Comme nous le voyons tous les jours, quand nous voyons les autres meilleurs, plus excellents que nous, plus chanceux, plus riches, plus talentueux, nous sommes ou pouvons être pris par un grand sentiment d’envie et posséder, nous aussi, ces qualités que nous découvrons chez les autres, et que nous aimerions acquérir nous aussi. Au travail, nous voyons se développer de la rivalité et de la jalousie entre collègues qui travaillent dans le même domaine. Si un collègue réussit un objectif que nous n’avons pas atteint, et surtout s’il a une reconnaissance financière ou en responsabilité, nous devenons envieux et jaloux. Rappelons au passage que l’envie et la jalousie sont deux péchés capitaux… car nous l’oublions parfois. J’ai honte de moi quand je me rappelle qu’au lycée, avec Nathan, mon meilleur ami, (qui est malheureusement décédé, paix à son âme) : nous vivions une rivalité scolaire et ni l’un ni l’autre n’acceptait que l’autre le dépasse d’un demi point à un contrôle. Même si cela nous stimulait à travailler, à bosser les cours… cela révélait en même temps cette jalousie et cet orgueil enracinés dans le cœur de ne pas accepter que l’autre soit meilleur.
Victimes de l’orgueil et de la prétention, nous devrions au contraire nous réjouir que les autres soient meilleurs et atteignent certains sommets, surtout s’ils le méritent bien. Nous réjouir, au niveau professionnel, que l’entreprise progresse, soit plus efficace, plus productive grâce aux talents des uns et des autres, parce que ce qui compte, c’est que les choses avancent, en remplissant chacun son rôle. Demandons la grâce de ne pas nous considérer plus méritants, plus forts que les autres, car nous ne sommes pas les seuls à avoir des qualités et des charismes… Demandons la grâce de grandir dans la reconnaissance des charismes, des qualités et du potentiel présents chez les autres.
Si l’orgueil, les rivalités, la prétention existent dans le monde professionnel, scolaire, politique, cela existe malheureusement dans la vie chrétienne et dans le domaine ecclésial. Oui, je ne vais pas vous choquer, mais jalousie et rivalités existent malheureusement entre séminaristes, entre prêtres, évêques, cardinaux, membres de la même communauté religieuse, entre paroissiens, dans nos familles, entre les époux, entre frères et sœurs… et vous savez pourquoi ? Parce que nous sommes d’abord profondément pétris d’humanité, des hommes et des femmes humains, ces êtres de rivalités que nous sommes naturellement…mais appelés à ressembler au Christ humble, pauvre, petit et ouvert à tous.
Nous voyons dans la Parole de Dieu de ce dimanche, se manifester la jalousie de voir que d’autres peuvent accomplir comme nous, ou même mieux que nous, l’œuvre de Dieu. Nous sommes jaloux de voir que ceux qui ne font pas partie de « notre club » puissent mieux faire que nous, comme dans la première lecture : «Or, deux hommes étaient restés dans le camp ; l’un s’appelait Eldad, et l’autre Médad. L’esprit reposa sur eux ; eux aussi avaient été choisis, mais ils ne s’étaient pas rendus à la Tente, et c’est dans le camp qu’ils se mirent à prophétiser. Un jeune homme courut annoncer à Moïse : « Eldad et Médad prophétisent dans le camp ! » Josué, fils de Noun, auxiliaire de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole : « Moïse, mon maître, arrête-les ! » Mais Moïse lui dit : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes !»
Dans cette première lecture, Josué est très jaloux, celui-là même qui prendra la suite de Moïse en conduisant le peuple d’Israël dans la Terre Promise. Cette jalousie est remarquée dans le cœur du plus mystique des apôtres, celui qu’on appelle « le Disciple Bien-Aimé », l’apôtre Jean comme nous pouvons le voir dans l’évangile de ce dimanche : « En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : «Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »
Dans les deux cas, la solution peut nous surprendre : il ne faut pas empêcher personne d’être l’instrument des bénéfices de la grâce de Dieu. Toute personne qui accomplit un bien au nom de Jésus, même s’il ne fait pas partie des disciples, accomplit une œuvre qui plaît à Dieu. A une certaine époque, et peut-être aujourd’hui encore dans certains groupes, nous avons une vision exclusive de l’action de Dieu. Nous pensons que le Seigneur n’agit seulement que parmi nous et à travers nous, notre mouvement, notre petit groupe, notre Église, notre religion… tout cela devient un peu sectaire !
