Mes chers frères et sœurs. Dimanche dernier, nous avons contemplé le mystère de Dieu, en célébrant la fête de la Trinité Sainte, un Dieu en trois Personnes. Aujourd’hui, l’Eglise nous invite à contempler et méditer sur ce que nous faisons chaque dimanche et chaque fois que nous célébrons la messe. Heureusement que l’Esprit-Saint nous a été donné, à la Pentecôte car nous avons besoin de Lui pour comprendre et ne pas banaliser ces gestes que nous posons chaque dimanche, peut-être parfois sans nous en rendre suffisamment compte. Demandons au Saint Esprit de nous aider à découvrir la grandeur de la fête que nous célébrons.
Cette fête est au cœur de la présence du Christ, la double présence à travers les deux tables, celle de la Parole, et celle de l’Eucharistie, c’est-à-dire celle du pain et du vin. C’est une réalité extraordinaire que nous célébrons chaque dimanche, le premier jour de la semaine. L’Eucharistie est, pour le chrétien, pain pour la route de la vie. Nous célébrons chaque dimanche un repas, répété avec fidélité obéissant au Christ qui dit aux disciples, le soir du Jeudi Saint, lors de la première Eucharistie: « Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous et pour la multitude : faites ceci en mémoire de moi ».
Un acte répété très souvent risque de devenir mécanique, posé par pure habitude, un rite cérémonial qui perd progressivement son sens. Oui, l’Eucharistie peut devenir (ou est déjà devenue) pour certains chrétiens habitués à aller à la messe, un geste mécanique, routinier et banal. Elle n’est plus alors la rencontre joyeuse avec ce Dieu qui se donne dans sa Parole, et plus spécialement dans le Pain et le Vin qui, après la consécration, deviennent «Corps et sang du Christ ». Avons-nous conscience de l’immense chance que nous avons en célébrant l’Eucharistie qui est la présence même du Seigneur qui se donne à nous dans le pain rompu, consacré par le prêtre quand il célèbre la messe.
L’Eucharistie est la source et le sommet de la vie chrétienne, nous rappelle le Concile Vatican II. C’est la modalité par excellence où le Seigneur Jésus se donne à nous. Alors, comment est-il possible qu’il soit devenu difficile de participer massivement et avec foi à l’Eucharistie ? Souvent, j’entends des gens dire qu’ils ne viennent plus à la messe parce qu’ils trouvent nos messes ennuyeuses, parce que les assemblées ne sont pas toujours sympathiques et accueillantes, parce que les homélies des prêtres ne sont pas toujours brillantes et de grande qualité, parce que nos chants ne sont pas assez joyeux, parce que… Toutes ces raisons sont bonnes. Cependant, ces raisons oublient ce qu’est vraiment la messe : lieu où Jésus lui-même se donne, indépendamment des chants, de l’assemblée, de l’homélie du prêtre, de l’accueil des assemblées habituelles…. D’ailleurs, c’est parce que le Christ se donne dans la messe que nous devons la soigner, la préparer, la célébrer dans la foi… Nous devrions faire des efforts pour que nos chants, nos gestes, nos paroles, nos homélies, notre participation soient adéquats et correspondent à ce Dieu qui nous aime et qui se donne à nous dans la messe…
Cette fête est un rappel qui nous invite à l’essentiel, à redire la foi de l’Eglise : nous croyons en la présence réelle du Christ dans l’assemblée célébrant la messe, présence efficace qui transforme nos cœurs dans l’Eucharistie.
Au désert, le peuple Hébreu avait été nourri pendant sa fuite, avec la manne et les cailles tombées du Ciel. Les Hébreux étaient en train de mourir de famine dans le désert, loin des galettes égyptienne… À travers la manne tombée du ciel, le peuple Hébreu reconnu Dieu qui prend soin de lui en le nourrissant et en l’abreuvant dans le désert. Oui, nous avons aussi besoin de nous nourrir et de nous abreuver pour avancer, pour grandir, être fécond, donner du fruit, pour avoir des forces dans la vie chrétienne. Oui, un chrétien qui ne se nourrit pas du repas eucharistique donné au moins chaque dimanche, est un chrétien qui s’expose à mourir (si sa foi n’est pas déjà morte dans son âme).
