Les textes de ce dimanche, singulièrement l’Évangile de Luc 12,49 – 53 que nous avons entendu, nous laissent un peu perplexes, à la première lecture. Ce sont des textes assez lourds de sens et porteurs d’un message quasi paradoxal.
Qu’on arrête Jérémie et veuille le tuer, que Jésus souffre son martyre et soit mis à mort, cela ne nous est presque pas étranger parce que le principe même du prophète c’est de donner le message de la part de Yahvé et finalement se donner pour que ce message soit entendu, reçu, cru et vécu. Mais quand on arrive à l’Évangile, les choses semblent se compliquer.
Jésus se présente Lui-même comme celui qui apporte le feu et la division sur la terre. Lui qui nous a été annoncé par les prophètes comme Prince de la paix, Emmanuel (Dieu parmi et avec nous), merveilleux conseiller, Le voilà qui se présente comme sujet de division. Cette division commence déjà dans nos familles où on assistera à la division entre un père et son fils ; une mère et sa fille ; une belle-mère et sa belle-fille (ça c’est très fréquent)….
Mais au juste, qui est-Il ? qu’est-Il réellement venu apporter sur terre ?
C’est là que je trouve un petit thème pour notre méditation sur «la réalité et la Vérité». L’Évangile de ce jour nous révèle ces deux réalités. La Vérité, pour nous les chrétiens, ce n’est pas un fait, ce n’est pas une réalisation, c’est une personne : Jésus-Christ. Il est le même hier, aujourd’hui et éternellement ; ainsi, la Vérité, Sa Vérité ne change pas quelques soient les circonstances et les événements de notre vie.
Ce sont nos réalités qui changent. Elles se modernisent, s’inculturent, se recréent, se mettent à jour selon les temps, les lieux et les endroits où nous nous trouvons. Jésus est venu justement pour bousculer nos réalités, pour insérer Sa Vérité dans ces réalités pour en faire une nouveauté. C’est là que division et contradiction sont nées. Dans nos réalités, nous avions et avons encore nos habitudes, nos attitudes selon nos lieux de vie, nos lieux de travail, nos cultures et autres coutumes. Ce sont là des zones que Jésus, La Vérité de Dieu veut transformer.
Les divisions et contradictions que le feu de la Vérité divine vient créer dans notre monde, sont présentes dans toute l’histoire de notre salut. Elles commencent au berceau, j’allais dire, dans la mangeoire qui a servi de lit pour Le Fils de Dieu. Ainsi dira-t-IL, le fils de l’homme n’a pas où poser ni reposer sa tête.
A sa naissance, c’est Hérode que la Vérité de Jésus divise dans la réalité de son pouvoir. Un Roi est né, un concurrent redoutable. Il faut l’éliminer. La division née de la naissance même du Christ. La Vérité de l’Évangile bouscule les réalités de nos vies.
Parvenu au temps de Sa mission, Jésus se choisit les disciples et apôtres. Quand IL annonce à tous que Lui, fils de Dieu, est le pain vivant venu sur terre pour que faim et soif de l’homme soient étanchés, ses disciples (ne saisissant pas le sens de son discours), Le quittent. IL se tourne alors vers ses plus proches, sa ceinture de sécurité : voulez-vous partir vous aussi ? Pierre nous fera croire qu’ils avaient compris, reçu et cru au message évoqué par Jésus.
Dans leur réalité, ils avaient vu en Jésus, ce grand libérateur qui brisera d’abord des murs humains, qui requalifiera les classes sociales de son temps. Mais voilà que cet homme est arrêté, jugé, condamné et crucifié. Les disciples se sont dispersés. Ils ont abandonné ce Chemin qui conduit au Père, cette Vie sans fin et cette Vérité par laquelle vient le salut du monde. Une fois encore, la Vérité du Christ a secoué la réalité humaine.
Sur la croix, cette même Vérité va aussi diviser la réalité humaine. Deux voleurs, ayant pourtant le Christ, Vérité divine, au milieu, se sont divisés. L’un trouvant en Lui le chemin qui mène au Père, l’autre Le repoussant car il ne pouvait pas imaginer qu’un Dieu souffrit la même passion qu’un humain.