La doctrine de l’Église nous dit que le Seigneur agit certainement dans et à travers l’Église, mais nous ne pouvons pas enfermer son action seulement à l’intérieur des murs et l’action de nos églises. Une œuvre bonne, d’où qu’elle vienne et qui l’accomplit… est toujours un bien venant de Dieu, un signe de la présence de Dieu qui agit dans tous les cœurs qui savent l’écouter. Même un athée, un musulman, qui fait le bien, c’est Dieu qui agit dans son cœur, car Dieu est Amour ! Chaque fois que nous faisons le mal, même si nous le faisons au nom de Dieu, nous le faisons au nom du Diable, du Mauvais car la vérité est que le mal ne peut jamais venir de Dieu. Malheur à ceux qui accomplissent des assassinats, des crimes, des horreurs au nom de Dieu !
Dans le cadre du dialogue inter-religieux, l’Église Catholique appelle les chrétiens à reconnaître que beaucoup de dons, charismes et qualités sont présents en dehors de notre religion chrétienne. Émerveillons-nous de constater les qualités d’éloquences dans les autres religions et cultures, pour la simple raison que le Saint-Esprit, auteur de sanctification et dispensateur des dons de Dieu et des charismes, agit aussi au-delà des frontières de la religion chrétienne, dans les hommes et femmes de bonne volonté même s’ils ne connaissent pas Dieu de manière explicite. On appelle cela les semences du Verbe! L’Église, tout en réaffirmant être l’unique dépositaire de la vérité, tout en soulignant être l’unique institution voulue par le Christ pour le salut du monde et tout en revendiquant sa légitime autorité dans le domaine spirituel (Ecclesia Mater et Magistra), reconnaît que beaucoup d’éléments d’édification spirituelle peuvent se trouver aussi dans les autres religions. Le Saint-Esprit agit en d’autres lieux bien loin de nous et des éléments de vérité peuvent se trouver aussi dans le monde athée et dans les autres religions.
L’autre point souligné dans cet évangile, c’est le soin et l’attention pour nos enfants et nos petits-enfants. Ils sont d’abord enfants de Dieu qui nous les confie pour que nous en prenions soin ! Nos enfants ne sont pas nos propriétés, les objets de nos droits et revendications…A la naissance, nous sommes tous comme les enfants dont parle Jésus dans l’évangile : un petit être fragile, sans expérience, innocent sur tous points de vue et ouvert au bien. Mais cet être fragile est aussi exposé à toute sorte de menace et des tempêtes qui peuvent scandaliser, détruire et abîmer sa vie, avec toutes ces horreurs dont on entend parler, ce que José Raisson soulignait dimanche dernier, des incestes et pédophilies dans les familles, les écoles, et malheureusement aussi dans l’Église. Combien d’enfants souffrent aussi des querelles et des séparations entre parents, des conflits en familles, des idéologies de PMA, GPA… dans la société. Tellement sollicités par le travail et de nombreuses occupations, nous n’avons plus de temps à passer avec les enfants : on part au travail tôt le matin, on rentre le soir tellement fatigué et lessivé qu’on n’a qu’une envie : d’aller dormir. Certains nounous et maîtresses d’école connaissent parfois mieux les enfants que certains parents. Dans l’évangile, le Seigneur Jésus n’utilise pas de demi-mots pour condamner le scandale et le mal faits aux enfants : « Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer ».
Prions pour les parents, les familles, les différents acteurs de l’éducation intégrale des enfants. Que tout ce que nous posons comme gestes et choix cherchent toujours le bien de chaque enfant qui nous est confié dans la famille, dans la société et dans l’Église. Que le Seigneur donne sa lumière à tous les éducateurs et qu’il bénisse chacun de nos enfants. Amen.