C – 6 TO – « Heureux celui qui garde faim et soif de Dieu »

2019-02-17T20:15:05+01:0017 février 2019|

Mes chers frères et sœurs. Les béatitudes sont parmi les plus belles pages de l’Evangile. Nous en trouvons deux versions : chez Matthieu, une version avec 8 béatitudes que Jésus proclame sur une montage, assis, entouré d’une foule. C’est la version qui est la plus connue à tel point que nous disons qu’il y a 8 béatitudes. L’autre version, un peu différente, est celle que nous venons d’écouter, celle de saint Luc qui nous dit que les béatitudes sont proclamées non pas sur une montagne, mais sur un terrain plat : « En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon »

L’autre différence importante, c’est ce qui vient avant les béatitudes : la présence de Jésus en prière sur la montagne toute la nuit pour parler à son Père, et le choix des Douze apôtres: «  En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres : » (Luc 6, 12-13).

A ceux qu’il vient de choisir et à toute la foule assemblée autour de lui, Jésus ne donne pas une Loi écrite d’avance comme Moïse sur la montagne, mais Il parle directement au cœur, parce quIl est le nouveau Moïse. Dans ces béatitudes, Jésus donne le programme à suivre pour être heureux, et qui a besoin de notre adhésion et de notre liberté. Aux apôtres et aux disciples, Jésus donne certaines conditions pour une vie heureuse.

Jésus a certainement prononcé ce discours dans sa langue maternelle, l’araméen, même s’il nous a été rapporté en langue grec. Si nous traduisons littéralement ce que Jésus a dit dans sa langue maternelle, et qui nous a été transmis en grec, nous avons des expressions similaires à celles-ci : «  En marche, vous les pauvres ! En marche, vous qui avez faim ! En marche, vous qui pleurez… » En marche ! Attention, pas de politique !

En effet, dans la culture hébraïque, une personne heureuse est celle qui est en marche, celle qui chemine, qui est dans un état dynamique, qui se bouge, qui est sans cesse en recherche de la vérité, de ce qui est vraiment essentiel dans la vie.

Voyez combien c’est triste de voir des personnes bien installées dans leurs certitudes, dans leurs richesses, tellement accrochées à leur sécurité matérielle accumulée. Pensez un seul instant à ce « repu » que Jésus qualifie de malheureux. Chez moi, on parle de quelqu’un de repu en le comparant à un boa repu, qui a avalé quelques chèvres ! Le boa est tellement puissant et fort ! Mais quand il est repu et constipé après avoir avalé une chèvre, il a besoin de beaucoup de temps pour faire la digestion, retrouver sa forme et sa souplesse… Ce boa repu devient faible et fragile, à la portée d’un chasseur amateur qui peut le tuer parce qu’il est incapable de bouger. Quand vous avez trop mangé, vous ne pouvez pas bouger, vous vous sentez lourd et incapable de faire un seul petit mouvement. Mais quand on a faim, on est léger, on se bouge pour chercher à manger, pour aller demander de l’aide, du travail… Celui qui est convaincu de détenir la vérité ne s’informe plus : il sait tout et n’a besoin de personne. Bien au contraire, il cherche à imposer ses connaissances aux autres !

Au niveau spirituel, un chrétien qui est bien installé dans sa foi ne peut plus chercher Dieu, car il pense l’avoir déjà trouvé ! Or, nous savons que notre Dieu est un mystère insondable et inépuisable. Nous ne pouvons pas mettre la main sur Dieu, le posséder ni le dominer ! Nous ne pouvons que le chercher. Plus nous avons faim de lui, plus nous le cherchons… et plus il se révèle à nous. Mais, si nous sommes certains de le posséder déjà, d’avoir atteint le sommet de la foi, nous méprisons les autres… Dieu ne se révèle plus à nous.

La grâce que nous pouvons demander au cours de cette célébration, c’est la grâce de la faim et de la soif : cette faim et cette soif qui nous mettent en marche et en recherche : faim et soif de Dieu pour le chercher, car il est le seul qui nous comble de bonheur, pour le prier. Faim et soif d’amour pour aller puiser cet amour en Dieu et dans les autres, car nous ne pouvons jamais être heureux sans Dieu et sans les autres.

Il y a des moments où le cœur de Dieu souffre, surtout quand il prend acte de la méchanceté de l’homme qui ne fait confiance qu’en lui-même, qui est suffisant, présomptueux et orgueilleux, qui ne sait pas voir plus loin que son bout de nez, enfermé dans son monde, solitaire dans son idolâtrie narcissique de son nombril. Dieu compare cet homme-là à une plante condamnée à se dessécher, à rester stérile sur une terre désertique, salée et ingrate où rien ni personne ne peut vivre ni pousser. Combien de gens nous rencontrons aujourd’hui qui se prennent pour Dieu et se moquent des autres, se complaisent dans les chutes des autres, se moquant des pauvres, seulement parce qu’ils possèdent un peu -ou trop- de richesses, un peu -ou trop- de pouvoir, avec un peu -ou trop- de cruauté pour écraser les autres.

La Parole de Dieu nous dit que cet homme-là est malheureux parce qu’« Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable ».

En ce moment-même, on fait peut-être comme d’habitude : nous écoutons l’Evangile et l’homélie… pour les autres ! Au lieu de les écouter comme des leçons de vie offertes pour nous-mêmes : chacun de nous va penser à quelqu’un d’autre, un collègue, un homme politique, un voisin, un parent… Non, cette parole de Dieu s’adresse à moi directement, concerne chacun dans sa propre vie, que nous soyons riches ou pauvres matériellement ! Combien de fois me suis-je senti plus grand que Dieu, sans le désirer plus que tout, sans aspirer à lui ressembler, replié sur moi-même, sur mes joies ou sur mes peines.

Aujourd’hui, le prophète Jérémie nous propose un autre monde, une vie nouvelle enracinée et confiante dans le Seigneur. C’est la vie des pauvres de Dieu, ceux dont le cœur est tellement vide qu’ils aspirent à être remplis de l’Amour par le Seigneur. Ces pauvres de cœur sont « comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit »

Alors, le message de ce dimanche est un appel de Dieu qui m’ouvre son cœur, en me disant : « mon fils, ma fille, choisit librement, d’être heureux pour toujours ou seulement pendant ta vie terrestre ! »

Puisse le Seigneur nous libérer des faux bonheurs qui nous sont proposés en ce monde, pour que, confiants en lui, nous puissions crier, chaque jour, « Je lève les yeux vers les montagnes : d’où le secours me viendra-t-il ? Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Qu’il empêche ton pied de glisser, qu’il ne dorme pas, ton gardien. Non, il ne dort pas, ne sommeille pas, le gardien d’Israël. Le Seigneur, ton gardien, le Seigneur, ton ombrage, se tient près de toi. Le soleil, pendant le jour, ne pourra te frapper, ni la lune, durant la nuit. Le Seigneur te gardera de tout mal, il gardera ta vie. Le Seigneur te gardera, au départ et au retour, maintenant, à jamais » Ps 120. Amen

Ancien curé de l'ensemble paroissial