Mes chers frères et sœurs ! Jésus est un missionnaire infatigable, qui se donnait sans compter, parcourant villages et villes pour enseigner, guérir, annoncer la Bonne nouvelle du Royaume. Pour reprendre l’expression chère à notre pape François, on dirait que Jésus est un missionnaire qui allait dans les périphéries de la vie d’Israël sans se fatiguer. Son ministère est itinérant. Il passe de ville en ville, de village en village. Il fait infiniment plus qu’un curé de campagne qui doit couvrir une centaine de villages comme dans le Comminges. Il ne calcule pas les kilomètres : Capharnaüm, Bethsaïde, Corazine, Jéricho, Tyr, Sidon etc. Comme et parce qu’il le faut, même les grands travailleurs et missionnaires ont besoin de repos, de retrouver la famille, revenir aux sources, Jésus aussi revient à la maison. Un clin d’œil au père Jean qui a besoin de repos qui va se ressourcer en famille dans son pays le Burundi dans quelques jours. Je pense aussi à tous ceux qui, en cette période des vacances, vont pouvoir se reposer un peu en famille, avec les amis, retrouver des gens que vous n’avez pas vus depuis plusieurs mois
Il est beau et très instructif de voir Jésus revenir à la maison ! Cela nous montre que notre Dieu est profondément humain et que rien de ce que nous pouvons vivre ne lui est étranger! Ce retour de Jésus à Nazareth est une leçon pour ceux qui ne pensent ou ne peuvent prendre des vacances, faute de temps ou parce qu’ils pensent qu’il y a trop de boulot. En ce temps de vacances, pensons et prions pour toutes ces personnes qui vont partir ou revenir dans les lieux familiers, lieu de leur naissance, de leur enfance, lieu de souvenir familiaux, des cousinades… ces rassemblements familiaux que l’été nous donne l’occasion de vivre, mais qui sont aussi parfois l’occasion de beaucoup de tensions et de stress dans certaines familles.
Cependant, là aussi, nous devons annoncer la Bonne Nouvelle comme Jésus nous le montre à Nazareth ! Pour Jésus, tout lieu, même la famille, même son village, sont aussi les lieux et les occasions d’annoncer la Bonne Nouvelle. Jésus a prêché aussi dans sa Nazareth natale. Mais l’évangile d’aujourd’hui nous met en garde en nous apprenant que prêcher la Bonne Nouvelle et témoigner de sa foi en famille et dans les lieux familiers n’est pas une tâche facile. Jésus qui suscitait de l’enthousiasme, de l’admiration et de la foi, que beaucoup de foules suivaient et s’émerveillaient dans les autres villes, lui-même et son message ont du mal à passer et à être accueillis dans son village natal. Ceci devient pour lui l’occasion de formuler cette célèbre maxime qui concerne tous les prophètes : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. » Si cela est arrivé à Jésus, plus grand que tous les prophètes, cela arrive forcément pour les prophètes lambda que nous sommes dans nos familles et nos Nazareth propres. Je me rappelle quand je suis revenu dans mon quartier, après la profession religieuse, habillé en soutane blanche, en été 2000, j’ai croisé une ancienne camarade de lycée qui me voyant, s’est exclamé : « Non, Joseph, tu es prêtre ! On aura tout vu ! » Pour Espérance, c’était inconcevable de voir un camarade de classe devenir un religieux… et pourtant Dieu sait que je n’étais pas un mauvais garçon au lycée. Pensez à un journaliste, un grand patron ou un homme politique qui ose avouer publiquement, à la radio ou sur un plateau de télévision qu’il est chrétien, en France ! Il risque d’être laminé par tous les bien- pensant qui vont lui dire qu’un homme politique ne doit pas parler de sa foi, que la laïcité l’interdit, que c’est une confusion de genres… J’admire les stars, célébrités, politiques, un enseignant ou professeur, qui osent parler de leur foi dans notre pays, car cela n’est pas du tout évident… ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays occidentaux Angloxons ou aux Etats Unis.
Dans la première lecture, nous contemplons la vocation du prophète Ezéchiel est qui marquée aussi par le refus du peuple. Le prophète Ezéchiel se rend compte très rapidement que Dieu l’appelle à prendre sa part au refus même de Dieu : « Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël, vers une nation rebelle qui s’est révoltée contre moi. Jusqu’à ce jour, eux et leurs pères se sont soulevés contre moi. Les fils ont le visage dur, et le cœur obstiné ; c’est à eux que je t’envoie. »
Cela veut dire que chaque vrai prophète est appelé par Dieu pour porter et sentir dans sa propre chair le refus de Dieu de la part des hommes et des femmes de son temps, au point d’être nous-même rejetés. C’est une manière de porter sa croix, de participer à l’humiliation que Jésus a subi. Si vous n’en avez pas encore fait l’expérience, cela veut dire que le temps de votre maturité prophétique n’est pas encore arrivé. En observant les habitants de Nazareth devant les miracles, la sagesse et la prédication de Jésus, nous recevons quelques leçons pour nous aujourd’hui, en ce moment où Jésus nous redit que nous devons témoigner de lui chez nos amis et dans nos familles en cette période d’été.
