Homélie du XIXè dimanche du temps ordinaire – Année A

2018-01-28T20:13:01+01:0015 août 2017|

Mes chers frères et sœurs. La situation actuelle du monde nous fait peur. Abasourdis par ce qui se passe dans le monde, nous pleurons les morts, nous assistons impuissants et résignés à des massacres, des attentats terroristes, des morts dans la Méditerranée. Daesh ou EI ( État Islamique) sème la terreur partout dans le monde, à la suite d’Al-Qaïda. La tension est grandissante entre les puissances mondiales : Russes, Chinois et Américains vivent dans une méfiance grandissante ! L’escalade de la violence verbale entre le président Américain Donald Trump et le Dictateur Nord-Coréen Kim Jong-un, chacun voulant montrer qu’il est plus fort que l’autre. Des dictateurs en Afrique veulent rester plus longtemps au pouvoir en modifiant à leur gré la Constitution qui limite leurs mandats, et massacrent les civils innocents… A tout cela s’ajoute l’actualité parfois très éprouvante de notre vie personnelle, familiale, relationnelle, ecclésiale… Tout cela constitue ces tempêtes qui nous font terriblement peur et qui nous font crier, comme les disciples dans cette barque secouée par la mer agitée « C’est un fantôme ! » Telle est l’actualité de la Parole de Dieu de ce XIXè dimanche ordinaire.

La première lecture nous situe neuf siècles avant Jésus Christ. Le prophète Elie découvre avec amertume que le peuple d’Israël, sans discernement, suit chaque mode qui se présentait à lui. Après la conquête de Samarie, le roi Akab épouse Jézabel, une princesse étrangère et païenne qui apporte avec elle dans le royaume de Samarie le culte païen de Baal. Cette nouvelle mode religieuse ne déplaît pas au peuple qui trouve cette religion païenne moins ennuyeuse que la religion traditionnelle qui appelle à adorer un seul Dieu. Cela est comparable, de nos jours, à tous ces prétextes qui sont bons pour quitter l’Eglise, abandonner le Christ pour se tourner vers Allah, Bouddha, Krisna, Tom Cruise ou Wall Street… dans un mélange de religions sans identité où chacun prend ce qui lui convient dans le christianisme, dans l’islam, le bouddhisme, un peu d’horoscope, une boule de cristal, un peu de marabout, des magnétiseurs… dans un vrai nomadisme spirituel, une prostitution religieuse, qui nous fait changer de religion comme on change les couches d’un bébé. On se fait ainsi une religion à notre propre sauce ! Alors, on vadrouille religieusement et on se prostitue spirituellement…

Devant cette prostitution spirituelle et religieuse, le prophète Elie est rempli de zèle pour Yahvé, Dieu Vivant et Vrai, le Dieu d’Israël. Mais il est bien tout seul. Il n’a personne avec lui pour défendre la vraie foi. Il est entouré, comme aujourd’hui dans notre société, par beaucoup de gens qui ne se préoccupent plus tellement de la Vérité, mais qui suivent les émotions et modes du temps en se construisant une foi et une religion sur mesure, totalement subjective. C’est dans ce contexte qu’il met au défi les prêtres de Baal sur le mont Carmel pour montrer au peuple que Yahvé est l’Unique. Il fait descendre du ciel un feu qui consume un sacrifice, une chose que n’ont pas réussi à réaliser les 400 prêtres de Baal. Pour lui, comme pour le peuple, le Dieu d’Israël est le puissant et le fort. La foule chante Hosanna et acclame le Dieu d’Elie. Malheureusement, le prophète Elie fait tuer les 400 prêtres de Baal, et nous assistons à un bain de sang qui rend la reine Jézabel furieuse au point qu’elle veut faire tuer Elie pour venger ses prêtres païens.

C’est dans ce contexte que nous trouvons Elie dans la première lecture. Il a pris peur et voudrait mourir au désert. Il se rend compte que sa victoire contre les prêtres du Baal est une victoire illusoire, car elle s’est faite dans un bain de sang qui n’a fait qu’empirer les choses. Non, cher prophète Elie d’hier et d’aujourd’hui, notre Dieu n’est pas dans la violence et n’aime pas la violence. Que tous ceux qui tuent ou utilisent la violence au nom de Dieu le comprennent bien : le Seigneur déteste la violence. Yahvé hait l’ami de la haine et de la violence. Elie comprend maintenant sur le mont Horeb, montagne de l’Alliance que Dieu n’est pas dans la violence, ni dans les grands phénomènes naturels, les ouragans, les tremblements de terre ! Aujourd’hui, avec Elie, redécouvrons un Dieu qui se manifeste à nous dans l’intime de nous-mêmes, à travers un souffle, une brise légère. Il n’y a que dans le silence de notre cœur que nous pouvons vraiment l’écouter et le découvrir, loin des brouhahas, des agitations et des bruits. Telle est la première leçon de la liturgie de la Parole d’aujourd’hui.

