Souvent le premier réflexe lorsqu’arrive une catastrophe c’est de s’interroger sur le pourquoi ? Le pourquoi du mal, le pourquoi de l’absurde. Pourtant nous sommes parfois confrontés à des situations où le pourquoi reste sans réponse, comme un point d’interrogation qui nous hante et nous empêche d’avancer. Il existe dans la Bible un livre qui parle de cette impasse, qui ne nie jamais la réalité, mais qui l’affronte. Ce petit livre c’est Qohéleth ou l’Ecclésiaste suivant les traductions. Un petit livre étonnant, d’une lucidité décapante, à part dans les Écritures Saintes. Dès le deuxième verset, la difficulté de traduction nous confronte à la question de l’absurdité. Car, le célèbre « vanité des vanités » est pratiquement impossible à traduire. Le mot vanité traduit l’hébreu «hebel». Il existe un sens concret à ce mot : buée, vapeur, fumée… C’est le souffle sur une vitre qui va s’évaporer. Certains traducteurs n’hésitent pas à proposer « buée des buées » ou « fumée des fumées ». La fumée évoque ce qui est éphémère, furtif et qu’on ne possède pas. Souffle d’un instant, qui ne fait que passer, aussitôt disparu : la vie humaine, la réalité du monde, tout cela, c’est du vent ! Voilà une affirmation bien dérangeante…Il faut lire le livre entier pour comprendre les nuances de cette affirmation qui n’est pas un pessimisme athée ou un nihilisme destructeur mais un réalisme qui vise à nous tourner vers l’essentiel : vivre selon Dieu.
L’évangile de ce dimanche à travers la petite histoire que Jésus raconte illustre parfaitement ce que signifie la vanité de la vie, la valeur relative de certaines choses, de la possession matérielle en particulier : voici l’homme qui se complaît dans sa réussite sociale et compte bien jouir de tous ses biens. Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?’
On peut être fier de son travail, c’est légitime mais rester humble car la vie ne fait pas toujours de cadeau et les malheurs peuvent venir sans prévenir. C’est pourquoi notre principale richesse c’est notre confiance en Dieu, et les œuvres d’amour que nous pouvons faire pour Lui. Mais attention nous dit le Pape François en commentant l’expression « tout est vanité » : la vanité est aussi la tentation des « personnes de foi » : « regarde, je fais ce chèque pour les œuvres de l’Église ». La vanité, c’est « vivre pour paraître, pour se faire voir » : « Les chrétiens qui vivent ainsi ressemblent à des paons, ils se pavanent. Certains disent « je suis parent de tel prêtre, telle sœur, tel évêque, ma famille est une famille chrétienne ». Ils se vantent. »
Mais, a demandé le pape, « et ta vie avec le Seigneur ? Comment est-ce que tu pries ? Tes œuvres de miséricorde ? Est-ce que tu visites les malades ? ». Il s’agit de « construire sa vie chrétienne sur le roc, sur la vérité », sur « la réalité ».
Au contraire, « les vaniteux construisent sur le sable » et leur maison tombe, « incapable de résister aux tentations ». La vanité « est menteuse, elle se trompe, elle trompe le vaniteux, car il feint d’abord d’être, mais finalement il croit vraiment être quelque chose , le pauvre ! ».
Au terme de cette vie, pour tous, c’est « le retour à la terre nue », voilà « la vérité finale ». En attendant, il s’agit de choisir entre « se vanter » ou « faire quelque chose », surtout « des choses consistantes » : faire « du bien », « chercher Dieu, prier ».
Et le Pape de nous prévenir : « C’est une maladie spirituelle grave, une tentation contre laquelle il faut lutter toute sa vie, car elle revient toujours », a-t-il insisté en citant une comparaison des Pères du désert : « elle est comme un oignon : tu commences à l’effeuiller, un peu aujourd’hui, un peu demain, et toute ta vie tu dois l’effeuiller pour perdre de la vanité. A la fin tu es content, tu as enlevé la vanité, tu as effeuillé l’oignon mais l’odeur te reste sur les mains ». Mais attention, ce n’est pas cela mourir en odeur de sainteté !