Mes chers frères et sœurs ! Nous allons tous dans des commerces pour acheter à manger. Cependant, avouons que nous avons perdu complètement la garantie que les produits alimentaires que nous mangeons sont vraiment tels que nous les connaissions il y a encore 20 ans. Nous achetons des fruits et légumes, comme on nous conseille d’en manger 5 par jour, mais il n’est pas certain que ces légumes de chez Picard, Super U, Intermarché ou même du petit marché du village soient vraiment chimiquement neutres, comme il y a quelques années. Une orange n’est plus simplement une orange… Nous consommons des aliments surgelés dans lesquels, pour des raisons de conservation, il y a des additifs ; des colorants sont ajoutés à nos jus de fruits ou boissons. Il n’y a qu’à lire l’étiquette pour s’en rendre compte : nos jus, boissons, soupes, légumes sont de plus de plus sophistiqués pour qu’ils soient beaux, présentables, mais pas forcément bons, ou alors bons au goût mais pas forcément bons pour la santé. Nos agriculteurs peuvent nous vendre un produit « bio », mais pour sa conservation, il faut des additifs de toute sorte… si bien que ces produits sont très transformés en arrivant dans notre assiette.
Souvent nous ne savons même pas ce que nous mangeons exactement à table. Dans certaines villes, même l’eau avec laquelle nous arrosons les plantes de notre jardin potager contient des substances et minéraux provenant de déchets chimiques…. Pour avoir un réel produit bio, qui ne soit pas simplement un label sur une étiquette, il nous faut parfois aller loin, dans une réserve naturelle, au fin fond du monde… si le géant Monsanto ou autre gros industriel n’y est pas encore arrivé, ou qui n’est pas encore pollué par l’activité humaine. La nature a changé ! Notre terre n’est plus celle que Dieu nous a confiée, à l’exception de quelques zones protégées… que nous rencontrons seulement dans certaines revues spécialisées et sur les écrans de télévision.
Il suffit de demander à ceux qui font de l’agriculture pour nous en rendre compte. L’organisme humain se modifie progressivement pour s’adapter à cet écosystème et cette alimentation dans lesquels un individu du 19è siècle ne pourrait plus survivre aujourd’hui… La nature primitive était pure et non polluée, mais aujourd’hui l’être humain cherche à la manipuler pour gagner plus. Cela a des conséquences nuisibles sur notre santé, et cela de manière irréversible. Et pourtant, dans le livre de la Genèse, quand Dieu crée la nature et toute chose, il dit lui-même que cela était bon ! Mais tout n’est plus bon dans ce qu’on appelle naturel aujourd’hui… Bien et mal se mêlent dans la nature aujourd’hui, dans les aliments, les boissons… dans un mélange où même le plus grand des chimistes ne saurait détecter la part du bien et celle du mal. C’est comme dans le cœur humain où se mêlent le bon grain et l’ivraie…
Le livre de la Sagesse nous parle de cette grandeur de Dieu qui se révèle à travers l’harmonie de ses créatures (harmonie que nous détruisons souvent). Ses créatures sont harmonieusement prédisposées les unes en fonction des autres. Même si l’activité humaine tend toujours à détruire le monde et la vie, Dieu se révèle toujours comme l’Intelligence ordinatrice, la Perfection qui vient au secours de nos imperfections. La transcendance de Dieu coïncide avec sa miséricorde et la vocation à la vie. Dieu est le Tout-puissant, comme nous le répétons souvent, mais sa toute-puissance est tellement grande qu’elle ne l’empêche pas d’utiliser sa bonté et sa patience envers les pécheurs que nous sommes. Dieu montre chaque jour sa patience et sa bonté même envers le mal qui pervertit notre monde. Le chapitre du livre de la Sagesse que nous avons écouté s’insère dans un contexte plus large. Dieu a puni les Cananéens pour leurs péchés, leur idolâtrie… comme il avait puni les Égyptiens pour leur haine envers les fils d’Israël. Mais en tout ceci, il y a une pédagogie divine : Dieu n’intervient pas par décrets destructeurs… Même quand il semble punir, Dieu utilise toujours sa miséricorde parce qu’au lieu de détruire le pécheur, il cherche toujours à l’appeler à la conversion et à la vie. Le Seigneur ne cherche jamais à détruire. Son objectif premier est de faire vivre, de sauver, de convertir, d’enlever l’ivraie, avec patience, et laisser pousser le bon grain… parfois aux dépens de certains prophètes comme Jonas qui ont été choqué de voir Dieu sauver les habitants de Ninive après leur conversion.
Dieu veut certainement rendre justice, mais il ne cherche jamais à se venger. Il a tellement horreur du mal qu’il cherche surtout à détruire le mal du cœur de l’homme au lieu de détruire sa vie. Au lieu d’exterminer en le détruisant, Dieu préfère user de sa patience et de sa miséricorde afin que le monde se convertisse à son amour pour correspondre à la vie plutôt qu’à la mort. Ce n’est pas que Dieu approuve le mal, la haine, la méchanceté, la violence, la guerre. Il ne s’amuse pas à faire souffrir les innocents, à voir mourir les pauvres et les malheureux comme disent certains pour justifier leur refus de croire en Dieu. D’ailleurs notre souffrance fait souffrir Dieu car Il n’est pas impassible ! Il souffre avec nous du mal que nous nous infligeons parfois librement ou que nous subissons sans le vouloir.
En préparant cette homélie, j’ai pensé à toutes ces personnes qui accusent Dieu de tous les maux et calamités qui frappent l’humanité. Nous l’accusons d’être le responsable de la mort d’innocents dans nos guerres, de tous ces enfants mourant de faim dans le monde, des victimes du terrorisme et de maladies graves… Nous nous plaignons de toutes ces ivraies globales et énormes qu’on nous énumère chaque jour à la télévision comme une litanie de malheurs, mais nous refusons de voir comment notre petite ivraie personnelle, familiale, au bureau, au sein de la communauté est aussi dangereuse et grave en faisant beaucoup de mal et de dégâts. Nos insinuations, médisances, critiques méchantes, nos langues de vipères, nos injures, nos refus d’accueillir ceux qui ne nous ressemblent pas, nos tensions et conflits, dans les familles, nos préjugés et jugements a priori sur les autres… tout cela s’appelle l’ivraie contre laquelle nous devons lutter, patiemment, mais résolument, dans un travail permanent de conversion pour que grandisse le bon grain en nous.
Si nous voulons que le mal disparaisse dans le monde, si nous voulons que disparaisse l’ivraie, commençons d’abord par enlever celle qui se trouve dans notre propre cœur, car Dieu cherche notre conversion. Il est patient ! Il ne changera pas le monde si chaque être humain ne change pas son cœur. Dieu connaît nos faiblesses et nous accorde son pardon. Cependant, croire en la miséricorde de Dieu ne doit en aucun cas constituer un alibi pour persévérer dans le péché et dans le mal. Refuser de changer, persévérer dans le mal nous conduit forcément à la mort ! Nous ne pouvons pas abuser de la miséricorde de Dieu en refusant de nous convertir. C’est le cas de certains chrétiens qui vont se confesser de manière routinière, avec leur petite liste de petits et grands péchés sans que cela provoque un réel engagement de conversion : une confession authentique fait naître un désir et un engagement à changer de vie, à grandir dans l’amour en tuant le péché, cette ivraie qui grandit dans notre cœur et étouffe le bien que Dieu a semé et fait grandir dans notre âme… Bon grain et ivraie se mêlent dans notre vie et dans le monde, comme le bien et le mal se mêlent dans ce que nous mangeons sans arriver à tout démêler. Mais un jour, viendra le jugement de Dieu ! C’est cela que Jésus dit dans cette parabole… Jésus sème le bon grain mais le Malin agit dans la vie des personnes qui font le mal dans les familles, les communautés. Demandons la grâce d’y voir clairement pour reconnaître l’ivraie de notre cœur… afin de la combattre, patiemment, sans abîmer le bon grain qui est en chacun de nous, et qui est appelé à grandir et à donner beaucoup de fruits.