Mes chers frères et sœurs ! L’Ascension : c’est par cet épisode que se conclut l’évangile de Matthieu. Les disciples qui avaient aimé et accompagné Jésus, avec leurs fragilités d’hommes et de femmes, leurs doutes et leurs peurs, toutes les contradictions humaines Le voit disparaître sous leurs yeux. En méditant les textes de la fête de l’Ascension, je me rends compte que c’est une fête paradoxale que nous célébrons, et que la montée au ciel de notre Seigneur est loin d’être une source de joie, même s’Il leur avait déjà dit que c’est bien pour eux qu’Il s’en allait, pour leur envoyer le Défenseur, l’Esprit de Vérité ! Bienheureux sommes-nous d’être dans la joie de cette fête, prélude de notre vocation céleste… mais ce n’était pas le cas pour les disciples qui avaient physiquement vécu avec Jésus. Pour eux, l’Ascension est source de tristesse…
Notre humanité a besoin du sensible, du corporel, du charnel, du matériel. Nous aimons toucher, sentir les odeurs, goûter aux choses, toucher pour sentir et transmettre de l’amour ! La séparation du corps et du sensible nous attriste. Du point de vue purement humain, l’Ascension est évidemment triste et angoissante. Pour les disciples, l’Ascension est presque la fin d’une histoire commencée à Noël, depuis cette nuit de Bethléem où l’humanité est entrée physiquement en contact avec Dieu en Jésus né de la Vierge Marie, cet enfant qu’elle a pris dans les bras, souriant ; cet adolescent qui a grandi et qui s’est perdu à Jérusalem, devant lequel tout le monde s’est émerveillé, qui a appris à travailler aux côtés de Joseph ; ce rabbi infatigable qui a parcouru toute la Palestine annonçant la Bonne Nouvelle avec sa voix douce mais déterminée, convaincante mais menaçante pour les cœurs durs ! Ce même Jésus a été crucifié, mais ils l’ont vu ressuscité, avec les marques des plaies, il a encore mangé avec eux, leur a parlé… et les disciples ne s’attendaient plus à une autre séparation… Depuis Noël, l’entourage familial de Jésus, ensuite ses disciples se sont tellement habitués à une rencontre physique, sensible, presque charnelle avec Dieu… et ils ne désirent pas en être privés.
Avec l’Ascension, nous avons l’impression d’assister à la fin d’une histoire… et pourtant nous sommes au début d’une autre histoire plus belle encore. Jésus dit aux disciples « Je suis avec vous ! » « Oui, nous le savons, mais quand même Jésus ! Reste encore un peu de temps avec nous ! ! » Notre société post-moderne a peur de l’avenir, du différent, de voir disparaître ce à quoi nous sommes habitués dans nos familles, dans l’Église, dans le monde. Nous n’osons plus rêver d’un monde nouveau, d’un monde différent. Nous avons du mal à croire à la nouveauté du changement. Au niveau spirituel, nous n’osons plus croire en un Dieu différent, invisible, un Dieu qui disparaît de nos yeux sans disparaître de nos vies. Telle est la finesse de l’Ascension que saint Matthieu nous fait vivre dans son évangile. Alors que dans les Actes, saint Luc nous montre comment les disciples, ont du mal à fêter la montée au ciel de Jésus, saint Mathieu lui, veut garder allumé le feu de la résurrection ! Jésus Ressuscité est toujours présent ! Il l’a promis ! « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Telle est l’aventure de l’Église depuis plus de deux mille ans. La naissance de l’Eglise commence par la fin d’une histoire. Les apôtres contemplent Jésus élevé au ciel, ont le nez et le regard dans les étoiles, là-haut. Ils contemplent ces deux hommes vêtus de blanc qui leur disent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel ». C’est comme s’il leur disait : « Ça suffit maintenant ! Remettez les pieds sur terre, regardez le monde qui vous entoure ! Voyez que je suis là ! Rappelez-vous de mon nom ! L’ange avait dit à maman Marie, dès ma naissance, de m’appeler « Emmanuel », ce qui veut dire Dieu-avec-nous ». Trente années sont passées et saint Mathieu nous renvoie au début de l’évangile, pour nous rappeler que dès le départ, Dieu nous a promis d’être toujours avec nous en Jésus.
