Ce dernier dimanche d’octobre, nous changeons d’heure : nous passons à l’heure d’hiver. Nous pouvons donc rester au lit une heure de plus avant d’aller à la messe de ce dernier dimanche d’octobre en France, où nous célébrons la dédicace des églises dont la date de consécration n’est pas connue.
Dédicace ? Nous connaissons la dédicace d’un livre par son auteur. Cette signature signifie le contact personnel avec l’auteur du livre pour celui qui en prend possession. L’auteur était déjà présent par son écrit, le voilà présent une seconde fois par sa dédicace personnelle.
La consécration de nos églises, le mot dedicatio en latin signifie dédicace, est aussi la signature de son œuvre par l’auteur de la création du monde et l’auteur de de sa relation au monde : Dieu entre en dialogue avec son peuple de bien des manières, et Il manifeste en particulier sa présence par la consécration des édifices élevés en son Nom. Dieu est ainsi l’auteur de la religion véritable, de la relation véritable qu’on peut établir avec Lui. (ce qui signifie religion : être relié à Dieu)
Déjà dans l’Ancien Testament Dieu habite dans le temple édifié par les hommes : « Est-ce que, vraiment, Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir : encore moins cette Maison que j’ai bâtie. » C’est ainsi que priait Salomon. Et à la fin de sa prière prolongée, le feu descendit du ciel, il dévora les sacrifices, et la gloire du Seigneur remplit la maison. Ce fut la signature de Dieu agréant la construction du temple (2 Chroniques 7).
Fêter la dédicace d’une église de pierre a quelque chose de paradoxal pour des personnes qui croient en un Dieu pur esprit. Déjà, pour Salomon, la maison qu’il avait bâtie pour Dieu, le Temple, ne pouvait évidemment pas le contenir. Et pourtant, mystérieusement, Dieu y habitait : « C’est ici que sera mon nom », disait Dieu à Salomon. Nous le savons, et le peuple hébreu dans le désert l’a expérimenté, Dieu n’a pas besoin de maison, mais pour communiquer avec l’homme, Dieu prend des moyens adaptés, et sa « résidence » en un lieu est un de ces moyens. L’inauguration, la consécration, la dédicace d’une église se situe dans cette ligne-là, comme ce fut le cas avec la dédicace du temple de Jérusalem.
Jésus dans l’évangile confirme que Dieu est bien à l’origine de l’Église, et de nos églises dont elles sont le signe sur la terre : « tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon Église »
C’est magnifique de constater que les premières basiliques furent bâties dès que la liberté de culte fut autorisée par l’empereur romain. Les chrétiens avaient soif de se rassembler dans des lieux consacrés à Dieu, lui offrant l’hommage de leur science de bâtisseurs, et la beauté des matériaux et de l’aménagement architectural qui charment encore aujourd’hui les visiteurs de nos églises, de nos abbayes et de nos cathédrales.
Deux erreurs sont donc à éviter : limiter au lieu qui lui est consacré la présence d’un Dieu que « les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent contenir » ; ou bien, dire que ce lieu ne joue aucun rôle particulier dans la présence de Dieu pour nous, et c’est à cet aspect-là surtout que nous pourrions être sensibles aujourd’hui. Si nous étions tentés de l’oublier, la liturgie, en fêtant la dédicace d’une église en tant que solennité, nous le rappelle : Dieu habite vraiment ce lieu. Y pénétrer, c’est pénétrer d’une manière spéciale en présence de Dieu. Notre comportement ne peut être quelconque ; on ne peut pas agir n’importe comment, ni y faire n’importe quoi.
« Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle », écrivait saint Pierre aux chrétiens dispersés dans le monde en dehors de la Palestine. Tous les chrétiens forment ensemble une construction, chacun d’eux étant une pierre vivante. La dédicace d’une église évoque aussi cette réalité qu’est l’Église, l’ensemble des chrétiens, des fidèles du Christ. L’édifice de pierre où nous sommes rassemblés en est une image : l’église de pierre est image de l’Église, Corps du Christ. C’est le même mot, église, qui est employé. De cet édifice spirituel, la pierre angulaire est le Christ Jésus : Oui, c’est sur la personne du Christ, Dieu fait homme, mort et ressuscité pour nous, que repose l’édifice spirituel de l’Église.
Pour parler de notre terre, le pape François prend l’image de la « maison commune ». Nos églises devraient être aussi des maisons communes, des lieux où chacun peut être accueilli avec sa différence. Puisque l’individualisme et le repli dominent dans notre société, il nous faut témoigner que la rencontre et le dialogue sont possibles. Prions le Seigneur de faire de nous des pierres vivantes de son Église, unis par la charité et rendons grâce à Dieu pour nos églises, dans nos églises et en tout lieu. Amen.