Mes chers frères et sœurs ! En plein été, pendant que nous sommes plongés dans la détente, les divertissements qui préludent déjà à la fin des vacances, qui font penser au retour à la réalité professionnelle, l’Église nous invite à célébrer la solennité de l’Assomption. Certains voudraient même que cette fête soit placée au cœur de l’été pendant les vacances, pour permettre à plus de monde de contempler Marie montant au Ciel, glorifiée dans son corps et son âme, rejoignant ainsi son Fils et notre Seigneur, glorifié avant elle, assis à la droite du Père et qui nous attend nous aussi un jour, pour la glorification de nos pauvres corps mortels.
Dans la vie de l’Église, Marie est exaltée et vénérée sous divers titres et dans de multiples dévotions depuis la naissance de l’Église. Parmi les icônes à travers lesquelles nous vénérons la Vierge Marie, celle d’Assomption est, à mon avis, la plus significative parce qu’elle exprime l’œuvre, la bienveillance, la générosité et la magnificence de Dieu envers Marie, envers nous aussi, parce que l’Assomption de Marie est un appel pour chacun de nous, si nous laissons le Seigneur prendre place et naître dans nos cœurs comme Marie le fit après l’Annonce de l’Ange Gabriel.
Cependant, faisons attention mes chers frères et sœurs. J’aime beaucoup Marie. Elle a une grande place dans ma vie d’homme, de baptisé et de prêtre. Et j’espère de tout mon cœur que chacun de nous ici, lui accordons toute la place qu’elle mérite dans notre vie ! S’attacher à Jésus nous attache forcément aussi à sa Mère. On ne peut pas aimer Jésus et ne pas s’attacher à sa Mère ! Un chrétien est forcément un être marial !
Cependant, ne faisons pas de Marie une divinité. Elle n’est pas une déesse. Cette tentation existe dans beaucoup de dévotions. Il y a eu et il y aura encore des déviations dans nos dévotions envers Marie. On l’a beaucoup reproché aux catholiques, et ces accusations n’étaient pas dans le passé et ne sont pas toujours gratuites et sans fondement. Pour que Marie soit vraiment l’un de nous, elle veut être prise pour ce qu’elle est : une simple petite paysanne comparable à toutes les autres jeunes filles de Nazareth. Donc une fille normale, pas du tout extraordinaire, de pauvre culture, une humble juive vivant simplement mais profondément sa foi en Dieu.
Mais la générosité de Dieu est infinie envers cette fille de Nazareth parce qu’elle est choisie pour être la Mère du Verbe Incarné, du Dieu conçu dans la chair pour partager notre condition d’homme. Pour cela, Marie a dû adhérer librement à ce projet de Dieu. Heureusement qu’Anne et Joachim l’avait déjà préparée, à travers l’éducation reçue en famille, à écouter Yahvé et à chercher toujours sa Volonté. Marie a dû pour cela mettre une croix sur ce qu’elle pouvait avoir comme projets, accepter d’être exposée à quelques critiques, être pointée du doigt, mettre sa vie en danger en courant le risque de la lapidation selon la Loi de Moïse. Accueillir la volonté de Dieu, prendre une décision importante dans notre vie exige toujours des renoncements qui coûtent plus ou moins.
Pour nous aujourd’hui, dans cette petite église de Labastide Saint Sernin, il est tout à fait normal de croire que Marie a conçu par la force du saint Esprit. Tout ceci est acquis pour nous tous aujourd’hui, je l’espère, et je remercie les catéchistes qui nous l’ont fait intégrer depuis l’enfance ! C’est acquis avec un recul, une vie de foi, des enseignements de l’Église, la lecture des Évangiles, des célébrations… et une histoire qui dure depuis plus de 2000 ans.