Frères et sœurs, un peu comme a dit Jésus au temple, cette parole d’Évangile que nous avons entendue, s’accomplit encore aujourd’hui dans nos vies.
Dans nos familles, des parents qui vont à l’église alors que les enfants dorment puisqu’ayant fait la fête toute la nuit. Pour eux, Dieu n’est plus qu’une idée banale, une réalité dépassée. Dieu n’a jamais été une réalité. C’est notre Vérité. C’est La Vérité. La réalité change, la Vérité ne change pas.
Que des familles sont divisées à cause de l’Évangile. Des nouvelles religiosités ont envahi notre humanité. Ainsi, par exemple, la fête de Noël, certaines familles ne peuvent même plus se réunir puisque quelques membres rejettent cette date simplement parce qu’elle est associée à l’enfant Jésus. Dieu est à rejeter.
Dans nos pays d’Afrique, cette réalité est encore plus vivante et vibrante quand, dans chaque rue, vous avez une « église » qui prétend détenir la vérité (avec un petit v) car, affirment-elles, leur prophète, leur pasteur, est le dernier envoyé qui vient « corriger » ce que les Églises traditionnelles ont apporté. C’est un Dieu venu d’ailleurs, importé par l’Occident. Mais justement, nous croyons en un Dieu venu d’ailleurs, IL n’est pas de ce monde, mais IL est venu le transformer, lui donner la forme de son royaume. Ma royauté n’est pas de ce monde.
Nous avons la grâce d’avoir un Dieu qui peut diviser, grâce à cela nous pouvons faire l’expérience de la communion fraternelle, accepter l’autre dans sa différence pour compléter ce qui manque en moi. Cela s’accomplit par le mystère de la croix.
Ce n’est même pas le mystère de la croix, c’est la Vérité de la croix. Chacun de nous se trouve face à cette croix où, dans l’extrême souffrance de sa chair, le Christ a eu la force d’implorer le pardon sur ceux qui étaient présents, et ceux qui, grâce au message de ses témoins, allaient recevoir cette croix comme chemin du salut. Chacun de nous évoque la Vérité de la croix, selon l’endroit à partir duquel il voit et vit cette croix. Certains sont en face, ils voient ce visage ensanglanté du Christ ; d’autres sont à côté, ils ont les mains meurtries du Christ ; d’autres encore voient son côté percé d’où jaillissent l’eau et le sang. Ceux-là évoquent et adorent le Dieu de la vie ; d’autres encore sont derrière la croix, ils la retiennent pour qu’elle ne bascule pas devant.
Aux uns et aux autres, Jésus nous invite à avoir notre croix dans notre cœur. Être capables de parcourir le même chemin que le Christ, celui du rejet, de l’incompréhension, de l’inculpation. Lui l’innocent, ce sont nos fautes qu’IL a portées, se faisant petit pour nous, tel que nous le disons dans notre credo : pour nous les hommes et pour notre salut, IL descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, IL a pris chair de la vierge Marie.
Même dans cette réalité humaine, Jésus est resté notre Vérité qui nous fait rentrer dans l’intimité de Dieu. Si division il y a, qu’elle nous permette de nous remettre sur le chemin de la communion, ciment de la communauté. Notre Église aussi vit des divisions sur tant des questions éthiques, morales, sociétales….Dieu est notre Unique Vérité. Notre vie commence en Lui, se vit par Lui, retourne chez Lui.
Prions, mes frères et sœurs, pour que la grâce de la Vérité de notre foi recrée l’unité au sein de nos cœurs d’abord, de nos familles ensuite et de notre Église enfin. A la veille de la solennité de l’Assomption, que Marie nous apprenne son humilité, qualité principale et essentielle pour les chrétiens. C’est elle qui nous permet de redire, comme Marie, nous les serviteurs du Seigneur, que tout nous arrive comme Il l’a prévu. Cela trouve son écho dans le Notre Père : que Ta volonté soit faite.
Dieu, notre Vérité, change nos réalités. Qu’en Toi nous devenions ce que Tu nous enseignes.