Dans le prolongement du dimanche de la Parole et dans ce Jubilé où nous sommes appelés à être pèlerins d’espérance nous pouvons méditer l’évangile de cette fête selon les 4 sens de l’Écriture :
Le sens littéral : l’espérance d’Israël s’accomplit
Il s’agit d’un événement de la vie du Christ : La fête de la Présentation de Jésus au Temple, célébrée aujourd’hui, quarante jours après sa naissance, nous présente un moment particulier de la vie de la Sainte Famille : conformément à la loi de Moïse, le petit Jésus est amené par Marie et Joseph au temple de Jérusalem pour être offert au Seigneur (cf. LC 2,22). Syméon et Anne, inspirés par Dieu, reconnaissent dans cet Enfant le Messie tant attendu et ils prophétisent à son sujet. Avec Siméon et Anne c’est toute l’attente d’Israël qui vient à la Rencontre de son Sauveur (la tradition byzantine appelle ainsi cet événement). Jésus est reconnu comme le Messie tant attendu, « lumière des nations » et « gloire d’Israël »
Comme l’écrit le cardinal Lustiger dans son livre La promesse, les nations chrétiennes sont, « par la foi dans le Messie crucifié, redevables de l’espérance d’Israël ; N’est-ce pas le peuple juif qui a été le témoin le plus visible de l’eschatologie pendant quinze siècles d’Europe ? Peuple de témoins malgré eux, en dépit d’eux-mêmes, vivant dans la fidélité jusqu’au martyre, dans le péché peut-être, mais témoins de ce que le royaume n’est pas de ce monde. Le martyre et l’attente messianique des juifs n’auraient-ils aucun sens, aucun prix pour l’Église, qui attend le retour de son Sauveur, qui attend la Parousie du Sauveur de tous ? »
Le sens spirituel
Sens allégorique : La vie consacrée est signe d’espérance pour l’Église et pour le monde
Cette présentation de Jésus consacré s’accomplit dans le mystère de l’Église : Le Christ est aussi le premier né de tous les consacrés : l’Église célèbre la Journée de la Vie consacrée. Il s’agit d’une occasion opportune pour louer le Seigneur et lui rendre grâce pour le don inestimable que représente la vie consacrée, sous ses différentes formes ; c’est dans le même temps un encouragement à promouvoir dans tout le peuple de Dieu la connaissance et l’estime envers les personnes qui sont totalement consacrées à Dieu. De même que, en effet, la vie de Jésus, dans son obéissance et son dévouement au Père, est la parabole vivante du « Dieu avec nous », ainsi, le dévouement concret des personnes consacrées à Dieu et aux frères devient un signe éloquent de la présence du Royaume de Dieu pour le monde d’aujourd’hui. La vie consacrée est signe d’espérance :
Comme l’affirme la mystique et philosophe française Simone Weil, nous sommes l’épouse qui attend dans la nuit l’arrivée de l’époux. « La part de la future mariée est l’attente […]. Désirer Dieu et renoncer à tout le reste : en cela seul consiste le salut » (S. Weil, Attente de Dieu, Milan 1991, 152). Et le Pape François de conclure : « Sœurs, frères, cultivons dans la prière l’attente du Seigneur et apprenons la bonne “passivité de l’Esprit” : nous pourrons ainsi nous ouvrir à la nouveauté de Dieu. »
Ainsi au sein du Peuple de Dieu, les personnes consacrées sont comme des sentinelles de l’espérance, qui aperçoivent et annoncent la vie nouvelle déjà présente dans notre histoire.
Sens tropologique : les chrétiens sont témoins de l’espérance :
Soyez prêts à répondre à celui qui vous demande raison de votre espérance, avec douceur et respect nous dit saint Pierre dans sa première lettre ( 1 Pierre 3)
La préface du livre du Pape François «L’espérance est une lumière dans la nuit» annonce la mission du chrétien :
« L’espérance, en revanche, est un don et une tâche pour chaque chrétien. C’est un don parce que c’est Dieu qui nous l’offre. Espérer, en effet, n’est pas un simple acte d’optimisme, comme lorsque nous espérons parfois réussir un examen à l’université («Espérons de réussir») ou que nous espérons le beau temps pour une promenade à la campagne un dimanche de printemps («Espérons qu’il fasse beau temps»). Non, espérer, c’est attendre quelque chose qui nous est déjà donné: le salut dans l’amour éternel et infini de Dieu. Cet amour, ce salut qui donne saveur à notre vie et qui constitue la charnière sur laquelle le monde reste debout, malgré toutes les méchancetés et les turpitudes causées par nos péchés d’hommes et de femmes. Espérer, c’est donc accueillir ce don que Dieu nous offre chaque jour. Espérer, c’est savourer l’émerveillement d’être aimé, recherché, désiré par un Dieu qui ne s’est pas enfermé dans ses cieux impénétrables, mais qui s’est fait chair et sang, histoire et jours, pour partager notre sort.
L’espérance est aussi une tâche que les chrétiens ont le devoir de cultiver et de mettre à profit pour le bien de tous leurs frères et sœurs. Il s’agit de rester fidèle au don reçu, comme l’a justement souligné Madeleine Delbrêl, une Française du XXe siècle qui a su porter l’Évangile dans les périphéries, géographiques et existentielles, du Paris du milieu du siècle dernier, marqué par la déchristianisation. Madeleine Delbrêl a écrit: «L’espérance chrétienne nous donne comme place cette étroite ligne de crête, cette frontière où notre vocation exige que nous choisissions, chaque jour et à chaque heure, d’être fidèles à la fidélité de Dieu pour nous». »
Enfin le sens eschatologique : l’espérance de la vie éternelle avec Dieu
Maintenant Seigneur tu peux laisser s’en aller ton serviteur : mes yeux ont vu la lumière : la grande rencontre avec le Seigneur dans la lumière de la vie éternelle. La mort est passage vers cette lumière, cette rencontre avec jésus, source de toute paix. Ce cantique est chanté chaque soir par l’église aux complies, dans l’entrée de la nuit et l’attente de l’aube. Il est parfois chanté aux funérailles, comme chant d’espérance de cette entrée dans la lumière du défunt que nous accompagnons.
Comme le dit le Pape Benoît XVI, dans sa puissante encyclique sur l’espérance, Spe Salvi, « il est vrai que celui qui ne connaît pas Dieu, tout en pouvant avoir de multiples espérances, est dans le fond sans espérance, sans la grande espérance qui soutient toute l’existence (cf. Ep 2, 12). La vraie, la grande espérance de l’homme, qui résiste malgré toutes les désillusions, ce ne peut être que Dieu – le Dieu qui nous a aimés et qui nous aime toujours « jusqu’au bout », « jusqu’à ce que tout soit accompli » (cf. Jn 13, 1 et 19, 30). Celui qui est touché par l’amour commence à comprendre ce qui serait précisément « vie ». Il commence à comprendre ce que veut dire la parole d’espérance que nous avons rencontrée dans le rite du Baptême: de la foi j’attends la « vie éternelle » – la vie véritable qui, totalement et sans menaces, est, dans toute sa plénitude, simplement la vie.
Que cette fête de la présentation de Jésus au temple nous apporte un surcroît de lumière, de force et de paix, par toute l’espérance qu’elle nous ouvre. Amen.