Le deuxième message d’aujourd’hui nous parle de notre vie de foi. Nous sommes tous chrétiens parce qu’un jour nous avons rencontré le Seigneur sur notre chemin. Mais, la foi n’est pas toujours une marche paisible libérée des doutes. Même les grands saints ont fait cette expérience de l’absence de Dieu, des nuits obscures, à un certain moment de leur vie. Après avoir vécu le baptême, l’eucharistie, la confirmation à l’âge adulte à travers un beau chemin catéchuménal… beaucoup de personnes traversent un passage à vide car le Malin veut attaquer leur foi. Il nous suffit de côtoyer les néophytes pour nous en rendre compte ! Tout d’un coup disparaissent les belles émotions spirituelles. On perd le goût de la prière, de la messe, de la lecture de la Parole de Dieu. La foi enthousiaste disparaît pour laisser place à la sécheresse… On était convaincu d’avoir Dieu dans notre cœur et tout d’un coup, il devient comme lointain ! Nous ne doutons pas de son existence mais le Malin nous fait comprendre que Dieu est loin de nous, qu’Il ne se soucie pas de notre petite vie personnelle! Spirituellement, tout devient fatiguant, inutile et douloureux, les doutes grandissent dans notre cœur. Nous pensons que nous nous sommes trompés de Dieu !

N’ayons pas peur de nos doutes ! Une foi évidente, sans l’ombre d’un doute, bien assise confortablement dans une fauteuil est inutile car elle ne change pas notre cœur et nous empêche de grandir spirituellement. Le doute nous pousse à la recherche, la compréhension, à la quête de sens, de l’essentiel, à l’abandon dans la confiance. L’épisode décrit dans l’Evangile de ce XIXè dimanche est plus théologique qu’historique. Cette barque est agitée et battue par les vagues des vents contraires. Cela veut dire que la barque était mise à l’épreuve, testée dans sa solidité. Il en est ainsi de notre vie de foi. Les épreuves nous font peur, mais elles nous aident à comprendre si notre foi est robuste, affermie, fondée sur le Seigneur, notre Rocher imprenable, ou alors nous rappellent que notre foi est construite sur du sable.

Quand dans notre vie, les vagues nous submergent, quand tout, autour de nous, dit que nous avons échoué, il y a un Ami qui marche à nos côté ! Jésus marche sur notre mer agitée par la tempête et nous dit « Confiance, c’est moi, n’ayez plus peur ! » Pour le peuple d’Israël, la mer symbolisait le danger et la mort, un vrai cauchemar. En marchant sur les eaux agitées, Jésus nous montre qu’il peut aussi vaincre les tempêtes de notre vie ! Même les plus horribles de nos cauchemars, ceux qui nous angoissent et nous empêchent de vivre, de dormir, d’être dans la joie véritable, Jésus peut les apaiser. La maladie, la mort d’un être cher, l’abandon, la solitude, le chômage, la maladie… Jésus peut nous aider à dépasser tout cela et nous invite à lui faire confiance ! Dimanche dernier saint Paul nous rappelait d’ailleurs : « J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur ». Faisons-lui confiance. Il ne nous abandonne jamais.

Pierre veut lui aussi marcher sur les eaux, à la rencontre du Seigneur ! Comme nous, Pierre veut vaincre son cauchemar et les difficultés de la vie. Il prend son courage en main, fait le premier pas, mais il perd confiance, prend peur et s’enfonce dans cette mer agitée. Le courage ne suffit pas pour vaincre les tempêtes violentes de nos doutes. Pierre doit encore grandir dans la foi. Il ne se jettera plus de la barque pour marcher sur les eaux, en quête d’une foi héroïque, démonstrative et exaltante mais il devra s’asseoir dans la barque, ramer lui aussi, avec Jésus, pour porter ses frères sur l’autre rive de la mer.

Dans le doute de la foi, les tempêtes de la vie, le chrétien, disciple du Christ est appelé, comme le prophète Elie, à écouter, dans le silence de son cœur le murmure de Dieu qui nous appelle à la confiance, qui nous parle dans le silence; ce silence étant l’océan infinie de sa présence. Demandons la grâce de la confiance, du silence et le refus de toute forme de violence. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial