Le mot tri a une étymologie discutée. Certains y voient une déformation de tirer. D’autres pensent qu’il serait issu du bas latin tritare, « broyer », lui-même issu de tritum, supin du verbe terere, « frotter », en particulier terere granum, « battre le grain », « frotter pour séparer le grain de l’épi ». C’était déjà le sens d’une parabole de Jésus dimanche dernier.
Faire le tri dans la maison des papiers et des vêtements, faire le tri sélectif des déchets ménagers, faire le tri dans les demandes d’ami sur facebook, faire le tri dans le choix d’un lieu de vacances…nous faisons le tri à longueur de journée et d’année, mais pensons-nous aussi à faire le tri intérieur, entre les véritables priorités de notre existence, à faire le tri entre nos pensées, celles qui nous conduisent à ruminer, à nous dévaloriser, à critiquer, à voir le mauvais côté des choses, et celles qui nous conduisent à considérer la bonté de ceux que nous côtoyons, la beauté de la nature, la présence de la providence divine ?…Et pensons-nous comme Salomon à demander à Dieu de pouvoir nous aider à faire le tri en nous !
Faire le tri, en langage chrétien c’est discerner. Ainsi priait Salomon : « Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal » et la réponse de Dieu est significative : « cette demande de Salomon plut au Seigneur, qui lui dit : « Puisque c’est cela que tu as demandé, et non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis, mais puisque tu as demandé le discernement, l’art d’être attentif et de gouverner, je fais ce que tu as demandé : je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n’en a eu avant toi et que personne n’en aura après toi. » »
Mais c’est aussi le but des trois paraboles de nous inviter à faire ce tri et ce choix : A l’image de l’homme qui a trouvé un trésor dans son champ, faire le tri entre les différentes valeurs, et choisir de tout vendre pour le trésor, qui est, nous le comprenons à travers le psaume, la Parole de Dieu, la vie avec Dieu, qui nous communique les vraies valeurs : « Mon bonheur, c’est la loi de ta bouche, plus qu’un monceau d’or ou d’argent. ».
Comme le négociant en quête de perles rares, discerner la perle de grand prix, et « vendre ce que nous possédons » pour l’acquérir. Car on ne peut tout faire ni tout avoir : les journées n’ont que 24h : donner du temps à Dieu suppose de ne plus en donner autant à tout ce qui faisait notre vie quotidienne, à laisser un peu la télé, l’ordinateur ou le smartphone, pour faire de la place à la prière.
Et enfin, la parabole du filet de mer, nous rappelle que le temps de notre tri personnel s’arrête avec la mort : à cette heure c’est Dieu qui fera le tri au jour du jugement final : il séparera ce qui est bon et ce qui ne vaut rien…Il le dit autrement dans la parabole du jugement dernier en Saint Matthieu 25 : il séparera les brebis des boucs…
Avec ces paraboles, Jésus nous suggère de nous interroger : qu’est-ce qui, dans nos vies, a du prix, de la valeur ? Et est-ce que Dieu lui-même a plus de valeur et de prix que tout ce qui compte à nos yeux ? Nous percevons bien que la réponse à de telles questions engage notre liberté… Nous percevons aussi que si nous croyons que le Seigneur est plus essentiel que tout ce qui compte pour nous, alors nous devons, à un moment ou à un autre, en tirer les conséquences dans notre manière d’être et de vivre, dans les choix que nous posons. « Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ? » (Mt 6, 19 à 21). En d’autres termes, nous ne pouvons pas nous contenter de dire et de répéter que nous sommes chrétiens, si notre vie quotidienne ne témoigne pas de notre appartenance au Christ, du choix que nous avons librement poser de suivre le Christ et de lui donner ainsi la possibilité de vivre en nous, à travers nous ! Nous ne pouvons pas nous prétendre chrétiens, si nous ne choisissons pas de le devenir grâce au Christ, fût-ce au prix de renoncements parfois difficiles et douloureux…avec la grâce de Dieu qui ne nous fera jamais défaut.
Prenons le temps de l’été pour revoir nos priorités, pour donner plus de temps à Dieu, et n’ayons pas peur alors de l’heure de notre mort, car le jugement de Dieu est infiniment miséricordieux pour celui qui l’aura cherché en vérité en cette vie ou pour celui qui aura cultivé les vraies valeurs sans le connaître. Amen.