Nous sommes « au tombeau, de grand matin », au matin de Pâques, au pied des murs de Jérusalem.
C’est en entendant Jésus l’appeler par son nom que Marie-Madeleine reconnaît le Messie ressuscité.
L’Évangile nous dit que Marie de Magdala est la première personne à qui Jésus a voulu apparaître vivant après sa crucifixion et à qui il a confié la mission d’annoncer la nouvelle : « va trouver mes frères. »
Ces « frères », ce sont les apôtres qui dirigeront l’Église et initieront l’évangélisation du monde. Pourtant un seul d’entre eux était présent jusqu’au bout du calvaire de Jésus : Jean, le disciple bien-aimé.
Ce sont des femmes qui, avec Jean ont, en quelque sorte, sauvé l’honneur des disciples ; ces femmes dont Jésus a dit « Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » (Mc 3, 35).
Fidèles sœurs de Jésus, avec un seul frère, au pied de la Croix pour entourer la mère du crucifié, pour écouter et suivre leur maître jusqu’au bout.
L’amour du Christ, l’attachement à celui qu’elles croient mort les conduit aussi à arriver les premières au tombeau ce matin de Pâques, femmes probablement libres de leurs mouvements parce que liées à la noblesse juive de l’époque nous disait récemment un savant jésuite sur Radio Présence : Marie de Magdala, Jeanne, la femme de l’intendant d’Hérode, Marie, femme de Cléophas, mère de Jacques le petit et de José et enfin Marie-Salomé, mère de Jacques et Jean, fils de Zébédée.
Comme les autres disciples, ces femmes ont pu entendre Jésus annoncer sa mort et sa résurrection dans un futur proche.
Mais ce matin-là, elles seront les premières à entendre d’un ange que la promesse s’est accomplie : « Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. » (Mt 28, 6)
Elles obéiront à l’Ange qui leur a dit d’annoncer la nouvelle aux disciples mais ces femmes, parmi lesquelles plusieurs mères de jeunes adultes, affronteront la vieille incrédulité masculine devant les « racontars de vieilles femmes » (1Tm 4, 7) : « ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas. » (Lc 24, 11)
Marie-Madeleine retournera alors, seule, au tombeau pour pleurer, et son attachement au Christ lui permettra d’être la première à le rencontrer vivant.
Première à le rencontrer mais pas la première à avoir cru que Jésus était vivant.
Car si Marie-Madeleine et Jean se savent tous les deux bien-aimés du Seigneur et s’ils l’aiment d’un immense amour l’un et l’autre, la foi de Jean donnera à son amour une petite avance.
C’est Jean qui, le premier, a cru que Jésus était effectivement ressuscité, avant même de le rencontrer.
Lui qui avait entendu Jésus annoncer sa mort prochaine et sa résurrection, a cru en la réalisation de cette promesse. Aucune des horreurs auxquelles il va assister ne lui auront fait perdre la foi : la trahison de Judas, le reniement de Pierre, la condamnation de Jésus par les prêtres, les cris de la foule, l’absence des apôtres, rien ne l’aura empêché d’être là au pied de la croix ni de courir au tombeau ce matin de Pâques quand Marie-Madeleine l’aura appelé.
Et sa foi en la résurrection sera confirmée par sa raison, par son sens de l’observation et son raisonnement quand il voit que le linceul et le suaire qui avaient enveloppé et littéralement collé au corps et à la tête de Jésus sont à leur place et sans désordre alors que le corps a disparu : « Il vit et il crut. » (Jn 20, 8)
Amour et foi ont soutenu leur espérance.
Jean a eu besoin de l’amour de Marie-Madeleine pour être conduit au tombeau ce matin-là et Pierre aura besoin de la foi de Jean, son compagnon apôtre, premier croyant en Jésus ressuscité.
Derrière la foi et l’amour de Pierre sur qui Jésus a choisi de bâtir son Église, sachons reconnaître aujourd’hui comme hier l’amour et la foi de Marie-Madeleine et Jean.
Amour et foi qui s’expriment par une proximité physique de Jésus : Jean a penché la tête sur la poitrine de Jésus durant la Cène, Marie-Madeleine s’accroche à Jésus ressuscité au point de lui faire dire : « ne me retiens pas », et tous deux entourent la Vierge Marie au pied de la croix.
Si nous reconnaissons la supériorité de la foi de Jean que Jésus lui-même honorera une semaine plus tard en disant: « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20, 29), il nous faut louer l’écoute de Marie-Madeleine, une écoute de disciple, une écoute amoureuse et croyante.
Car, elle a beau voir Jésus ressuscité, elle ne le reconnaît pas : « elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. » (Jn 20, 14)
C’est quand son attention se détourne du Christ vivant devant elle pour se tourner vers le Christ d’hier, le Christ mort « dis-moi où tu l’as déposé » (Jn 20, 15), c’est ce moment que Jésus choisit pour se montrer à elle par sa parole et par sa voix : « Marie !».
« Rabbouni, mon maître !», c’est l’adresse personnalisée, la tendresse du Pasteur envers « ses brebis à lui qu’il appelle chacune par son nom » (Jn 10, 3), c’est la parole du Christ qui permet à Marie de quitter à nouveau sa fixation morbide sur le tombeau pour se tourner vers le Christ vivant. Preuve que Marie est une disciple, habituée à écouter Jésus.
Imitons donc l’amour de Marie-Madeleine, passons physiquement du temps auprès de Jésus présent dans son eucharistie, dans notre prochain et spécialement dans le pauvre. Écoutons avec elle le Christ afin de le reconnaître dans sa Parole. Ainsi, avant même la vision bienheureuse qui nous attend au Ciel, unissons-nous à la joie de celle qui alla annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! » (Jn 20, 18)
Imitons donc la foi et l’amour de Jean, penchons-nous comme lui sur le Cœur de Jésus pour entendre battre la source de tout amour : dans son évangile, dans le silence de la prière, dans la présence auprès des disciples et des petits.
Comme Marie-Madeleine et Jean, devenons des frères et sœurs par la Croix, par notre baptême dans la mort et la Résurrection du Christ .
Demeurons avec la Vierge Marie au pied des crucifiés de ce monde pour entendre Jésus nous dire et redire: « Voici ta mère. »
Et avec Marie-Madeleine et Jean, ce que nous aurons vécu, vu et entendu dans l’obscurité de la Passion, nous le savourerons et le chanterons avec saint Pierre dans la pleine lumière de Pâques :
« Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins.
Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous. » (Ac 2, 32-33)
Alléluia !