Mes chers frères et sœurs ! Dimanche dernier à Béthanie dans la maison de Marthe et Marie, nous avons découvert la nécessaire complémentarité entre l’action et la contemplation, entre la prière et le service, entre l’écoute de la Parole dans notre vie et l’attention aux autres dans nos engagements dans le monde et dans l’Église. Une semaine après, la Parole de Dieu met l’accent sur un seul élément de ce binôme en prolongeant ou déployant l’expérience de Marie de Béthanie : nous asseoir pour écouter Jésus, découvrir la dimension de l’intériorité qui manque souvent dans notre vie mouvementée, stressée… à cause de toutes les sollicitations qui nous entourent et du rythme vertigineux que la société nous impose. Ce dimanche, la parole de Dieu nous interroge sur l’importance de la prière, l’intériorité, le silence dans notre vie… Attention : la prière ici ne doit pas être réduite à l’ennuyeuse répétition de quelques paroles ou formules, comme quand on « dit sa prière». L’essentieldans l’enseignement d’aujourd’hui, c’est le fait que notre prière doit s’enraciner dans une relation d’amitié et de confiance avec le Seigneur.
Nous le découvrons dès la première lecture. Deux villes, Sodome et Gomorrhe qui, toute proportion gardée, ont en commun avec nos sociétés actuelles, d’être marquées par la violence et la dépravation. A Sodome comme parfois dans nos sociétés, on a presque perdu la notion morale du bien: ce qui compte dans la loi, et les comportements, c’est l’hédonisme, satisfaire nos désirs et plaisirs les plus élémentaires et immédiats, en particulier ceux de la chair ou du corps… Sodome et Gomorrhe sont dépravées, d’après ce que dit la Genèse : Dieu est en colère et décide de les détruire! Là, j’entends des réactions : « oh, Dieu est méchant, il décide de détruire une ville ! Dieu n’est pas tolérant…» Là n’est pas l’essentiel de mon propos, nous pouvons y revenir une autre fois.
Ce que je voudrais souligner aujourd’hui, c’est cette relation de profonde amitié et confiance qui unit Dieu et Abraham: ils sont tellement amis et confiants que Dieu a décidé d’ouvrir son propre cœur à Abraham et lui confier son projet de détruire Sodome. C’est une relation de cœur à cœur, d’une totale confiance mutuelle. En apprenant le projet de Dieu, Abraham a le cœur transpercé de tristesse! Il se rappelle que Loth son neveu vit à Sodome avec toute sa famille. Ils s’étaient une fois brouillés avec lui pour des questions matérielles ,avant de se séparer en chemin, mais dans le cœur d’Abraham, il y a toujours beaucoup d’affection pour Loth et toute sa famille. L’affection, l’amitié et la confiance poussent Abraham à entamer des tractations et négociations avec Dieu pour sauver Sodome. Abraham négocie mais malheureusement il n’y a pas dix justes dans cette ville qui finalement sera détruite. Abraham a tout tenté, intercédé, prié pour le salut de Sodome. C’est cela la prière :un dialogue intime avec Dieu, une discussion, un échange de point de vue et d’opinions, une écoute mutuelle. La prière n’est pas une liste de paroles à réciter, une tentative de corrompre Dieu, une litanie de porte-bonheur à déclamer, une séquence de vœux pieux. La vraie prière est faite avant tout d’écoute et de confiance: écoute de Dieu qui ouvre son cœur et intercession de notre part pour le salut du monde, comme le fait Abraham.
Parfois, certains chrétiens ont un regard manichéen sur le monde, trouvant les bons, les saints dont nous faisons partie, et les mauvais, les méchants dont nous désirons consciemment ou inconsciemment la disparition! Aujourd’hui, la Parole de Dieu nous invite -même quand le monde va mal et semble aller à sa propre perte-, à aimer notre monde, à ouvrir notre cœur au Seigneur dans la prière pour le lui confier, lui demander de le sauver, comme le fait Abraham, grâce aux belles choses, au meilleur dont le monde est aussi capable et pardonner le pire qui risque parfois de le détruire. Nous devons toujours espérer et travailler au salut du monde au lieu de le condamner sans cesse et l’envoyant en enfer.
Un autre aspect de la prière est souligné dans l’Évangile. C’est la découverte du visage de Dieu comme notre Père. Dans la prière, nous ne nous adressons pas à un despote, un tyran capricieux, un puissant terroriste qui nous fait peur et que nous devons convaincre à tout prix de nous laisser en vie! En et par Jésus, nous sommes devenus fils et filles de Dieu, comme nous le rappelle saint Paul. Dieu nous traite comme ses enfants bien-aimés. C’est le bonheur que Dieu veut pour chacun et chacune nous ! Il ne peut que nous aimer. Cela appelle notre confiance filiale. Dans notre prière, nous devons nous adresser à Dieu avec beaucoup de confiance.
Très souvent, nos prières ne sont pas exaucées parce qu’elles ne sont pas adressées à la bonne personne. On se trompe parfois de destinataire dans la prière : au lieu de nous adresser à un Père qui nous aime, nous nous adressons souvent à un patron, ou à un tuteur antipathique devant qui nous revendiquons nos bons droits ! L’unique et splendide prière enseignée par Jésus lui-même souligne la confiance absolue dans la prière. Celle-ci doit être pleine de bon sens, concrète, affectueuse, joyeuse,confiante, persévérante et réaliste. « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
Pour terminer, revenons au début de l’évangile : « Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. ». A la base du Notre Père, il y a un désir des disciples : «apprends-nous à prier». Ce désir d’apprendre naît aussi d’un témoignage. Les disciples ont vu Jésus en prière. Si nous voulons que nos proches et amis aiment la prière, témoignons d’abord de notre propre prière. Par exemple, pendant ces vacances : vous vous retrouvez en famille, quelque part, une location ou votre maison de campagne ! Vous y êtes avec des gens plus ou moins ou pas du tout croyants. Première attitude, plus facile, pour ne pas choquer et donner une bonne image de vous, vous vous abstenez de prier, de lire la Parole de Dieu, d’aller à la messe. Là, vous glorifiez le Malin. Deuxième attitude, plus coûteuse mais la meilleure : vous leur dites, « je vous laisse quelques minutes, je pars prier», « je pars à la messe ! qui veut venir avec moi ? On se rejoint sinon pour le déjeuner…» Si vous ne le faites pas, vos amis et parents ne comprendront jamais combien la prière, la messe sont importantes pour vous. Notre témoignage peut provoquer le désir de ceux qui nous entourent. Je ne vous demande pas d’imposer votre prière aux autres… mais simplement de ne pas taire ou cacher ce qui fait battre et est important pour votre cœur !
La prière est parfois un exercice très difficile et nécessite un apprentissage. Voici quelques points indispensables. D’abord être nous-même: pieux, saint ou pécheur, dans la prière, sois toi-même, en vérité ! Impossible de porter un masque devant Dieu. Il nous connaît dans tous les petits détails, alors, inutile de faire du cinéma ou jouer un rôle mais être en vérité. La prière a aussi besoin de temps : 5 minutes pour commencer, un temps qui te semble plus propice et favorable, le portable et la tablette éteints. La prière a aussi besoin de lieu: ta chambre, ton coin prière, le métro ou le transport en commun, la pause déjeuner. La prière a besoin de parole à écouter: c’est toujours mieux de partir de l’évangile du jour. La prière a besoin d’une parole à dire: présenter au Seigneur les personnes concrètes,les choses qui nous préoccupent, nos remerciements pour tout ce que Dieu nous donne. Le Maître qui nous apprend à prier, c’est le Saint Esprit, qui nous permet, comme un enfant, de nous adresser à Dieu en toute confiance, en l’appelant : « abba», c’est-à-dire « papa». Que le Saint Esprit fasse de nous des hommes et femmes de prière. Amen.