Mes chers frères et sœurs. Le ministère public de Jésus, dans l’évangile de Marc, a commencé dans une synagogue, dans la ville de Capharnaüm, comme nous avons vu dans l’évangile de dimanche dernier. Celui-ci marquait le coming out, la sortie officielle de Jésus qui quitte la vie cachée de Nazareth, accompagné de ses disciples, le jour du sabbat. C’est dans cette ville chaotique et désordonnée qu’habitent Pierre et André, deux frères, avec Jacques et Jean, les fils de Zébédée, qui sont les premiers disciples appelés par Jésus pour Le suivre. Ces derniers, si vous vous rappelez bien, étaient pêcheurs ; ils laissent les filets qu’ils réparaient, quittent leur profession et leur père, pour suivre Jésus et commencer avec lui la folle et extraordinaire aventure de l’Évangile. Nous aussi, Dieu nous appelle d’où nous sommes pour devenir des pêcheurs d’hommes et d’humanité, capables de tirer de nous-mêmes et des autres tout le meilleur de cette humanité qui nous sert pour vivre.
Quand Jésus sort de la synagogue où nous l’avons rencontré dimanche dernier, saint Marc nous le fait contempler dans la maison familiale de Simon Pierre. Plusieurs choses vont se passer dans cette maison : la guérison de la belle-mère de Pierre, le soir venu, l’accueil de beaucoup de monde devant la porte et pendant la nuit, une prière personnelle et intense de Jésus : tel est le programme d’une journée type de Jésus. Une journée vraiment intense. Nous nous lamentons d’avoir trop peu de temps pour tout faire, de courir tout le temps, du matin au soir, mais quand on regarde de près l’évangile de saint Marc, on se rend compte que Jésus avait des journées tellement remplies, qu’il n’arrêtait pas de courir lui aussi… mais que toutes ses journées étaient habitées par son Père et le souci du prochain.
Contemplons d’abord la guérison de la belle-mère de Pierre qui a de la fièvre. Il ne s’agit pas d’un petit rhume. La fièvre, pour faire de la petite médecine à deux balles, peut être le symptôme d’une petite maladie passagère ou alors d’une vraie maladie mortelle et grave. La fièvre est le symbole d’un mal-être. La belle-mère de Simon Pierre ne va pas bien du tout et parce qu’il faut se préoccuper de la santé et du bien-être de ses proches, Pierre et André vont partager à Jésus leur souci de voir la belle-mère souffrante. André et Pierre ne demandent pas une intervention de Jésus, ni une guérison d’ailleurs. Ils s’ouvrent simplement au Christ sans rien demander. Ici, je vois une attitude qui devrait nous aider dans notre vie de prière.
Au lieu de lui dire ce qu’Il faudrait qu’il fasse pour nous, faisons comme André et Simon : disons au Seigneur ce qui nous préoccupe sans lui imposer les solutions que nous voudrions. Le disciple du Christ fait de la prière un moment dans lequel il se confie au Seigneur sans lui imposer la solution. Jésus intervient de manière délicate : il ne dit rien, ne prononce aucune formule, mais délicatement, « Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever ». Le résultat de ces gestes délicats, c’est la guérison de la belle-mère qui se met au service du Seigneur et de sa famille. Le verbe utilisé pour la guérison a un lien avec la résurrection et indique un service permanent et continue. Rappelons-nous qu’un disciple du Christ est caractérisé par deux attributs : être guéri pour servir, ressusciter pour se mettre au service du Règne de Dieu. Nous avons été tous guéris pour servir. Notre résurrection dans le baptême a pour finalité de faire de chacun de nous un annonciateur de la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu, comme le fait la belle-mère de Pierre. Nous pouvons nous aussi nous poser personnellement la question de toutes les guérisons que le Seigneur opère dans notre vie et comment nous en témoignons, à travers le service dans l’Église et dans le monde pour que notre Seigneur tellement merveilleux soit connu, aimé et adoré par nos frères et sœurs.
En sortant de la Synagogue, Jésus est entré dans une maison familiale. Le nouveau lieu où nous rencontrons le Seigneur et faisons l’expérience de son Amour est la maison familiale, l’Église domestique. Un enfant du catéchisme, un confirmand, un catéchumène, ne grandira pas facilement dans la foi, dans la relation au Seigneur, si cette foi n’est pas partagée en famille, avec le conjoint, avec la fratrie, avec les parents. S’il y a crise de la foi, c’est parce que beaucoup de familles ne prient plus ensemble et ne vivent plus ensemble leur foi. On peut certainement avancer dans la foi sans le soutien familial, mais vivre sa foi en famille produit infiniment plus de fruits. La foi se nourrit de solennité et d’extériorité, de ritualité dans une église, comme aujourd’hui, mais c’est pour entrer petit à petit dans notre quotidien familial.
L’autre élément de cet évangile est la rencontre de Jésus avec tous ces habitants de Capharnaüm qui devient l’emblème de l’humanité en quête de guérison. En regardant la vie de notre humanité aujourd’hui, en voyant et écoutant tout ce qui se vit, nous réalisons que notre humanité a besoin de guérison extérieure et intérieure, besoin de salut. La maison de Simon Pierre devient le lieu qui permet au Christ de guérir tous les malades de Capharnaüm qu’on lui amène. Une des grâces que nous pouvons demander aujourd’hui est que nos maisons deviennent ces lieux qui permettent à ceux qui nous côtoient de faire la rencontre avec ce Jésus qui guérit toute forme de maladie et d’infirmité.
Pour terminer, je voudrais parler de la source d’où nous tirons notre force. Où le Christ puise-t-il sa force ? Pour réussir à accueillir tout le monde, à les écouter, à les guérir, pour faire de sa vie une annonce de la Bonne Nouvelle pour tous… Jésus puise sa force dans la prière intime, dans sa relation avec son Père. « Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait.» Il s’agit d’une prière longue et attentive, pour discerner la volonté du Père. Une prière qui émerveille et fascine les disciples et nous-mêmes. Une prière qui n’est pas la liste des dépenses à faire faire par Dieu quand les choses ne marchent pas, mais une prière qui est un dialogue intime et intense de celui qui se laisse façonner par Dieu. Et parce que nos journées sont vertigineuses et bien remplie, Jésus prie pendant la nuit ! Quand nous avons trop de choses à faire et n’avons plus le temps de prier, c’est exactement à ce moment-là que nous avons besoin de beaucoup prier, de trouver du temps conséquent pour Dieu, même s’il faut le prendre sur notre temps de sommeil. Le secret de Jésus, sa source et son énergie, c’est cette rencontre intime avec le Père qui lui permet de faire de sa vie un don pour les autres.
Pierre cherche Jésus, mais le verbe utilisé a une forte connotation négative. « Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. » Ils ne se mettent pas à la recherche de Jésus comme disciples, mais ils veulent s’en accaparer, le posséder, l’instrumentaliser pour leur propre intérêt. Pierre reproche presque à Jésus de s’en être allé prier au lieu d’être là corvéable à merci, à notre service. Dieu ne peut être possédé, ni enchaîné, ni emprisonné pour soi-même. Il est un Dieu qui se donne à et pour tous. Il n’a nulle pierre où poser sa tête et il est donc inutile de lui construire une villa avec piscine dans notre cœur pour le garder prisonnier. Au lieu de l’enfermer et de faire de lui notre prisonnier, nous pouvons demander la grâce et nous résoudre à nous mettre à sa suite, dans ses différents déplacements pour annoncer avec Lui la Bonne Nouvelle. Amen.