Mes chers frères et sœurs ! Ce mois de juillet est une invitation pour nous et pour l’Eglise entière, à prendre en main, la lecture de l’Evangile de Matthieu qui nous accompagnera pendant tout le temps ordinaire, jusqu’à la fin du mois de novembre avec la fête du Christ-Roi. Par cette lecture plus ou moins continue de cet Evangile, nous aurons la chance de connaître un peu plus ce Publicain devenu disciple de Jésus, à travers son expérience personnelle de l’appel que nous avons entendu vendredi, quand le Christ lui a dit «Suis–moi », et sa réponse prompte et directe : lui, l’homme convaincu de ses choix, l’homme riche, craint et respecté laisse tout pour suivre Jésus.
En préparant cette messe, en ce début d’été considéré comme un temps de vacances et de repos, je me suis rendu compte que cela ne sera pas un temps de repos et de vacances pour tout le monde. Certains Français ne partiront pas en vacances malheureusement, pour plusieurs raisons : financières, professionnelles, familiales….Ou en tout cas, ils en auront autrement et modestement ! Les médias nous le disent, mais il suffit d’écouter les gens autour de nous pour nous en rendre compte!
L’Eglise elle, en ces mois d’été, nous invite à ouvrir nos yeux et nos oreilles pour voir et entendre ceux qui ne vont pas partir en vacances et vont rester, parfois dans la solitude. Je pense aux personnes âgées tellement vulnérables en temps estival avec les pics de chaleur. Veillons sur les personnes âgées. Même si c’est l’été, notre solidarité ne peut partir en vacances ! Dieu ne se met jamais vacances ! Ne mettons pas notre foi en veille, en stand-by… pour la réveiller à la rentrée… Notre Seigneur veut rester avec nous et son amour nous accompagne même pendant nos vacances. Il apportera un peu de fraîcheur au cœur dans notre été qui risque d’être trop chaud pour nos corps. Profitons de ces vacances pour vivre un temps de retraite par exemple, pour faire quelques belles lectures spirituelles, lire la Parole de Dieu, en prenant l’évangile de Matthieu qui nous accompagnera pendant l’année A.
Le contexte de l’Évangile de ce dimanche est douloureux pour le Seigneur. Jésus expérimente le refus de la communauté de Capharnaüm. Il rencontre l’hostilité de certaines villes et écoles rabbiniques qui trouvent son enseignement très peu ou pas du tout orthodoxe. C’est comme ces paroissiens trop ou très peu catholiques qui quittent leur paroisses, font des dizaines de kilomètres parce qu’ils trouvent leur curé pas suffisamment catholique, trop de gauche ou trop de droite, conservateur ou alors trop révolutionnaire…. Nous pouvons imaginer un curé de paroisse qui voit, en fin d’année Pastorale, les fidèles bénévoles démissionner de leur mission de catéchistes, animateurs d’aumônerie, membres des équipes de baptême, mariage, funérailles… parce que les projets pastoraux du pasteur ne leur correspondent plus. Ce curé-là n’est pas moi, mais cela pourrait m’arriver un jour, et je prie le Seigneur de me donner d’être toujours dans la confiance pour créer du renouveau, au lieu de me lamenter du vide qui se ferait.
Jésus a vécu la même chose. Des disciples l’ont abandonné, déçus et croyant qu’il avait perdu la tête…. pour caricaturer, dans un langage actuel, on dirait que Jésus est un «loser», voit le vide se faire autour de lui : la grande foule a disparu. Pensez un peu aux ténors politiques qui ont vu leur parti se vider après les scores médiocres des récentes élections présidentielles et législatives… Pas pour les mêmes raisons, mais autour de Jésus, il se produit le même phénomène. Ces départs des foules ont permis une purification des cœurs pour que Jésus découvre qui sont vraiment ses vrais disciples, ceux sur qui il peut vraiment compter pour annoncer la Bonne Nouvelle. Il ne reste autour de lui que quelques gens simples, des gens méprisés, pas de grande culture et ni de haut niveau social. Bref, des pauvres gens et des païens, gens qu’on considère comme condamnés à la damnation parce qu’ils ne connaissent pas la Loi de Moïse, selon les dire du Grand Prêtre. Ces illettrés n’étaient pas à mesure de mémoriser et de connaître les six cents préceptes de la Loi orale nécessaire pour être sauvés! D’après l’orthodoxie rabbinique de l’époque, ces pauvres gens, publicains, pécheurs… étaient donc de facto condamnés et exclus du salut.
