Homélie de père Pierre – 23ème dimanche TO B (08/09/24) « Effata ».

2024-09-08T09:06:04+01:008 septembre 2024|

L’évangile de ce jour nous montre Jésus qui guérit un sourd muet. Jésus accomplit ainsi la prophétie d’ Isaïe dans la première lecture : les oreilles des sourds s’ouvriront, la bouche du muet criera de joie.

Ainsi le peuple d’Israël pouvait reconnaître en Jésus le Messie promis par Dieu. Saint Marc insiste néanmoins sur le secret messianique : « Jésus leur ordonna de ne rien dire à personne », car le Messie attendu est un libérateur politique et c’est un Messie Crucifié qui sera révélé.

Ainsi les paroles « Il fait entendre les sourds et parler les muets » constituent une bonne nouvelle, qui annonce la venue du Royaume de Dieu. Comme l’a écrit Benoît XVI dans une homélie, « parler » et « écouter » sont des conditions essentielles pour édifier la civilisation de l’amour.

« Le premier enseignement que nous tirons de cet épisode biblique, rappelé également lors du rite du baptême, est que, dans la perspective chrétienne, l’écoute est prioritaire. A cet égard, Jésus affirme de façon explicite : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent! » (LC 11,28). Plus encore, à Marthe, préoccupée par tant de choses, Il dit qu' »il en faut peu, une seule même » (LC 10,42). Et du contexte, il apparaît que cette seule chose est l’écoute obéissante de la Parole. (Benoît XVI Homélies 25107) Écouter ensemble la Parole de Dieu; pratiquer la lectio divina de la Bible, c’est-à-dire la lecture liée à la prière; se laisser surprendre par la nouveauté, qui ne vieillit jamais et qui ne s’épuise jamais, de la Parole de Dieu; surmonter notre surdité face aux paroles qui ne s’accordent pas avec nos préjugés et nos opinions; écouter et étudier, dans la communion des croyants de tous les temps: tout cela constitue un chemin à parcourir pour atteindre l’unité dans la foi, comme réponse à l’écoute de la Parole. » (Benoît XVI Homélies 25107)

Écouter ne va pas de soi, et notre capacité d’écouter sans interrompre d’après une étude ne dépasse pas en moyenne les 30 secondes. Comme ce canapé-lit qui parle à un clic-clac, et lui parle des vertus du sommeil, et qui s’entend répondre : arrête, tu prêches à un convertible !

La communication à tous les niveaux ressemble souvent à un dialogue de sourds : entre Palestiniens et Israéliens, entre Ukrainiens et Russes, dans notre politique française actuelle, parfois dans les communautés chrétiennes, et aussi dans nos familles.

Un très bon article de la revue sur internet Aleteia parle de la communication dans le couple et analyse les différents silences :

il y a des bons et des mauvais silences. Si les bons silences sont le signe que le couple va bien, le mutisme au contraire, qui se définit par l’incapacité ou le refus de parler, est un danger pour le couple. Est-on pour autant obligé de parler tout le temps ? Si on ne parle pas, est-ce que cela signifie que le couple va mal ? Pourquoi l’autre ne parle-t-il pas, ou si peu ? Est-ce dans son tempérament ? Est-ce pour blesser ? Le silence dure-t-il ou est-il provisoire ? Finalement, comment faire émerger la parole chez les moins loquaces, ingrédient essentiel pour que la relation de couple demeure vivante ?

Le silence habité

il est bon que la vie conjugale soit ponctuée de moments de silence. Cela laisse à l’un et à l’autre un espace intérieur nécessaire au repos, à la réflexion, à la méditation. C’est un silence aimant, respectueux, qui n’a rien de pesant. Il est pleinement assumé par les conjoints. saint Augustin a écrit : « À mesure que grandit en nous le Verbe – le Verbe fait homme -, les mots diminuent » », affirme le pape François dans sa catéchèse dédiée à saint Joseph.

Le silence cicatrisant

Il existe un autre type de silence, ce temps nécessaire pour digérer une maladresse, une déception, une frustration… Cela ne dure généralement pas longtemps, une heure ou deux, le temps que la tempête des émotions se calme. Cela demande au conjoint de respecter le besoin de silence provisoire de celui qui est atteint dans sa sensibilité.

Le mutisme vengeur

En revanche, si, après une offense, une déception ou une insatisfaction, le conjoint offensé s’enferme dans le mutisme, sur une durée assez longue, il s’agit là d’un silence mauvais, et dangereux pour le couple. C’est un silence réprobateur, accusateur, source d’une atmosphère pesante, et qui blesse l’autre.

Il est aussi des conjoints pas très bavards pour la simple et bonne raison que cela est lié à leur caractère. Dans ce cas, il faut faire des efforts pour répondre au besoin de l’autre.

Mais Jésus guérit un muet, et peut nous guérir de nos mutismes inappropriés. Il nous invite nous aussi à nous ouvrir : « Effata ! » Ouvre-toi !

Ouvre-toi à ton avenir, le Ciel, à ce royaume d’amour que Dieu a préparé pour toi et penses-y au moment de tes choix de vie.

Ouvre-toi, toi qui portes un péché inavouable, que tu n’as pu confier encore à la miséricorde de Dieu : les bras de Dieu t’attendent à travers le pardon d’un prêtre.

Ouvre-toi, toi qui portes une rancœur, un pardon que tu n’arrives pas à donner : Jésus veut te rendre libre du mal qu’on t’a fait et te donner une paix profonde.

Ouvre-toi, toi qui es clos sur ton passé et qui traînes à longueur de vie le fardeau de tes souvenirs : ouvre-toi à l’aujourd’hui de Dieu : il peut faire infiniment plus que ce que tu peux imaginer ou concevoir.

Ouvre-toi, toi qui attends toujours d’être aimé pour te mettre en route vers l’autre, et en cette rentrée paroissiale, dont le thème est toujours « vivons en Église famille de Dieu, en frères et sœurs de Jésus Christ » : ouvre-toi à ceux que tu ne connais pas dans la paroisse, à qui tu n’as jamais adressé la parole : découvre qu’ils peuvent être pour toi une surprise (bonne) et un don, comme le disait le Cardinal Lustiger.

Ouvre-toi peut-être à un service paroissial, un petit service que tu pourrais rendre : c’est le moment des petites décisions pour cette nouvelle année pastorale.

Ouvre-toi surtout à la nouveauté que Jésus te propose et laisse le reposer sur ton cœur quand tu le reçois dans l’Eucharistie.

Ouvre-toi surtout à la parole de ton Dieu, qui vient te donner la force et la liberté, et qui agrandit chaque jour, si tu le veux, l’espace de ton espérance.