Mais pensez un seul moment aux habitants de Nazareth qui retrouvent la jeune Marie, que tout le monde considérait très sage, enceinte avant le mariage. Imaginez un peu la réaction des parents Anne et Joachim! Ces parents devaient en souffrir car raillés par tout le monde à cause de leur fille qui faisait la honte de la ville Nazareth. Imaginez les commérages des jeunes filles et femmes du village qui parlent un peu trop, comme certaines de notre paroisse qui répandent des rumeurs, des voix qu’elles sont les seules à entendre, comme par exemple, celles qui disent que le curé va partir, qu’on ne sait pas qui va être son successeur… Tout cela est faux et ne relève que de l’imaginaire ! Pensez un peu à Saint Joseph, ce jeune fiancé qui construisait la maison familiale en attendant le jour du mariage. Toutes les commères de Nazareth voyaient de grandes cornes qui avaient bien poussé sur sa tête ! Pour eux, Joseph est un vrai loser !
La suite des événements dans la vie de Marie n’est pas du tout facile : un accouchement dans le froid de Bethléem, dans un hébergement de fortune au milieu des bêtes, la persécution d’Hérode et la fuite de Marie, Joseph et du bébé Jésus comme réfugiés en Égypte, les dures paroles de Jésus, alors adolescent de 12ans quand il se perd pendant trois jours dans le temple de Jérusalem « pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous que je devais être au service de mon Père », la présence de Marie parmi les disciples avec les accueils et les refus d’Israël, le chemin de croix de Jésus avec cette terrible page de sa rencontre avec Marie, le regard souffrant et sa présence silencieuse auprès de la Croix pendant que Jésus expirait, les dernières paroles de Jésus à Marie et à Jean avant de mourir (« Fils voici ta Mère et Femme voici ton fils »)…
La vie de Marie interroge notre vie d’aujourd’hui. Elle nous ressemble dans les hauts et les bas de notre vie et comme elle, nous pouvons nous aussi être toujours dans la grâce de Dieu si nous Le laissons, sans hypocrisies malgré nos fragilités et nos faiblesses, habiter nos cœurs pour y naître. Marie est une femme normale et ordinaire parce qu’elle fait partie de notre humanité, semblable à chacun de nous dans ce qui fait le quotidien de notre vie. Elle est extraordinaire et merveilleuse simplement par la grâce de Dieu qui l’a touchée et qui a accompli en elle et par elle ses merveilles pour toute l’humanité que nous formons.
Ce qui est arrivé à Marie dans le mystère de l’Assomption que nous célébrons en ce jour nous montre bien que pour nous aussi, les portes du salut et de la gloire nous sont grandement ouvertes après notre pèlerinage en ce monde. Notre vie peut traverser joies et souffrances, des hauts et des bas en ce monde, mais notre vocation est de partager, comme Marie, la glorification de son Fils et notre Seigneur.
Si comme Marie nous laissons Jésus naître dans nos cœurs, si comme Marie nous prenons soin de Jésus chaque jour à travers nos frères et sœurs que nous côtoyons, si comme Marie nous écoutons la Parole de Dieu et la méditons dans notre cœur, si comme Marie nous savons apporter la Bonne Nouvelle aux autres comme elle l’a fait avec Élisabeth lors de la Visitation, pas comme la télévision et nos médias qui ne nous donnent que les mauvaises nouvelles, guerres, assassinats, meurtres, déprimes… si comme Marie nous sommes disciples à la suite de Jésus, si comme Marie nous accompagnons Jésus sur son chemin de croix, à travers nos propres croix et celles des autres, si comme Marie nous accueillons le Saint Esprit comme au Cénacle, alors, comme Marie et par sa prière, nous partagerons la gloire de son Fils, Lui qui s’est fait homme pour que nous partagions la vie divine. Marie, Mère du Seigneur et Notre-Mère, nous te confions nos familles, notre communauté, nos amis, ceux que nous aimons. Nous confions à ta prière aussi ceux qui ne nous aiment pas ou ceux que nous n’aimons pas assez, en particulier ceux qui nous font peur ou veulent nous tuer. Nous te confions tous les martyrs chrétiens d’aujourd’hui, et tous ceux qui, dans nos familles, notre communauté et autour de nous souffrent dans leur chair, à cause des maladies et toutes sortes de souffrance du corps et de l’âme. Amen.