La Conférence des Évêques de France, par la plume de Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, Responsable du groupe de travail bioéthique, a adressé à tous les diocèses et médias du pays un communiqué dans lequel elle éclaire la position de l’Église au lendemain de l’adoption par les députés de la loi de bioéthique, en deuxième lecture.
Le projet de loi relatif à la bioéthique a été voté au creux de cette nuit ! Il veut instituer un nouveau mode de filiation en effaçant totalement le père dès la conception. Au cours des débats, il a été plaidé que ce projet de loi concernait l’amour dans la famille. Mais les députés n’ont pas à s’immiscer dans cet intime et à légiférer sur l’amour ! Ils ont mission d’établir le droit à partir du respect de la dignité humaine et des valeurs éthiques qui en découlent, dont la protection du plus faible. Par leur vote, les députés ont cherché un « équilibre ».
• Peut-on parler d’« équilibre » quand ce projet interdit de fait à des enfants d’avoir un père, et suscite en pratique une discrimination injuste entre eux ?
• Peut-on parler d’« équilibre » quand ce projet établit un égalitarisme entre toutes les femmes au regard de la PMA alors qu’elles ne sont pas dans une situation égale vis-à-vis de la procréation ?
• Peut-on parler d’« équilibre » quand ce projet conduit au risque de contourner le principe de gratuité par la nécessité d’acheter des gamètes humains ? Ce principe exprime une haute idée de la dignité humaine selon laquelle tous les éléments et produits du corps humain sont par nature gratuits en raison de la dignité de l’être humain dont ils sont issus.
• Peut-on parler d’un « équilibre » quand, à cause du projet parental dont le rôle a été majoré, le pouvoir des plus forts – celui des adultes – impose des désirs aux plus faibles – les enfants qui pourtant sont des sujets de droits ?
Les députés ont voté après avoir réfléchi et débattu sur d’autres sujets complexes concernant pour la plupart des situations douloureuses et parfois complexes en raison d’intérêts contradictoires. Ces réflexions vont se poursuivre avec les sénateurs. Les législateurs ont mission de réguler au plus juste les techniques biomédicales. Les députés sont-ils allés dans le sens de l’histoire ? Leur vote n’est-il pas guidé par une certaine myopie ? Notre planète si malmenée nous impose d’urgence un virage écologique. L’usage excessif de techniques sur l’être humain ne nous obligera-t-il pas de prendre un virage, celui de l’écologie humaine ? « Tout est lié » dans le respect du vivant, qu’il appartienne à la nature ou qu’il soit humain. Ne ratons pas le sens de l’histoire !
Nous aussi, citoyens croyant en Dieu ou non, nous pouvons continuer à nourrir nos réflexions à partir des valeurs éthiques de dignité, de solidarité et de fraternité. Il s’agit de réfléchir sur la bioéthique en pensant qu’il est question d’une loi civile chargée du « bien commun » pour tous et non de situations particulières.
Nous connaissons tous l’une ou l’autre de ces situations. Elles sont dues à des accidents de la vie ou à des décisions individuelles. Même si elles sont parfois difficiles, elles ne sont pas exemptes d’amour, nul n’en doute. L’Église catholique continuera à les accompagner avec respect et sollicitude.
Nota de la rédaction : Avant d’être promulguée -donc être applicable, la loi doit être encore votée par le Sénat en l’état. Si des amendements devaient être pris , elle repartirait devant l’Assemblée nationale puis le Sénat à nouveau. Une fois que le texte, dans sa version définitive est voté par les 2 instances, il ira devant le Conseil Constitutionnel qui vérifie sa conformité à la Constitution. Elle est ensuite promulgation. Horizon 2021.
A savoir : La première loi relative à la bioéthique a été votée en 2004; le texte prévoyait que cette loi soit révisée tous les 5 ans, afin d’encadrer le développement du progrès biomédical. Les débats d’aujourd’hui entrent dans ce cadre législatif.