Père Grégoire est reparti. Interview exclusive !

2018-01-28T20:20:06+01:0025 septembre 2016|

Après plus de deux mois passés sur notre Ensemble paroissial Aucamville-Saint-Loup Cammas, Père Grégoire Mushagalusa Mvungu, a rejoint le 10 septembre la paroisse Saint Joseph de Kabare dans le diocèse de Bukavu à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Il nous livre ici ses impressions mais aussi nous dit combien c’est important de vivre et témoigner de notre foi… vivante !

En arrivant dans notre région, vous n’étiez pas tout à fait en pays inconnu…

En effet, je viens à Saint-Loup Cammas pour la troisième fois ; pendant l’été, avant la reconfiguration actuelle de l’ensemble paroissial Aucamville-Saint-Loup Cammas. Je connaissais un peu la réalité des anciens clochers et leurs paroissiens, qui sont d’ailleurs très gentils, organisés et accueillants. J’avais aussi rendu quelques services sur l’ancien secteur d’Aucamville à la demande du Père François André ainsi qu’à Bruguières, mais plus rarement.

Nous étions heureux de vous revoir ! Pourriez-vous nous parler de vous ? Votre paroisse au Congo dont l’histoire est émaillée de tristes événements ?

J’ai été ordonné prêtre le 28 Août 2005 dans l’archidiocèse de Bukavu. D’abord Vicaire de paroisses et aumônier de l’Université de Bukavu, je suis aujourd’hui curé de la paroisse de Saint Joseph de Kabare, à Bukavu depuis 2013 C’est la quatrième mission de l’Archidiocèse de Bukavu, après Nyangezi-Saint-Pierre, Saint-Lambert de Mwanda et Saint-Jean de Burhale. Cette paroisse a une histoire récente douloureuse. Deux faits successifs l’ont secouée : le 3 février 2008, son église ainsi que le presbytère ont été détruits lors d’un séisme de magnitude 6,4. L’année suivante, le 6 décembre 2009, des bandits ont abattu à bout portant l’abbé Daniel Cizimya, alors curé de la paroisse. Il est triste de savoir qu’aucune enquête n’a jusqu’à aujourd’hui abouti et les assassins courent toujours…Voilà une page très sombre. Néanmoins, nous vivons aussi de grandes joies. Grâce aux amis, aux partenaires, à la contribution forte des fidèles, une nouvelle église, plus grande, vient d’être reconstruite sur le site même de l’ancienne avec 2000 places assises. Son sacre et sa bénédiction ont eu lieu le 1er mai dernier. Merci au Seigneur pour ces moments. Il reste encore des travaux notamment pour l’achèvement du presbytère, pour lesquels je demande vos prières.

Quelles grâces avez-vous reçues, ici, à Saint-Loup Cammas ?

Que des grâces reçues ! Avec Père Jérémie, nous avons été bien accueillis par la communauté qui nous a portés, soutenus et accompagnés jusqu’à maintenant. Les premiers jours, j’ai rencontré les prêtres du Doyenné avec qui j’ai partagé les réalités pastorales locales. Avec tous les prêtres étrangers en mission cet été dans le diocèse, nous avons aussi été reçus par le Père Evêque et l’équipe de la Mission universelle de l’Église, à notre arrivée. Mgr Le Gall nous a largement parlé des orientations pastorales du diocèse, souhaitant à tous un fructueux apostolat. C’était un moment fort, riche de découvertes, d’échanges et d’apprentissages. Je pars heureux d’avoir donné et d’avoir reçu. J’ai beaucoup appris des nouvelles réalités, des nouvelles manières de vivres l’Evangile et de l’annoncer. Vous savez, être prêtre c’est accepter d’être au service de l’Eglise Universelle tout en étant lié à son diocèse, dans le respect de la discipline ecclésiastique liée à l’ordre sacré du presbytérat. Merci beaucoup pour tous ceux et celles qui ont donné de leur temps pour nous accompagner à tel ou tel endroit lorsqu’il le fallait, pour les différentes célébrations. Que le Seigneur leur rende au centuple ces actes de charité et d’abnégation. Ils ont été des missionnaires extraordinaires.

Que retenez-vous de notre nouvel ensemble paroissial ?

Je constate qu’il s’agit simplement d’une nouvelle configuration pastorale que le diocèse a mis en place pour répondre aux besoins pastoraux et en particulier à la pénurie de personnels aujourd’hui, prêtres mais aussi laïcs engagés. Vous avez ici, des ressources, des individualités, des qualités et de l’expertise. C’est un ensemble très dynamique qui a su très vite mettre en marche tous les organes pastoraux. Toutes les équipes bougent et avancent. Une bonne collaboration se remarque entre les prêtres et les laïcs. Chacun rend service avec conscience et amour. Il y a un grand souci de bien faire, de se donner pour le service des autres. Les anciennes équipes qui existaient dans les anciennes paroisses selon l’ancienne configuration ont réussi à faire la jonction pour faire corps sans qu’il y ait de casse. Une très bonne fusion des forces et de manière de faire, chacun apportant du sien. Et c’est çà l’Église !

Qu’est-ce qui vous a marqué le plus ?

La vitalité de ce « jeune » ensemble paroissial m’a marqué. Oui, « jeune » parce qu’il rajeunit avec les nouveaux appelés à tel ou tel service, les jeunes couples qui acceptent d’appartenir à telle ou telle équipe. Cet ensemble paroissial vit parce qu’il accueille, célèbre les sacrements, prie et partage. Je me réjouis surtout de constater qu’il y a aussi beaucoup de jeunes couples qui s’engagent. Nous prions pour que le Seigneur leur donne d’éduquer leurs enfants au sens de l’Eglise. C’est parmi ces enfants qu’il y aura des prêtres et autres vocations….
Il y a aussi la question des personnes âgées, nombreuses sur cet ensemble vaste. Comment pourront-elles assister à l’eucharistie dominicale ? Vous avez la chance d’avoir au moins une « messe mensuelle » dans chaque clocher le dimanche, en plus des messes hebdomadaires et celles en maisons de retraite. Et pourtant… l’Eucharistie est le centre et le sommet de toute vie chrétienne…

Missionnaires africains dans notre pays métissé et marqué par une culture occidentale sécularisée, qu’auriez-vous envie de nous dire ?

Je voudrais dire que la vie chrétienne est un choix pour la vie. Ce qui veut dire que ce n’est pas une mode. Dans ma peau d’Africain, je comprend difficilement que quelqu’un dise qu’il est croyant, chrétien baptisé et confirmé, ayant reçu même le sacrement de mariage et qu’il se décide de vivre autrement, c’est à dire mener une vie qui s’oppose à ce qu’il croit.

Parce qu’être chrétien implique une vie de prière et la réception des sacrements de l’Eglise en plus du témoignage de vie par des actes de charités. Que de fois j’entends des gens dire qu’ils préfèrent rester anonymes, pour ne pas attirer de curiosité ni blesser. C’est pour moi comme une négation de leur identité. En effet, baptisés, nous sommes incorporés au Christ, prêtre, prophète et roi. Ce qui donne lieu aux triples missions christiques que sont aussi les trois missions de tout baptisé, celle d’enseigner, de transmettre sa foi, celle de gérer, gouverner le temporel mais aussi celle d’offrir chaque jour un sacrifice au Seigneur, par la prière individuelle et communautaire, surtout les assemblées dominicales, la célébration des sacrements. Ne pas le faire, c’est se leurrer, vivre dans l’illusion d’une vie chrétienne et perdre de vue qu’on est chrétien. Il s’agit là d’une façon de confesser une foi morte.

Vivre en baptisés ! Oui, nous en sommes parfois loin…

Plus clairement, le sacerdoce baptismal est commun à tout fidèle. Il inclut, comme le sacerdoce ministériel, la mission de sanctifier et d’enseigner les autres, la mission de régir ou de diriger. Ne pas les vivre, c’est tomber dans le danger d’un christianisme adapté, le christianisme des personnes qui se disent catholiques mais qui, en pratique, ne manifestent pas dans leur conduite le radicalisme de l’Evangile, celui-ci opposé au fanatisme, car il s’agit de la charité. Or la charité ne peut être excessive. Avec la nouvelle configuration de la Paroisse, j’ai eu l’occasion d’encourager l’un ou l’autre à se mettre au travail pour qu’ils prennent en Dieu la source et obtiennent de lui l’achèvement. Je continue à prier le Seigneur afin qu’Il nous rende tous digne de participer un jour à sa table dans les Cieux. Nous avons ensemble vécu les événements de Sainte Etienne de Rouvray. L’assassinat du Père Jacques Hamel au moment de la célébration de l’Eucharistie signifie qu’il y a des gens qui veulent nous empêcher de vivre, de célébrer. L’Amour étant plus fort que la mort, nous continuons à prier pour leur conversion. Retenons aussi que l’Eglise des premiers s’est construite grâce à la bravoure de ceux qui ont accepté de verser leur sang. Les Pères de l’Eglise n’ont-ils pas longtemps enseigné que le sang des martyrs est la semence des chrétiens ?

Un mot encore, Père Grégoire ?

Je rentre dans mon pays avec cet engagement de porter cet ensemble paroissial dans mes prières de chaque jour tout en me confiant aussi aux vôtres. Merci pour tout. Trouvez ici l’expression de mes sentiments dévoués en Jésus Notre Seigneur, en Marie Notre Dame et à l’Église. Avec toute ma gratitude au Père Evêque, au Vicaire Général de Toulouse, à Père Joseph et à vous tous fidèles de cette communauté.