Je vois tellement de gens qui viennent me demander le mariage, le baptême, ou un autre service à l’Eglise et qui disent : « j’ai la foi, mais je n’ai pas besoin, je ne sens pas le besoin d’aller à la messe !». Il m’est arrivé de leur donner alors une explication, un peu dure, je le conçois, en faisant un parallèle avec la maladie de l’anorexie : la personne malade d’anorexie ne sent pas le besoin de manger, elle a perdu toute envie de manger… Son corps privé de nourriture dépérit petit à petit, à petit feu… Il suffit alors de manger un peu pour avoir encore force et vigueur. De même, sans s’en rendre, beaucoup de chrétiens sont devenus des anorexiques dans leur vie de foi parce qu’ils n’ont plus envie, ne ressentent pas le besoin de participer à l’Eucharistie. Ils se privent ainsi de cette nourriture dont nous avons besoin pour grandir dans notre relation avec Dieu, et avec les autres membres du Corps du Christ. Nous avons besoin de cette nourriture pour avancer sur la route de notre vie et vous savez tous combien il est parfois difficile d’avancer et d’affronter certaines épreuves de la vie si nous n’avons pas cette force que Dieu seul peut nous donner.
Saint Paul, dans la deuxième lecture, s’adresse à cette communauté chrétienne de la ville de Corinthe. Celle-ci est secouée par les divisions. Elle est composée par ces gens aux personnalités fortes, de condition sociale et de caractère très différents… comme notre communauté paroissiale. Cette communauté chrétienne de Corinthe, après avoir rencontré le Seigneur a oublié l’essentiel et elle a un peu de mal à trouver des raisons suffisantes pour construire la communion et l’unité. Cela arrive aujourd’hui dans certaines communautés, groupes, services… où les membres sont divisés à cause leur caractère, leur responsabilité, les petites jalousies, querelles de pouvoir, les égos forts, les appartenances politiques… On se catégorise chrétien de gauche ou de droite, si pas aux extrêmes….entre ceux qui se disent ouverts, conservateurs, progressistes, conciliaires, enthousiastes, observants, traditionalistes… exactement comme au sein de notre communauté paroissiale.
Même les prêtres ne sont pas épargnés par ces divisions : il suffit de participer à un repas ou une réunion pastorale entre prêtres pour s’en rendre compte : parfois le ton monte ; des remarques sur le respect de la tradition, l’orthodoxie, la fidélité aux rubriques, aux plus petites annotations du Missel Romain… Ils sont parfois divisés par le fait de ne pas avoir la même sensibilité liturgique, des options pastorales différentes… Et c’est dans ce contexte que saint Paul nous rappelle cette intuition heureuse qui est l’essentiel de la vie chrétienne : « le pain de l’Eucharistie appelle et construit l’unité, invite à remettre le Christ au centre de la vie de la communauté chrétienne. Nous sommes chrétiens d’abord parce que le Christ nous a appelés, choisis. L’Eglise n’est pas un club de gens braves, parfaits et intelligents…mais une communauté de gens différents réunis autour du Christ, nourris par le même pain et abreuvés à la même coupe. Dans cette perspective, l’Eucharistie est un catalyseur d’unité et de communion, malgré nos différences.
Dans son discours après la multiplication des pains dans l’Evangile de Jean, Jésus parle explicitement de sa chair qu’il nous faut manger et de son sang qu’il nous faut boire. Ce discours incompréhensible préfigurant l’Eucharistie est le geste dans et par lequel il se donne encore à nous aujourd’hui. Ce don merveilleux passe par les mains d’un prêtre, indépendamment de ses qualités et défauts. Une communauté privée de prêtre aura du mal à vivre les sacrements, et surtout celui de l’Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne.
Tel est le sens de la fête du Corps et du Sang du Christ. La question n’est pas la langue, la formulation, le rite, la forme liturgique… mais la foi. C’est sûr qu’il serait mille fois mieux que nos assemblées soient plus accueillantes, plus joyeuses, que nos chants soient plus beaux, que nos églises soient plus accueillantes… Mais, ne nous faisons pas d’illusion ! Beaucoup de gens ne viennent pas à la messe parce qu’il leur manque l’essentiel : la foi en Jésus qui est présent et se donne lui-même dans le pain et le vin consacrés. Prions pour que les enfants qui font leur première communion au sein de notre communauté paroissiale se rendent compte, comme chacun de nous d’ailleurs, de l’Amour infini qui nous est donné à travers l’Eucharistie. Amen.