Mes chers frères et sœurs ! L’histoire de l’Église, commencée depuis plus de deux mille ans nous présente des milliers de visages de Dieu, des millions de représentations du Christ. Je me souviens de mon enfance au fin fond de l’Afrique, dans cette jeune Église et mes découvertes du visage du Christ dans les églises. Cela m’intriguait de voir ce Jésus très bel homme, un peu blond, les yeux bleus, représenté, tantôt en croix, tantôt bébé dans la crèche ou dans les bras de Marie, de Joseph, enseignant les foules, Bon Berger portant une brebis sur ses épaules… Plus tard, je l’ai découvert Pantocrator, tout en majesté, bénissant, ou encore le Jésus du Sacré Cœur ou de la Divine Miséricorde avec son cœur transpercé nous envoyant des rayons de lumière.
Au cours des études de théologie, en christologie, j’ai appris que le Christ devait prendre le visage de chaque culture, de chaque peuple pour se l’approprier, car en lui Dieu s’est vraiment incarné et prend le visage et la couleur de peau des hommes qu’Il est venu sauver ! Plus encore, chacun de nous, selon notre propre histoire et expérience spirituelle, nous nous construisons une certaine représentation du Christ.
Dans notre société même sécularisée donnant parfois l’impression de vouloir vivre sans Dieu, par mécanisme psychologique de refoulement, beaucoup continuent à parler et s’intéressent au Rabbi de Nazareth. Pour certains, il s’agit du Jésus dont ils ont entendu parler par leur première catéchiste à l’éveil à la Foi ou en CE2, CM, en aumônerie, dans l’Action Catholique ou dans la Pastorale Étudiante… Parfois nous entendons tous ces gens qui parlent de Jésus en nourrissant à son égard une méfiance certaine parce qu’ils l’associent à la religieuse très sévère et rigide du primaire, du collège ou du pensionnat, ou alors aux mauvais souvenirs de leur curé d’enfance qui prêchait un Jésus, certes bon, mais tellement sévère à tel point que sa justice de justicier a pris le dessus sur sa miséricorde infinie. Aujourd’hui, il serait peut-être bon que chacun de nous s’interroge sur sa propre représentation du Christ !
Dans tous les cas, réjouissons-nous qu’on parle encore de Jésus en dehors de nos églises. Oui, qu’on le veuille ou pas, la figure de Jésus intéresse encore nos contemporains. Il suffit de faire un petit tour en librairie pour se rendre compte du nombre impressionnant de livres qui parlent, pas toujours en bien, évidemment, de ce juif marginal qui s’appelle Jésus de Nazareth qui vécut il y a plus de deux mille ans. Des romans, des livres qui se veulent critiques, historiques, de morale… remplissent les rayons et suscitent parfois des débats, films, spectacles, conférences, discussions et réflexions sur Jésus de Nazareth, même sur les réseaux sociaux…
Qui était vraiment Jésus ? Tout le monde a une réponse ! Un grand prophète ? Un illuminé ? Un idéaliste ?… Un grand homme comme tant d’autres qui, à certaines époques de l’histoire, ont allumé l’espérance d’une humanité fragile et désenchantée ? Etait-il marié ou pas ? Était-il fils unique de Marie ou avait-il des frères et sœurs ? Quoiqu’il en soit et en dépit de toutes les caricatures et critiques qui blessent notre foi… réjouissons-nous que des hommes et des femmes, loin de l’Église, parlent de Jésus. Cela montre que cet Homme-Dieu représente un problème et pose question à l’Homme d’aujourd’hui.
J’aimerais tellement que nous aussi, chrétiens d’aujourd’hui qui nous disons attachés au Christ, prenions le temps de Le chercher et de Le connaître un peu plus en lui consacrant un peu plus de lectures spirituelles, d’études, pour comprendre son message, sa vie… sans donner trop de poids aux nombreuses visions partiales tellement à la mode, données par des spécialistes des médias qui prônent un christianisme sans attachement à la personne du Christ.
Quoiqu’il en soit, après le Jésus que nous rencontrons dans les livres, les dévotions, les films et documentaires, nous sommes forcément confrontés à cette question terrible qui s’adresse à chacun personnellement. Jésus la pose aujourd’hui en s’adressant aux disciples « Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui suis-je?», « Pour toi personnellement, qui suis-je?». Nous ne pouvons pas y répondre de manière hypocrite ou par la fuite. Cette question nous touche personnellement. Elle secoue nos certitudes et nous demande une réponse personnelle ! « Qui est Jésus pour moi ? » ; this is the question ; la question de toutes les questions qu’un chrétien doit se poser !
« Pour vous qui suis-je? » demande Jésus aux disciples. Cette question, nous permet de contempler, Simon, fils de Yonas prenant la parole et répondant au nom de tous ses frères : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu Vivant ». Pour nous aujourd’hui, avec un recul de 2000 ans, de nombreuses études de théologie, le catéchisme, l’affirmation de Pierre nous paraît évidente. Mais pour les disciples qui étaient autour de Jésus, ce Charpentier de Nazareth, il s’agit d’une affirmation déconcertante et inattendue. En disant que Jésus est le Christ, le Messie, Pierre fait un saut mortel. « Tu es le Messie que nous attendions en Israël ! » Il est déconcertant que les Juifs attendent toujours la venue du messie. La profession de foi de Pierre est belle et originale. En reconnaissant comme messie le Charpentier de Nazareth, Pierre fait un saut de qualité qui sera déterminant dans toute sa vie. Cette profession de foi change toute sa vie, car la foi vraie en Jésus change forcément notre vie. Pour Pierre, il y aura désormais un avant et un après la profession de foi de Césarée de Philippe.
« Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux ». Simon ne sait pas qu’il s’appelle Pierre. En reconnaissant que Jésus est le messie, Simon découvre son nouveau nom et son vrai visage. Il découvre une nouvelle dimension qui lui était inconnue, une mission qui fera de lui le garant de la solidité et de la vérité de la foi de ses frères.
Jésus édifie l’Église sur la foi de Pierre, mais cette façon de faire de Dieu nous étonne. Comment peut-il fonder son Église sur une pierre aussi fragile, sur un homme comme Pierre, de peu de culture, capable d’élans instinctifs, comme quand il dit « je ne t’abandonnerai pas, et s’il le faut, je mourrai avec toi », mais aussi de graves et grandes déceptions ? Comment peut-il être la pierre qui fonde la foi de l’Église du Christ et la protéger contre toutes les tempêtes alors que cet homme est en mesure de renier le Christ, de dire par trois fois qu’il ne le connaît pas, au moment crucial de sa vie ?
Et pourtant, plus de deux mille ans sont passés, et cette Église est là. Elle a traversé vagues et tempêtes dans l’histoire… a été secouée, mais elle est encore debout ! Si elle a tenu pendant les siècles avec Pierre et ses différents successeurs, les meilleurs comme les pires, les saints comme ceux à la moralité décevante….si l’Église tient malgré la fragilité humaine de ses pasteurs et de ses enfants, les chrétiens que nous sommes, cela montre bien que l’Église n’est fondée sur rien d’autre que le Christ lui-même qui l’a voulue, l’a fondée, et continue à la soutenir en soutenant ses pasteurs malgré leur fragilité. Aujourd’hui, nous pouvons prier pour nos pasteurs, en particulier le pape François et les évêques. Est-ce que nous aimons nos pasteurs, est-ce que nous prions pour eux, ou nous attendons qu’ils se plantent pour les critiquer ?
Avec cette profession de Foi de Césarée de Philippe, la foi de Pierre est prête désormais ! Il pourra désormais assurer la foi de l’Église. Il a en main les clefs. Mais si Jésus lui a donné les clefs du Royaume, ce n’est pas pour fermer et blinder le Royaume. Pierre a reçu les clefs du Royaume pour l’ouvrir largement, grandement et permettre à une multitude d’hommes de se mettre en chemin, pour y entrer librement.
« Qui est Jésus pour moi?», c’est la question que nous devons nous poser aujourd’hui. Qui est-il vraiment pour nous? La place, la confiance, le temps, les services… que nous lui accordons dans notre vie nous aidera à comprendre qui Il est vraiment pour nous, car l’identité du Christ pour nous ne peut pas ne pas marquer et modeler notre existence quotidienne !