fait allusion Marie lorsque Jésus lui demande de retirer la pierre du sépulcre et qu’elle lui dit que le cadavre est déjà en puanteur. C’est sans doute compte tenu de tout cela que Jésus a retardé son arrivée afin appeler Lazare, dans un état de réelle corruption.
C’est devant ce signe que les pharisiens ont décidé de mettre à mort Jésus : « si nous le laissons faire, tout le monde croira en lui »
La seconde raison, c’est que Jésus a fait ce miracle pour ses amis Marthe, Marie et Lazare : « celui que tu aimes est malade ». Il voulait ainsi leur manifester sa puissance d’amour avant la grande épreuve de la croix. Comme le dit saint Jean Chrisostome (hom. 62) : « Marthe avait souvent entendu Jésus-Christ parler de la résurrection; il lui fait donc connaître ici clairement sa puissance: «Jésus lui dit: Je suis la résurrection et la vie». Il lui prouve ainsi qu’il n’a point besoin d’un secours étranger, car si ce secours lui était nécessaire, comment serait-il la résurrection? S’il est lui-même la vie, il n’est limité par aucun espace, il existe partout, et partout aussi il peut faire sentir sa vertu bienfaisante. – Marthe lui a dit: «Tout ce que vous demanderez, Dieu vous le donnera»; et Jésus lui répond: «Celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra», il lui apprend ainsi qu’il est le dispensateur de tous les biens, et que c’est à lui qu’il faut les demander, et il élève en même temps son intelligence à de plus hautes pensées, car il ne se proposait pas seulement de ressusciter Lazare, mais de rendre tous ceux qui étaient présents témoins de sa résurrection. »
La troisième raison nous concerne : Cet amour du Seigneur a toujours suscité l’émerveillement des saints et leur souci d’y correspondre, que Saint Josémaria exprimait ainsi: “Jésus est ton ami. —L’Ami. — Avec un cœur de chair, comme le tien. —Avec des yeux au regard très touchant qui ont pleuré pour Lazare… Et il t’aime, toi aussi, autant que Lazare”
Le pape François explique ainsi cette résurrection : “Lazare, viens dehors !”. Le mort sortit, debout, les pieds et les mains liés de bandelettes, et son visage était enveloppé d’un suaire » (vv. 43-44). Ce cri péremptoire s’adresse à tout homme, parce que nous sommes tous marqués par la mort, nous tous ; c’est la voix de celui qui est le maître de la vie et qui veut que tous « nous l’ayons en abondance » (Jn 10, 10). Le Christ ne se résigne pas aux tombeaux que nous nous sommes construits avec nos choix de mal et de mort, avec nos erreurs, avec nos péchés. Il ne se résigne pas à cela ! Il nous invite, il nous ordonne presque de sortir du tombeau où nos péchés nous ont ensevelis. Il nous appelle avec insistance à sortir des ténèbres de la prison dans laquelle nous nous sommes enfermés, en nous contentant d’une vie fausse, égoïste, médiocre. « Viens dehors ! » nous dit-il, « Viens dehors ! ». C’est une belle invitation à la véritable liberté, à nous laisser saisir par ces paroles que Jésus répète aujourd’hui à chacun de nous. Une invitation à nous laisser libérer des « bandelettes », des bandelettes de l’orgueil. Parce que l’orgueil nous rend esclaves, esclaves de nous- mêmes, esclaves de tant d’idoles, de tant de choses. Notre résurrection commence là : quand nous décidons d’obéir au commandement de Jésus en sortant à la lumière, à la vie ; quand les masques tombent de notre visage — si souvent, nous sommes masqués par le péché, les masques doivent tomber ! — et que nous retrouvons le courage de notre visage original, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Le geste avec lequel Jésus ressuscite Lazare montre jusqu’où peut arriver la force de la Grâce de Dieu, et de ce fait, jusqu’où peut aussi arriver notre conversion, notre changement. Il n’y a pas de limite à la miséricorde divine offerte à tous ! Le Seigneur est toujours prêt à soulever la pierre tombale de nos péchés qui nous sépare de Lui, lumière des vivants ”
Alors en cette semaine Sainte, nous pouvons vivre nous aussi cette grâce de résurrection avant Pâques par le sacrement de réconciliation : les prêtres, comme le fait comprendre saint Augustin, ont reçu cette mission de Jésus : « c’est pour le délier de ses péchés que Jésus dit aux serviteurs : «Déliez-le, et laissez-le aller», c’est-à-dire, tout ce que vous aurez délié sur la terre, le sera dans le ciel. »