L’Évangile nous dit que dans la synagogue de Nazareth, « de nombreux auditeurs étaient frappés d’étonnement ». Ils se rendent compte qu’il y a quelque chose de nouveau. C’est comme si vous alliez proposer, en rentrant chez vous pour le déjeuner de faire un bénédicité ou ce soir, vous sollicitiez toute la famille pour faire une petite prière avant d’aller au lit. Cette demande va en émerveiller certains, mais d’autres risquent de vous prendre pour un fanatique surtout si ceux qui prétendent vous connaître trop bien ! « Non, ce n’est pas lui. Il doit être sous la coupe du curé, d’un groupe chrétien » ! Encore si on ne vous accuse pas de faire partie d’une secte !…..Trop connu pour être un prophète ! La prétendue connaissance que les habitants de Nazareth ont de l‘enfant du pays devient un obstacle à la réception de la nouveauté de ses paroles et de ses actions. Marc conclut par une formule lapidaire : « Et ils étaient profondément choqués à son sujet. »
Pour la première fois, Jésus est appelé « charpentier » dans l’évangile de saint Marc. Ce qualificatif, dans la bouche de ses concitoyens exprime plus qu’un simple attribut : En Israël, presque tous possédaient un petit lopin de terre à cultiver pour se nourrir. Celui qui l’avait perdu pour diverses raisons, devait pour survivre, faire de petits boulots, modestes. Parmi ces petits boulots, il y avait des petites réparations, du bricolage avec du bois : un travail d’artisan qui ne gagnait pas beaucoup d’argent et que personne n’avait envie de faire. Et pourtant ce boulot, Jésus l’avait appris de son père Joseph. Aujourd’hui, pensons à tous ces métiers et travaux qui sont méprisés, qui « laissent à désirer » et que personne ne voudrait voir son enfant faire. J’aimerais que chacun de nous pense un moment à un travail « méprisant », et prier pour cette personne qui le fait alors que tu ne voudrais pas le faire. Je pense que c’est ce travail-là que Jésus choisirait aujourd’hui s’il revenait parmi nous.
« N’est-il pas le charpentier ? » Cette expression nous dit aussi ce que furent les 30 ans de la vie cachée de Jésus à Nazareth, avant sa mission publique à partir du baptême dans le Jourdain : une existence absolument anonyme, comme n’importe qui, à tel point que, pour les Nazaréens, cela est incompatible avec ce que Jésus fait aujourd’hui en enseignant avec assurance et autorité, et en faisant des miracles. Une telle sagesse, cette autorité, cette puissance à faire des miracles ne collent pas avec les talents d’un simple charpentier. Ils n’ont jamais vu les grands rabbins, bien connus et beaucoup mieux instruits, faire cela, et ce ne peut être possible pour un simple charpentier. En plus, les gens savent bien de quelle famille il provient. «N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? ». Oui, il semble provenir d’une famille aristocratique car Joseph est de la lignée et de la descendance de David, comme nous dit l’évangile de l’enfance de Jésus : « Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. » Mais Jésus ne possède d’aristocratique que le nom « à particule », comme beaucoup de monsieur ou madame « de quelque chose » qui malheureusement doivent aussi se battre pour joindre les deux bouts à la fin du mois, qui doivent parfois s’endetter pour payer les taxes et impôts pour ce grand château familial hérité depuis des siècles et qu’ils n’arrivent pas à vendre, ou qu’ils ont honte de vendre par fierté.
L’émerveillement du départ devant les miracles et les bonnes paroles de Jésus s’efface devant cette connaissance trop commune et familière. Les cœurs se ferment au lieu de s’ouvrir à la foi.
Les chrétiens, surtout ceux qui sont pratiquants, nous devons faire vraiment attention pour que Dieu ne devienne pas pour nous aussi, tellement familier, tellement habituel, tellement proche, tellement commun au point de nous fermer à toute nouveauté qu’il peut nous apporter dans la vie de chaque jour. Nous courons le risque que Dieu devienne tellement familier pour nous, par nos missions, l’eucharistie, les études, la lecture de sa Parole au point de bloquer en nous la disponibilité intérieure à toute nouveauté qu’il veut nous proposer chaque jour pour nous émerveiller. Ne soyons pas des experts de la religion, du rite liturgique, de la pastorale, de la théologie, de l’eucharistie dominicale ou quotidienne, de la prière communautaire, mais ouvrons-nous à ce Dieu tellement proche, mais toujours nouveau et dont l’amour se renouvelle pour nous chaque matin.
Que cette eucharistie nous obtienne la grâce de ne pas nous habituer au Seigneur, mais de nous émerveiller sans cesse de la nouveauté de son Amour, de l’actualité permanente de sa Parole et de ce qu’il fait en nous, par nous, pour nous et autour de nous. Amen.