Avec l’Ascension, une histoire nouvelle commence. Elle est nouvelle parce que portée par des femmes et hommes nouveaux, qui n’ont plus peur, qui ne veulent plus se taire. Allez-y maintenant chrétiens ! N’ayez pas peur ! Construisons un monde nouveau, rêvons d’un monde nouveau parce que le Seigneur est avec nous. Nous devons construire un monde nouveau parce que nous sommes habités par l’Esprit Saint qui fait toute chose nouvelle. Alors, oserons-nous descendre sur les places annoncer que le Christ est ressuscité ? Oserons-nous le faire en luttant contre tout ce qui écrase l’être humain dans sa dignité d’image et ressemblance de Dieu.
Mais si Jésus abandonne notre terre c’est seulement pour nous apprendre et nous dire une seule chose, de manière ferme er rassurante: « Je pars vous préparer une place, et là où je suis, vous y serez aussi. » Par la fête de l’Ascension, Jésus nous dit que nous n’avons pas une résidence éternelle sur cette terre. Il laisse Béthanie et le regard de son ami Lazare, le silence du désert, les foules nombreuses qui le suivaient, ces malades qu’Il a guéris, ces foules qu’Il a nourries, la confusion de Jérusalem, l’affection de sa mère… Jésus veut nous apprendre à quitter parfois nos maisons, notre passé, nos habitudes, pour envisager l’avenir sans regarder en arrière. Jésus veut nous apprendre à redresser la tête, alors que nous sommes très souvent tournés vers la terre. Le plus dur pour les disciples commence à l’Ascension. Sur cette montagne de Galilée, nous sommes devant une petite foule de gens qui se croient abandonnés. Ils doivent maintenant grandir dans leur foi. Ils auraient tellement préféré rester avec lui sur cette montagne, pour attendre sa venue. Ils auraient voulu rester sur la montagne mais ils ont été obligés de descendre, contraints de quitter la montagne. Le Seigneur leur a donné une force !
L’Ascension nous dit que le Seigneur nous a donné une force pour aller encore et encore, une puissance pour de nouvelles naissances : la vie chrétienne dépend d’une source inépuisable d’amour qu’est le Christ. Notre existence est traversée par une force infiniment plus grande, une force qui ne s’épuise jamais et qui rend notre vie plus forte que toutes nos blessures. Le Seigneur n’est pas allé loin à l’Ascension. S’il était avec ses disciples avant l’Ascension, Jésus vit maintenant dans le cœur de chacun de ses disciples. Par le Saint Esprit, Dieu est en nous ! Nous pouvons l’écouter, lui parler, dans le fond de notre cœur, sans que personne ne s’en rende compte autour de nous. La foi chrétienne est une certitude inébranlable que chaque jour de ma vie, et en toute chose, Jésus est présent. L’Ascension nous invite à cultiver la dimension de l’intériorité dans notre vie de foi. Le sensible, le corporel, nous porte, les émotions nous soutiennent, mais n’oublions pas que le Seigneur, avec l’ascension vit désormais en nous grâce au Saint Esprit.
Les onze apôtres sont allés en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait indiquée. C’est là que le Maître leur donne une mission : « Partez, allez partout dans le monde. Faites mes disciples de tous les hommes et toutes les femmes du monde. Baptisez-les et dites-leur tout ce que je vous ai appris, et tout ce que je continue à vous apprendre parce que je serai avec vous jour après jour. Dites- leur que ma présence dans leur cœur n’est pas une prison, mais une source de joie ».
De cette montagne de Galilée, qui est aussi la montagne des Béatitudes, le Seigneur lance une invitation personnelle pour chacun de nous : « va, avance, ne regarde plus derrière ni ton passé, regarde devant toi ». Le chrétien est quelqu’un qui se lance avec courage dans une aventure dans laquelle il sera toujours assisté par le Saint Esprit promis par le Seigneur. Même quand le Seigneur est caché à nos yeux par quelques nuages et brouillards de notre vie et que nous sommes tentés de fixer le ciel de toutes nos inquiétudes, des anges en blanc nous invitent à regarder la terre, pour y apporter la joie et l’espérance. C’est à la terre que nous sommes invités à annoncer la bonne nouvelle de la joie et de l’espérance. Pour cela, il nous donne son Esprit qui fait de nous des disciples et témoins de foi. Demandons que le Saint Esprit nous soit donné en plénitude. Je vous invite, à vivre une neuvaine au Saint Esprit dès ce jour pour attendre le Don par excellence du Père et du Fils, à la Pentecôte.