Mes chers frères et sœurs ! Nous vivons dans un monde où tout le monde veut parler. Ceux qui parlent le plus fort pensent qu’ils ont toujours raison. Pensez aux manifestations et réclamations… Même dans l’Église, partout et à tous les niveaux, beaucoup de monde veut faire entendre sa voix, pour réclamer ses droits, critiquer, militer pour le changement d’orientations, la discipline ecclésiale, la modernisation de l’Église… Dans nos familles, le climat est plus ou moins le même. Il y en a qui « gueulent » plus que d’autres. Et ceux-là font peur ! On ne peut rien leur dire. Tout le monde doit se taire quand ils parlent. Vous verrez avec les réunions de famille en cette période d’été et de vacances : il y en aura parmi vous qui parleront sans arrêt. Dans ma culture, ces gens qui parlent tout le temps et qui n’écoutent jamais, on les appelle les perroquets, les gens qui ont la diarrhée verbale, la logorrhée comme on dit.
Mais attention ! Avant de chercher chez les autres, essayons de voir si cela ne nous concerne pas d’abord personnellement et directement. N’allons pas chercher de défauts chez les autres. Trouvons-les d’abord en nous car nous tous, chacun à notre niveau, nous sommes tous des perroquets, nous souffrons de diarrhée verbale ou de logorrhée. Parfois même, nos paroles sont vides, des consonnes et des voyelles, des mots, nous parlons parfois sans rien dire. Pire encore, nos paroles sont parfois du venin que nous répandons, des paroles qui font mal aux autres, qui causent des désastres et des catastrophes… que nous regrettons après… et encore si nous n’avons pas une conscience large qui nous trouve des excuses pour nos défauts et nos fautes. Dans cette culture de la parole, très peu de gens veulent vraiment écouter. Pourtant, si nous écoutions en vérité un peu plus les autres, et parlions moins, nous aurions moins de problème de communication et le monde irait certainement mieux.
Nous pouvons transposer tout ceci dans notre vie spirituelle, dans notre vie de foi. L’Église d’hier, et plus encore celle d’aujourd’hui est remplie par des chrétiens qui parlent beaucoup à Dieu, sans arrêt, mais qui ne l’écoute jamais ! Nous verbalisons tellement nos prières ! Ne disons-nous pas que nous « récitons nos prières ». Ce qui est une bonne chose. Nous récitons le bréviaire, le chapelet, nous pouvons lire et réciter des prières déjà prêtes depuis des générations… Du coup, nous disons ces prières machinalement à une vitesse vertigineuse, par exemple un chapelet qui est récité à la va-vite, en 10 minutes nous parcourons tous les mystères joyeux, lumineux, douloureux et glorieux, simplement parce que nous sommes dans une posture d’un devoir à accomplir, et non plus dans une dialogue qui implique écoute, intériorité et expression verbale.
L’Église souffre d’un déficit de chrétiens en quête d’intériorité, qui prient et aiment prier dans le silence, qui écoutent d’abord ce que Dieu veut leur dire. Écouter la Parole de Dieu avant de lui parler à notre tour, telle est la grande leçon de la Parole de Dieu de ce jour. « Ainsi parle le Seigneur : La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission » Voilà la grande leçon d’Isaïe aujourd’hui.
Le prophète Isaïe nous dit que la Parole de Dieu est toujours efficace et qu’elle produit des fruits mais à une seule condition : se laisser toucher par elle. C’est comme la pluie qui féconde la terre à la seule condition que ce ne soit pas des cailloux ou de la pierre. La Parole de Dieu veut produire des fruits de bonté et de sainteté dans nos vies. Tel est aussi le sens de la Parabole du Semeur. La Parole de Dieu produit toujours des fruits dans notre vie si cette Parole touche notre cœur, nos tripes, (et notre intelligence, mais seulement après). C’est le cœur, siège de la vie et des sentiments qui, une fois touché par la Parole de Dieu, lui permet d’avoir un impact existentiel, nous donnant la joie, l’espérance, le courage, l’amour, le désir de rebondir après les échecs…
Même si les choses ne sont pas toujours faciles pour nous, et que nous devons sans cesse surmonter des épreuves dans notre vie, le baptisé, nourri de la Parole de Dieu est appelé à témoigner de l’Espérance chrétienne… Écouter la Parole de Dieu nous invite à la mettre en pratique. Dans l’Évangile, Jésus nous dit bien que ceux qui écoutent sa Parole sans la mettre en pratique sont comme un homme qui construit sur du sable et dont la maison s’écroule, alors que celui qui écoute la Parole de Dieu et qui la met en pratique est comme un homme prévoyant qui construit sa maison sur du solide, sur un roc inébranlable qui la fait tenir même au milieu des vents et tempêtes que sont les douleurs, les épreuves, voire même les joies du monde… qui nous distraient et étouffent cette Parole de Dieu.
Je voudrais aussi que nous contemplions Jésus dans cette Parabole. C’est lui-même qui l’enseigne, mais il parle aussi de Lui. Jésus est la Parole, le Verbe de Dieu. Cependant, quand il parle de cette Parabole du Semeur dans l’Évangile de Matthieu, il traverse un moment difficile dans sa mission. Il a la triste impression que ses paroles n’ont plus d’impact dans la vie des gens. Il semble vivre un échec dans sa prédication : les gens sont préoccupés par autre chose que le Royaume du Père qu’il est venu annoncer. Le centre d’intérêt des gens est ailleurs, comme dans notre société actuelle mais Jésus ne se décourage pas. Il parle, il enseigne, il sème… et ne se préoccupe pas des résultats immédiats…
Il en va de même dans notre vie de foi. Aujourd’hui encore, je rencontre des prêtres, des catéchistes, préparateurs au mariage ou au baptême, des chrétiens engagés dans les services… qui, devant le manque de foi des gens que nous rencontrons, se demandent à quoi sert vraiment leur mission ; parce que les enfants du catéchismes ne viennent pas forcément en masse à la messe, les fiancés disparaissent après leur mariage, pour réapparaître après la naissance du premier enfant pour son baptême, et pour ensuite disparaître, en attendant le deuxième enfant… quand ils y sont ouverts. D’où le découragement des prêtres et des laïcs engagés dans l’Église !
Parfois ce découragement résulte de l’orgueil qui nous guette et qui habite en chacun de nous. Nous pensons que tout dépend de nous alors que nous ne sommes pas les maîtres de la moisson. Nous semons et c’est Dieu qui est maître de la semence. C’est Dieu qui sème par nous. Tout le reste ne dépend pas de nous. Il dépend de Dieu et de certaines conditions psychologiques, sociales, matérielles, les distractions, les angoisses, les ronces, les cailloux, les mauvaises herbes… dans notre vie et dans celle des gens que nous préparons.
Nous rencontrons dans notre mission des terrains durs, parfois même très durs. De vrais cailloux où il nous semble que rien ne pourra jamais pousser. Tout cela nous dépasse et nous ne pourrons jamais avoir un contrôle sur ces aspects de la vie des gens. Mais il nous faut quand même semer… dans la confiance et dans l’espérance. Seulement la confiance, la patience et l’espérance nous permettent de voir quelques fruits dans la vie des gens… Heureusement qu’on en voit quelques-uns qui rentrent, qui cheminent…
Que le Seigneur nous aide à voir les fruits du Royaume qui sont dans nos vies, dans l’Église, dans ce monde qui semble parfois aller à sa perte. Ouvrons les yeux pour voir les signes et les fruits de la Parole et du Royaume déjà présent, mais pas encore pleinement accompli.