Mes chers frères et sœurs ! En entrant dans la semaine sainte avec ce dimanche de Rameaux et de la Passion, il y a des paroles de Jésus qui résonnent plus particulièrement, et que l’actualité malheureusement nous oblige à méditer. Avant de mourir sur la croix, Jésus laissait à ses disciples le Nouveau Commandement de l’Amour en leur disant : « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn15, 12-13).
Adolescent et lycéen en terminale dans un pays en guerre, ces paroles m’avaient touché. Un prêtre, missionnaire italien, responsable de mon lycée, avait risqué sa vie lorsque notre internat fut attaqué par l’armée rwandaise. Devant mon traumatisme et les questionnements pour savoir pourquoi ce blanc était sorti de son presbytère pour venir voir et protéger des petits Noirs à l’internat pendant que les balles sifflaient de partout, au risque de sa propre vie, il me montra, suspendu sur le mur de la petite salle du parloir au presbytère, un Crucifix, en me disait : « Joseph, le seul modèle infaillible qu’ont les chrétiens, c’est Jésus. Avant de mourir, il a dit à ses disciples qu’il n’y avait pas de plus grand amour que de donner sa vie pour les gens qu’on aime ! Un chrétien qui veut garder sa vie la perdra, qui la perd à cause de moi la gardera pour la vie éternelle ! » Ce prêtre me disait que c’est cela qui était à la base de sa vocation, et c’est son témoignage qui a été à la base de ma propre vocation de prêtre.
Témoigner, en acte et en vérité, pas par des paroles. Je voudrais vous parler du témoignage d’une vie donnée. C’est celle d’un homme d’une catégorie professionnelle dont on parle seulement pour les injurier, pour râler quand il nous verbalise suite au non respect de la limitation de vitesse, à nos conduites en état d’ivresse… Des gens, dont on pense qu’ils ont toujours tort car nous avons du mal à accepter nos fautes et nos erreurs. Et pourtant, leur profession est à risque, un risque pour notre sécurité, pour nos vies. Je pense aux militaires et aux gendarmes… et plus particulièrement je pense en ce dimanche des Rameaux à un gendarme, ce matin.
Il s’agit du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame. Gendarme, commandant en second du groupement des gendarmes de l’Aude, il s’était proposé comme otage volontaire pour obtenir la libération d’une femme retenue par le terroriste islamiste avec d’autres clients et employés du centre commercial de Trèbes, dans l’Aude. Il a vraiment donné sa vie. Un homme de 44 ans, un chrétien croyant et pratiquant, une situation que les médias ont eu l’honnêteté de souligner. Arnaud faisait partie d’une équipe CANA, un mouvement catholique de spiritualité conjugale à Narbonne. Il préparait son mariage, avec sa fiancée Marielle pour le 9 juin. Nous prions pour sa famille et pour sa fiancée.
Se proposer comme otage, en remplacement d’un autre, retenu par un terroriste, c’est consentir à une mort probable. Arnaud, par son métier et son expérience, savait plus que quiconque que ce terroriste islamiste se revendiquant de l’État Islamique était prêt à tuer n’importe qui, et surtout à tuer un officier de gendarmerie pour assouvir sa cruauté. Mais, cet homme a voulu sauver une femme prise en otage. Il a donné sa vie, en suivant les pas du Christ qui nous rappelle qu’une vie donnée ne peut jamais être perdu. Ce témoignage d’une vie donné d’Arnaud me fait penser à deux autres témoins qui ont donné leur vie pour en sauver une autre.
Le père Maximilien Kolbe, un prêtre franciscain conventuel qui, dans les camps de concentration nazis d’Auschwitz, a accepté de mourir par injection de phénol à la place d’un père de famille, comme Arnaud a voulu mourir pour sauver la vie d’une femme ! Je pense aussi au père Ngongo, un missionnaire, lors d’un voyage sur le lac Kivu, fait naufrage pendant qu’il traversait avec un père de famille. Au lieu de se sauver, il donna son gilet de sauvetage au père de famille qui traversait avec lui, car, lui dit-il, ses enfants avaient besoin de lui. Ce dernier fut sauvé, alors que le père Ngongo perdit sa vie dans cet immense lac Kivu, pour la gagner au ciel dans le Christ ! Un séminaire a été fondé portant son nom dans la ville de Goma.
Ces trois témoignages s’enracinent dans celui de Jésus que nous contemplons en ce dimanche des Rameaux et de la Passion. Nous, qui sommes victimes et otages du péché et de la mort, Jésus a donné sa vie pour que chacun de nous soit sauvé de la mort et du péché. Par sa résurrection, le Christ nous a montré que rien ne peut détruire l’Amour, car celui qui aime vraiment est déjà passé de la mort à la vie.
Prions pour Arnaud qui dans ce geste professionnel et spontané témoigne de la générosité d’une vie donnée pour les autres. Prions pour que le Seigneur nous guérisse de nos égoïsmes, de ce repli sur nous-même, pour nous engager, nous ouvrir, donner notre vie chaque jour, dans notre quotidien, au service des autres. Entrons dans cette semaine sainte en demandant au Christ la grâce de la générosité au quotidien, jusqu’au bout, même quand notre vie est en jeu, comme il nous le montre en mourant sur la croix. Prions pour Arnaud et pour tous ces hommes et femmes qui risquent chaque jour leur vie pour les autres. Que le Christ mort par amour pour nous, mais ressuscité des morts les comble de toutes ses bénédictions. Amen.