Jésus expose à ses disciples la loi nouvelle, que, Nouveau Moïse, Il leur transmet sur la montagne. Il n’est pas venu abolir la loi mais l’accomplir. La loi ancienne était donnée pour un peuple qui devait apprendre à se démarquer des mœurs de son temps. Ainsi la loi du talion, « œil pour œil, dent pour dent », était-elle un progrès par rapport à la logique de la vengeance. Mais Jésus veut emmener ses disciples plus loin : Il leur apprend à vivre selon les mœurs divines. Jésus est venu instaurer le royaume de Dieu, et Il en révèle la loi dont l’essentiel est l’amour sans condition : cette loi invite à un comportement nouveau, un agir nouveau, fruits de la conversion des cœurs. Le salut du monde passe par l’apprentissage de la manière divine de vivre, avec l’aide de la grâce. En effet, Jésus demande à ses disciples de ne pas riposter au méchant, c’est-à-dire de ne pas se faire justice par eux-mêmes ; c’est Dieu qui justifie. La loi nouvelle invite à répondre à une agression par un don plus grand de soi. St Paul dira aux Romains : « ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rom. 12, 21).
Jésus demande aussi à ses disciples d’aimer leurs ennemis : « afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et les injustes ». Jésus, le Fils de Dieu, apprend à ses disciples à se comporter en fils de Dieu. Il nous demande d’aimer à la manière du Père. Par-là, Il élargit radicalement la notion de prochain : jusqu’à présent le prochain était quelqu’un de la famille, un ami, un frère, un membre du peuple élu ; désormais, le prochain que l’on doit aimer, pour Jésus, c’est toute personne humaine, y compris le méchant, y compris nos ennemis. Comment l’être humain, faible et pécheur, peut-il aller aussi loin dans la loi d’amour ? Comment ne pas riposter à celui qui nous agresse ? Comment aimer celui qui nous veut du mal ? La loi nouvelle semble bien inaccessible aux disciples du Christ, pourtant c’est elle qui les distingue des païens : « si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? ». Jésus demande à ses disciples la perfection, à l’image de la perfection de Dieu le Père. Pourtant, qui, mieux que Lui, connaît le cœur de l’homme et sa radicale faiblesse ?
La loi nouvelle n’est pas une série de préceptes qui seraient imposés à l’être humain de l’extérieur ; elle n’est pas réservée aux super héros, à des êtres exceptionnels. De plus, personne ne peut se dire en règle par rapport à cette loi, car dans l’ordre de l’amour, l’être humain peut toujours progresser. La loi nouvelle est un don de Dieu ; elle suppose une nouvelle naissance d’en haut, aux réalités du royaume, une nouvelle naissance dans l’eau et l’Esprit Saint. La loi nouvelle est une transformation de la personne humaine, elle est inscrite dans le cœur de la personne, elle est la présence de l’Esprit Saint promis. Celui-ci met en nous la charité divine qui se déploie à travers ses sept dons. C’est l’amour divin en nous qui nous donne la force de ne pas riposter au méchant, d’aimer nos ennemis, de prier pour ceux qui nous persécutent. Certes l’Esprit Saint ne fait pas tout ; Il nous invite à lutter pour dépasser nos réactions premières, et ne pas réagir sous le coup de la passion. Mais sans Lui, sans la grâce, il est impossible à l’homme d’appliquer la loi nouvelle.
Pour pouvoir être un bon citoyen du royaume des cieux, un bon fils de Dieu, il convient de raviver en nous la grâce baptismale et les dons de l’Esprit Saint reçus à la confirmation pour mettre en pratique la loi du Christ. Le Carême approche, son but est justement de nous renouveler dans la grâce baptismale, pour mieux témoigner de la vie nouvelle reçue et des réalités du royaume des cieux. Notre manière de nous comporter doit correspondre à la grâce reçue ; sur ce chemin, nous avançons humblement, conscients du décalage entre la loi nouvelle et nos comportements, mais nous comptons sur la miséricorde de Dieu.
+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse