Homélie du XVIIIè dimanche du temps ordinaire, Transfiguration du Seigneur – Année A

2018-01-28T20:13:01+01:0011 août 2017|

Mes chers frères et sœurs ! Notre monde nous donne parfois l’impression d’être horrible ! Nous avons parfois l’impression que nos vies sont vides, sans saveur et parfois décourageantes. Nous vivons dans un monde occidental qui semble en perte de sens, en perte de mesure par cette démesure qui fait qu’un joueur de foot peut s’acheter à plus de 220 millions d’euros ; un monde qui perd la mémoire de son devenir, qui se laisse envahir par n’importe quelle mode, qui vit une idée de la beauté décidée par d’autres à travers une griffe, marque, style, trend… Notre vie ressemble parfois à une course vertigineuse dans laquelle nous sommes sans cesse à la recherche d’un compliment, d’un peu d’attention, d’une critique positive qui mette en lumière notre existence dans cet espace encombré ; cette planète qui chauffe comme en témoigne le changement climatique. Nous sommes prêts à nous couper en quatre pour plaire, à nous imposer des efforts démesurés, une hygiène de vie et des régimes alimentaires draconiens pour avoir un like sur les réseaux sociaux, sur notre profil social. Notre société confond facilement luxe et beauté, applaudissement et gratitude, excès et harmonie. Nous pensons que ce que le monde qualifie de beau est forcément grand et bon ! Nous nous contentons de ce qui plaît, de la pensée commune pour être dans le moule, être comme tout le monde…

C’est au milieu de tout cela, au cœur de cet été caniculaire que Dieu nous fait un grand cadeau, en faisant correspondre ce XVIIIè dimanche du temps ordinaire avec la solennité de la Transfiguration du Seigneur ; ce 6 août est aussi une date particulière, rappelant quelques souvenirs de l’Histoire ! La bombe atomique avait explosé sur Hiroshima le 6 août 1945, une date horrible pour l’humanité ! C’est aussi un 6 août 1978 que mourut le pape Paul VI, ce passionné de Dieu et de son Église qui nous a conduit et a laissé à l’Église le Concile Vatican II, cette boussole qui conduit l’Église de Dieu aujourd’hui encore… Alors, demandons la grâce que cette date soit pour chacun de nous le moment d’un nouveau départ pour accueillir avec joie ce cadeau que Dieu nous fait, pour que notre vie soit aussi transfigurée par sa présence.

Dans l’évangile de la Transfiguration que nous venons d’écouter, et que nous écoutons aussi au cœur du carême, le IIè dimanche de Carême, Jésus emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean. On dirait que c’est son petit conseil, sa « Dream Team ! »  Ils suscitent parfois la jalousie des autres apôtres qui les considèrent comme des privilégiés qui fayotent parfois. Ce sont les mêmes qui seront avec lui lors de son Agonie, au Jardin des Oliviers, à la veille de sa mort. Ils montent ensemble sur une montagne : « Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne ». En réalité, ils ne montent pas sur une haute montagne, mais sur une petite colline ! Ceux qui connaissent la Terre sainte pourraient bien nous le dire. Mais vous savez, l’amour nous rend tous un peu Marseillais en nous faisant voir les choses en grand, comme cette colline qui devient une « haute montagne » pour saint Matthieu…

Oui, l’amour peut rendre toute chose immense et merveilleuse. Pensez à toutes ces paraboles du royaume qui nous ont accompagnés ces derniers temps, comme la graine de moutarde, le levain dans la pâte, la graine de Sénevé, la perle précieuse, le trésor caché… Elles nous rappellent comment des petites choses peuvent transformer le monde, produire des réalités extraordinaires… pensez à tous ces hommes et femmes qui ont eu des petits rêves d’amour pour l’humanité, pour l’Église… à tel point que cette petite chose, ce petit rêve transforme le monde au niveau de la religion, de la science, de la solidarité, de sainteté…

Sur cette colline, devenue désormais une haute montagne pour Matthieu, Jésus est transfiguré devant ses apôtres. Il leur révèle sa nature profonde et son identité. Il n’enlève pas ses vêtements, comme un footballeur, Neymar, Messi, Ronaldo… qui vient de marquer un but extraordinaire, ou alors un athlète comme le Jamaïcain Usain Bolt, médaillé d’or, se frappant la poitrine et montrant ses muscles pour signifier qu’il est un superman, trop fort ! C’est le regard du disciple qui change car aimer et croire change notre manière de regarder Dieu et les autres. Un parent aimant trouve forcément son bébé le plus beau des enfants. Un amoureux trouve forcément sa bien-aimée la plus belle des femmes, malgré tous les défauts physiques qu’elle peut porter ! Pensez à votre passion sportive! Vous êtes capable de tout donner, de suer, de vous fatiguer pour la pratiquer et faire des progrès. Quand nous réussissons à marier le cœur et la raison, nous cueillons la beauté profonde d’un paysage lors d’une promenade. Cela fait converger notre regard et notre raison en communion avec notre cœur. C’est cela qu’on appelle le «regard intérieur» capable de voir la vérité profonde, l’harmonie, la plénitude d’un objet, d’un paysage, d’une personne en profondeur.

Nous pouvons être avec Jésus toute notre vie, le fréquenter à la messe tous les dimanches, dire que nous croyons en lui, le suivre chaque jour… mais aussi longtemps que notre regard intérieur ne sera pas séduit par la beauté profonde de cet Homme de Douleurs, sans éclat ni beauté apparente, méprisé et malmené en croix comme un mouton qu’on mène à l’abattoir, comme nous dit Isaïe du Serviteur souffrant, nous ne serons jamais transfigurés par sa présence.

Devant cette gloire et cette beauté de la Transfiguration, Pierre, le premier des apôtres est ému, car la beauté lui a rempli le cœur de bonheur. Pierre désire demeurer dans cet état de béatitude : « Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! » Mes chers frères et sœurs ! Nous avons un besoin urgent de retrouver le sens de la beauté de notre vie et de notre foi. La beauté est une force extraordinaire qui attire au Dieu Créateur de l’harmonie infinie et qui est la Source de toute beauté. « C’est la beauté qui sauvera le monde », avait dit le Cardinal Carlo Maria Martini. Nous n’avons pas d’explications théologiques à donner au monde pour expliquer pourquoi nous sommes croyants. Disons seulement et témoignons que « c’est beau de croire », « c’est beau d’aimer Dieu et de se laisser aimer par Lui ». Encore faut-il que notre vie soit vraiment rayonnante et belle ! Une foi belle dévoile en moi et dans les autres cette beauté intime qui lie chaque personne, chaque événement à la source de la beauté qu’est Dieu lui-même. Pensez combien de gens dans l’histoire de l’Église ont découvert Dieu à partir de la beauté : celle de la création, celle de la liturgie, d’un tableau, un vitrail, d’un icône, celle d’un chant liturgique… C’est cette beauté que nous découvrons dans le regard du Christ, beauté de son humanité, de sa profonde tendresse !

Oui, il est beau de croire, et comme le dit Pierre, il est beau que nous soyons là, d’être des disciples des Jésus. Ainsi, les trois apôtres, descendus du Tabor devront faire une autre montée, celle sur la colline du Golgotha. Et c’est là que leur foi sera purifiée. C’est seulement après avoir avoir fait l’expérience de la beauté, de la gloire de Dieu que nous pouvons affronter la douleur et les épreuves de la vie. Sans une implication émotionnelle, sans une beauté profonde, sans générosité ni enthousiasme, il est difficile d’être croyant et rester de vrais chrétiens dans notre société. Notre monde a besoin d’une harmonie belle, paisible et apaisante…Nous devons en être les artisans et les témoins dans l’Église et dans le monde. Dans le chaos de nos excès qui n’ont de beau que les apparences, notre monde peut apprendre de la foi chrétienne la beauté de la foi, de la prière, du silence, du geste d’amour envers nos frères et sœurs !

Certains disent qu’il est ennuyeux de croire ! C’est vrai que les témoins de la foi sont ternes et sans lumière … sans une foi vivante! L’évangile de la Transfiguration nous dit au contraire que la foi peut être merveilleuse et splendide. Demandons la grâce de l’émerveillement et de la beauté, celle de l’écoute, de l’intériorité qui nous élève, un peu plus haut, sur une colline, qui nous tire vers le haut, pour fixer notre regard sur le Christ transfiguré. Il est peut-être le moment que nous donnions un peu plus de temps à l’homme intérieur qui se cache en nous, à l’écoute, au silence, au souffle fragile du vent… pour entrer petit à petit dans la discrète et silencieuse présence de Dieu dans sa création, celle dans laquelle nous pouvons trouver son empreinte, son sourire silencieux.

Telle sera par exemple la finalité de l’école d’oraison que nous comptons mettre en place sur notre ensemble paroissial à la rentrée, pour que nous apprenions à découvrir la beauté de Dieu à travers cette rencontre silencieuse avec Lui en nous dans la prière, une prière intense, vraie, humble et ouverte au mystère de Dieu. Faisons aussi de nos eucharisties des lieux de beauté à travers le silence, le chant liturgique, la foi, les lieux de prières…. Dans un roman que je viens de lire « Et tu trouveras un trésor caché en toi » de Laurent Gounelle, une femme fait remarquer à son curé qui se plaint que son église est vide pendant les messe que beaucoup de chants pris aux messes sont vides spirituellement et ne favorisent pas la rencontre avec Dieu… Que le Seigneur nous donne la grâce de découvrir chaque jour la beauté de son Visage transfiguré, qui transfigure à son tour notre propre existence. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial