Homélie du XXVè dimanche du temps ordinaire – Année A

2018-01-28T20:12:58+01:0029 septembre 2017|

Mes chers frères et sœurs ! En ce XXVè dimanche du temps ordinaire, Dieu vient encore une fois nous bousculer dans nos logiques. Il veut faire sauter et déconstruire, dans nos cœurs et nos esprits, ce que nous appelons la «justice» et «le droit du travail», très actuel dans notre pays, avec les ordonnances modifiant le Code du travail du président Macron et les manifestations contre ces ordonnances de Mélenchon et la CGT. En effet, la parabole de l’évangile de ce dimanche nous parle de travail, de salaire, de durée de travail… Cette parabole nous fait penser à la prime au travail, temps et durée de travail, la récompense ou le salaire minimum… En effet, au temps de Jésus, le droit du travail fixait 1 pièce d’argent comme salaire minimum. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le patron de la parabole ne donne pas moins d’une pièce à tous les ouvriers. Mais tous ces thèmes du droit de travail et de justice sociale, le Seigneur nous les fait voir sous un autre angle pour nous éclairer et nous inviter à aller au-delà du droit purement humain, au-delà des revendications syndicales, économiques ou politiques. Le vrai thème de la Parole de Dieu de ce jour n’est rien d’autre que la « bonté » de Dieu. Le patron de cette parabole dit de lui-même, reprenant l’employé «râleur» : « Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? »

Au milieu des critiques et récriminations des ouvriers contre le propriétaire de la Vigne, ce qui est humainement justifié et donc compréhensible, le Seigneur vient nous apprendre ce que veut dire la justice du cœur de Dieu. Pour le Seigneur, la justice est toujours en relation avec la bonté, l’amour et la compassion, trois éléments, qui sont au centre de l’agir de Dieu pour chacun de nous. Dieu n’est pas un juge, ni un RH, mais un Père plein d’amour, de bonté, de miséricorde et de compassion. Remarquez bien que dans notre vie, chaque fois que nous laissons nos tripes, notre cœur prendre le dessus sur notre raison logique, nous agissons de manière économique, socialement et juridiquement illogique. Tel est l’agir de Dieu dans notre vie. Quand il agit pour nous, quand il nous parle, c’est son cœur, ce sont ses tripes qui parlent et qui agissent. C’est pour cette raison que le prophète Isaïe nous dit dans la première lecture que les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées! Les voies du Seigneur sont humainement impénétrables, insondables. Certaines paroles de Jésus resteront toujours humainement incompréhensibles et incomprises aussi longtemps que nous n’entrerons pas dans la logique de son cœur, dans sa justice compatissante et miséricordieuse. Aujourd’hui, Jésus nous scandalise peut-être, et c’est bien qu’il en soit ainsi. Notre monde a besoin de cette folie de Dieu pour nous guérir de certaines logiques qui portent l’humanité à sa perte.

Si nous sommes honnêtes aujourd’hui, nous reconnaîtrons que nous sommes choqués par le patron de cette parabole. Il est tout à fait logique et humainement juste que chacun de nous ici se sente solidaire des ouvriers de la première heure qui ont enduré tout le poids du travail, avec la chaleur et la fatigue. Il n’est pas humainement juste de donner le même salaire à ceux qui travaillent sans compter les heures, ceux qui ne pensent jamais au RTT, ceux qui passent leur soirée à répondre aux mails professionnels, qui travaillent parfois même le week-end, ceux qui ne voient plus la famille parce que chaque semaine en voyage à l’étranger ou sur les routes françaises… Tous ces gens ne peuvent pas avoir le même salaire comme ceux qui ne font que les 35 heures légales !

Tout cela n’est pas juste, si l’argent et les lois de l’économie sont nos critères de justice ! Cependant, si je me laisse provoquer dans mon cœur, si comme Dieu, je mets au centre de ma vie, non plus l’argent, mais l’homme, non plus la productivité, mais la personne humaine et son bonheur, alors je ne pourrai plus râler contre Dieu, ce patron tout à fait injuste humainement parce qu’il veut assurer la vie digne à tous les ouvriers, sans discrimination, parce qu’il les aimes tous, il fait pleuvoir sa pluie sur les justes et les injustes, les bons et les méchants. En effet, si nous entrons dans la logique de Dieu, voici que s’ouvre pour nous une nouvelle perspective. C’est vrai qu’il y a un contrat entre le patron et les ouvriers ! Mais le contrat de Dieu avec nous est d’un autre ordre. Il est tout à fait spécial parce que Dieu est différent de nous, en nous donnant son Esprit, il nous dit que nous pouvons nous aussi agir comme lui.

Dieu nous appelle à travailler dans sa Vigne qu’est l’Eglise, qu’est le monde, mais Il n’est pas dans une logique de détachement, de distance vis-à-vis de ses ouvriers, comme certains patrons qui ne veulent rien savoir de la vie de leurs employés, et pour lesquels ne comptent que le travail et le rendement exigés et réalisés. Dieu aime tellement les hommes qu’il leur donne ce qui compte vraiment : il se donne soi-même à nous à travers les sacrements. Dieu se donne lui-même comme salaire, mais il s’agit d’un salaire gratuit. Dieu nous sauve gratuitement et sans limite. Le salut qu’il nous promet est notre seul salaire. Et ce salaire, que sont le Bonheur et l’Amour de Dieu, nous ne le méritons pas. Alors, sortons de la logique de la méritocratie religieuse. Dans la foi, nous ne méritons rien, rien du tout ! Tout nous est gratuitement donné par Dieu. La seule chose que Dieu nous demande, c’est d’accepter librement son Amour et son Bonheur

Nous nous sentons peut-être loin de Dieu. Nous n’avons peut-être jamais pensé à lui ni travaillé pour lui. Nous nous considérons peut-être comme les ouvriers de la cinquième heure. Ce n’est pas grave ! Nous pouvons encore être embauchés aujourd’hui. Il y a beaucoup de travail et de la place pour tout le monde… Nous pouvons nous engager dans le monde, dans l’Eglise. Nous pouvons dire oui au Seigneur et nous mettre à son service. Pour Dieu, il n’est jamais tard. Il n’est jamais tard pour dire oui au Seigneur, de revenir à lui de tout notre cœur. Si nous sentons que notre vie manque de saveur, c’est peut-être parce que, depuis quelques temps, nous nous sommes éloignés de ce qui est vraiment essentiel dans la vie. Il est temps de revenir sur ses pas, prendre une autre direction et accueillir le bonheur simple que Dieu nous donne, ce bonheur qui ne peut s’acheter. Pouvez-vous me dire quel est le prix du bonheur, de la joie, de la paix ! Combien coûte l’amour ? Tout ce qui est précieux dans la vie, ce sont des choses tellement simples, qui ne peuvent ni se vendre ni s’acheter. Vous pouvez toujours essayer d’acheter l’amour, vous récolterez la mort !

Et par rapport au salut et au bonheur que Dieu donne, nous ne pouvons pas nous comparer les uns aux autres. Ce qui blesse les ouvriers qui se sont levés tôt et qui ont enduré tout le poids du jour, c’est la comparaison avec ceux qui sont venus tard dans la journée. Se comparer aux autres crée inévitablement entre nous des rivalités, des jalousies, des crimes, et génère guerre et conflits dans la société, dans les familles et entre nations. Dieu nous aime chacun d’un amour spécial et il n’y a aucune raison de nous battre. Il y a, dans le cœur de Dieu, suffisamment de place pour chacun. Alors, arrêtons les querelles et accueillons ce qu’il nous donne parce que Lui, contrairement à nous tous ici présents, Il est Bon. Luttons contre la jalousie qui crée en nous rancoeurs, querelles.

Si tu te crois un chrétien de la première heure, exemplaire, modèle qui donne à Dieu engagement et fatigue, qui prétend de Dieu une récompense méritée, alors, tu es vraiment loin de la logique et de la bonté de Dieu : devant Dieu nous n’avons aucun droit. On n’a jamais droit à l’Amour car il ne se revendique pas mais se donne gratuitement et se reçoit gratuitement. Il n’y a pas de privilégiés aux yeux de Dieu.

Si au contraire, avec humilité et dans la vérité, tu te mets parmi les ouvriers de la 5è heure, parmi les serviteurs quelconques, aux côtés des pécheurs comme Marie-Madeleine ou le bon larron, si tu arrêtes de regarder tes mérites pour ne compter que sur la Bonté et l’Amour de Dieu… alors, oui, tu es sur le chemin du bonheur.

Remercions le Seigneur parce qu’il nous donne tous le même salaire, qui veut pour chacun de nous la même chose, celle qui compte vraiment : notre salut et la vie éternelle. Réjouissons-nous d’avoir un Dieu qui soit « tellement et infiniment Bon ». Aucune autre religion ne peut se prévaloir de compter sur un Dieu aussi Bon. Rendons grâce à Jésus qui est venu nous révéler le Visage d’un Dieu tendre et miséricordieux, compatissant et plein d’amour. Amen

Ancien curé de l'ensemble paroissial