Mes chers frères et sœurs ! Nous avons et transmettons parfois une image terrible de Dieu! Cette image vient du plus profond de notre cœur, de notre histoire personnelle, et qui met en lumière nos peurs, le fait que nous sommes parfois perdus à cause des petites et grandes difficultés de la vie auxquelles nous n’avons pas toujours d’explication. D’ailleurs, certains catholiques détruisent l’image de Dieu. Nous parlons parfois très mal de Dieu. Nous Le décrivons parfois comme «Tout-puissant dans sa force», un «Juge sans pitié » ou « un surveillant intransigeant», un « despote bipolaire et imprévisible» qui fait peur et dont il faut se méfier…
Oui, confessons que parfois nous avons et transmettons une image horrible de Dieu : un Dieu qui laisse mourir de famine les enfants, qui n’arrête pas les guerres avec des millions des morts, qui laisse mourir une jeune maman d’un cancer, qui ne résout pas les nombreuses épreuves humaines, qui laisse la nature se déchainer dans le Tsunami qui tue des centaines des milliers des personnes. Bref, nous avons parfois l’image d’un Dieu qui terrorise, qui ne donne pas envie qu’on l’aime, un Dieu inaccessible… Même les athées, ceux qui croient ne pas croire se font une image, une idée de Dieu… parce qu’en fait, ils se sont fait une idée ou alors, nous les croyants, leur avons transmis une idée horrible de Dieu qui les pousse à se décider de ne pas croire. Vous savez, je pense que parfois il serait mieux de ne pas avoir de Dieu plutôt que d’en avoir une image terrifiante et détestable, comme ceux qui pensent que Dieu étanche sa soif de sang humain…Croyez-moi, chers amis : la plus difficile des conversions à vivre est le passage de ce Dieu terrifiant que nous portons parfois dans notre cœur au Dieu d’amour qui se révèle dans la Bible. Et il ne suffit pas de se dire catholiques pour croire au vrai Dieu !
« Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit »… combien de fois nous répétons, parfois même machinalement comme en ce moment, cette formule! La solennité de la Trinité Sainte que nous célébrons aujourd’hui a été voulue par l’Eglise pour nous rappeler ce que signifie vraiment être chrétiens, ce que cette formule implique pour nous.
Cette formule implique que la foi chrétienne, tout en étant absolument, rigoureusement monothéiste, c’est-à-dire croyant en un Dieu unique, est totalement et rigoureusement différente deux autres monothéismes, c’est-à-dire, du Judaïsme et de l’Islam. Rappelez-vous que Jésus a été condamné par les Juifs parce qu’il disait qu’il était Fils de Dieu, et se faisait ainsi l’égal du Père… Ce qui est un blasphème dans le Judaïsme. Quant à l’Islam, pour cette religion, la foi chrétienne en un Dieu en trois Personnes est tout simplement du polythéisme. L’originalité de la foi chrétienne est un «monothéisme trinitaire ». Cela veut dire que selon ce que Dieu a révélé de lui-même dans l’histoire du salut, et selon l’enseignement de l’Eglise, nous professons notre foi en un Unique Dieu mais en Trois Personnes. Ce sont les Personnes dont il s’agit dans le Credo, et aussi comme nous le rappelons normalement dans la conclusion de toutes les prières liturgique : «Nous Te le demandons par Jésus Christ ton Fils, qui vit et règne avec toi, dans l’Unité du saint Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen »
Un et Trois : un beau et grand mystère, mystère des mystères, dont découlent tous les autres mystères de notre foi. Il s’agit d’un mystère qui dépasse tellement les capacités humaines, que nul ne peut comprendre uniquement par son intelligence, un mystère accessible seulement par la grâce de la Révélation de Dieu.
Même lorsque la Trinité sainte nous est révélée, elle reste pourtant un mystère. Plusieurs grands esprits, théologiens tellement intelligents ont entrepris de réfléchir sur la Trinité, de l’expliquer comme j’essaye de le faire en ce moment, mais ils n’y sont jamais arrivés. La trinité ne se comprend jamais par le seul biais de la raison humaine. Devant le mystère ineffable de la Trinité, les explications et paroles humaines sont inadéquates. Notre langage devient purement et simplement un timide balbutiement limité qui ne peut qu’effleurer cette réalité qui dépasse notre intelligence.
Une anecdote de l’histoire de la théologie illustre l’incapacité humaine à comprendre le mystère de la Trinité Sainte. Il s’agit de la tentative de l’un des grands théologiens de l’histoire de l’Eglise, saint Augustin d’Hippone qui nous a laissé un des grand traité sur la Trinité sainte, le De Trinitate. On raconte qu’un jour, saint Augustin se promenait, faisant des va-et-vient sur la plage, plongé dans une grande réflexion pour s’expliquer et comprendre le mystère de la Trinité. Tout d’un coup, il est intrigué en voyant un petit garçon qui avait creusé un trou dans le sable et avec un petit seau, il essayait de vider l’eau de la mer pour remplir le trou de sable. « Que fais-tu petit-enfant ? », lui demanda saint Augustin. « Je veux vider la mer dans ce trou de sable », lui répondit le petit garçon. «Arrête, mon enfant, comment peux-tu y arriver ? C’est impossible ! Tu ne vois pas que la mer est immense et trop grande pour ton petit trou de sable perméable». L’enfant lui répliqua : «Et toi, comment peux-tu prétendre contenir l’immensité du mystère de Dieu dans ta petite intelligence ? ».
Cet épisode fit réfléchir saint Augustin qui comprit dès lors que son intelligence ne pouvait contenir le mystère inépuisable de la Trinité qu’on ne peut comprendre que par le cœur. Nous pouvons donc comprendre un peu ce grand mystère, mais seulement par l’intelligence de notre cœur. C’est le cœur qui nous aide à comprendre par exemple, que les trois Personnes de la Trinité agissent depuis l’Origine. Ce n’est pas par hasard que cette fête est célébrée directement après la Pentecôte, c’est-à-dire, après la conclusion du temps pascal au cours duquel est célébrée la rédemption de l’humanité réalisée dans la mort et la résurrection de Jésus. Le salut de l’humanité n’est pas l’œuvre du Christ seulement, mais de toute la Trinité. Jésus ne nous sauve pas en solitaire, comme certains qui aiment, par orgueil, amour propre ou égoïsme, travailler et faire le bien tout seul, sans collaborer avec les autres. Le Père a voulu sauver l’humanité en nous offrant aussi la possibilité de retisser une relation avec lui, relation rompue par le péché originel et actuel. Pour cela, le Père a envoyé son Fils qui, pour réaliser cette mission, a pris complètement la nature humaine. Avec sa mort et sa résurrection, il a racheté l’humanité entière. Il l’a fait une fois pour toute, il y a plus de deux mille ans à Jérusalem.
Mais la question reste de savoir comment cet événement, qui a eu lieu longtemps dans l’histoire et en un lieu donné, éloigné dans le temps et dans l’espace, peut être actuel pour chaque être humain, de tout temps et dans tout pays. Cette opération d’un salut universel et actuel, touchant chacun de nous s’opère par la troisième personne de la Trinité sainte, le Saint Esprit, actif et opérant dans le baptême et la confirmation et dans tous les autres sacrements d’ailleurs qui sont les moyens confiés par Jésus à l’Eglise pour offrir à chaque humain la possibilité de bénéficier et d’accueillir le salut.
La volonté du Père, accomplie par le Fils il y a plus de deux mille ans est poursuivie aujourd’hui grâce au Saint Esprit : Dieu Unique en trois Personnes, intimement unies mais distinctes, opérant en parfaite communion et syntonie. Dieu veut nous faire entrer dans cette communion trinitaire. Par la prière, à travers la célébration des sacrements, dans nos engagements ecclésiaux et humains, nous pouvons participer à cette communion trinitaire et à l’œuvre des trois Personnes. Jésus a prié pour que nous soyons plongés dans cette unité trinitaire, entre le Père et le Fils par le Saint Esprit :
« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jn 17, 21-23). Nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, unique en trois Personnes, relation, communion, communication vraie, dialogue, don total de soi, accueil de l’autre, collaboration et amour. Image, nous l’avons déjà en nous ! Mais la ressemblance, nous devons y travailler au quotidien, avec la grâce de Dieu, en essayant de l’imiter par notre vécu, notre agir… Il s’agit d’un Dieu miséricordieux qui offre à tous et à chacun la possibilité du salut. Un Dieu communion qui nous révèle que l’égoïsme contredit notre nature profonde car nous sommes faits pour être en relation, pour nous donner aux autres et nous recevoir d’eux, Dieu qui désire et travaille au salut de tous, sans faire de distinction entre ses amis et ses ennemis. Un Dieu vrai qui nous fait vivre dans la vérité.
Au cours de cette eucharistie, demandons la grâce d’être plongés dans cet Océan d’Amour trinitaire dans lequel réside notre vrai bonheur. Le secret de la compréhension de la Trinité Sainte, c’est de se laisser aimer par Dieu pour en témoigner dans notre vie.