Jésus vient bousculer cette vision de l’hommes et du monde. Il veut purifier notre vision de Dieu. Pour Lui, les pauvres, les gens simples, les humbles… voilà ceux qui sont les destinataires du Royaume. Jésus l’avait déjà dit dans les Béatitudes «Heureux les pauvres car les Royaume des Cieux est à eux!». Le Royaume de Dieu n’est pas destiné aux Pharisiens d’hier et d’aujourd’hui, ces scribes bien-pensants qui se gonflent d’orgueil à cause de leur prétendue foi ou connaissance de Dieu, tous ces Docteurs de la Loi actuels si méprisants envers les autres….
Le Royaume que Jésus est venu inaugurer et que nous construisons ici et maintenant appartient aux humbles, aux pauvres et aux petits. Jésus exulte et exalte la logique du Père : « Je te bénis Père, car ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ». Dieu ne récompense pas les premiers de la classe, les meilleurs de la promo, mais les derniers, ceux qui n’ont rien, ceux qui ne s’attendent à rien, mais qui attendent tout de Dieu. Le monde récompense les riches, les plus intelligents et les savants : Nous en voyons les conséquences : la concurrence effrénée et les rivalités qui causent tellement de dégâts dans notre société. Dieu regarde les humbles et les pauvres… ceux qui ne comptent que sur son amour et sur sa grâce. Dans le Magnificat, Notre Mère Marie le chante.
C’est cette catégorie de perdants aux yeux du monde, ceux qui n’ont aucune science ni richesse… autre que le grand désir d’être comblés par l’Amour de Dieu. Jésus les met en lumière : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bonté. » Seuls les pauvres, les simples gens, les humbles peuvent comprendre les projets et les secrets insondables de Dieu. L’Evangile rappelle de manière massive et abondante les destinataires du Royaume : les pauvres, les malades, les veuves, les orphelins, les enfants, les prostituées, les exclus, les étrangers… Ils représentent tout homme qui accueille ceux que le Seigneur révèlent dans son Amour qui nous bousculent et nous déstabilisent.
Dans l’Evangile de ce jour, comme dans toute sa vie d’ailleurs, la réponse que Jésus réserve et donne à l’hostilité, au rejet, au refus, à la contradiction, à un moment très éprouvant de sa vie personnelle, ce n’est pas une polémique, un procès judiciaire devant témoins et avocat…sa réponse est une belle prière d’action de grâce, de louange et de gloire adressée au Père. Même refusé, méprisé, Jésus rend grâce à son Père «Pour toute chose et en toute circonstance, rendons grâce à Dieu ». Jésus loue son Père pour l’échec qu’il a subi auprès des sages et des savants et pour le chemin qui s’ouvre dans le cœur des pauvres ! Il ne s’agit pas d’antipathie envers les riches et les orgueilleux, mais il sait bien que cet échec ouvre le salut à toute l’humanité qui est le dessein profond du Père.
Mes chers frères et sœurs, essayons nous aussi d’entrer dans cette prière de louange et de glorification du Père par et avec Jésus ! Abandonnons-nous au Père en toute confiance. Laissons-Le habiter nos vies, même dans ces échecs que nous avons peut-être vécus pendant cette année, au niveau pastoral, personnel, familial, ecclésial… Nous deviendrons ainsi vraiment petits et humbles… et donc vraiment les destinataires du Royaume de Dieu, ce Royaume donné gratuitement aux petits et aux humbles qui le désirent. Que ces vacances nous aident à grandir dans la confiance en Dieu, en devenant tout-petits devant Lui, pleins de confiance, comme un petit enfant, un bébé blotti contre sa mère. Amen.