XXXè dimanche TO-Ann. A « Aimer Dieu concrètement à travers le prochain !»

2018-01-28T20:12:55+01:001 novembre 2017|

Mes chers frères et sœurs ! Dimanche dernier, nous avons parlé de vraie laïcité prônée par Jésus lui-même quand il nous invitait à « rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Cela nous a permis de parler des taxes et impôts, de l’ISF qui est supprimée alors que d’autres impôts augmentent… Pensez par exemple à la taxe d’habitation que nous sommes invités à payer actuellement (même le curé a reçu une taxe bien salée pour les différentes maisons paroissiale…). Pensez bien à tous ces chèques que nous ne signons ni ne faisons avec un sourire naturel mais toujours avec quelques jérémiades…

Aujourd’hui, pour nous sortir de la crise des impôts, Jésus nous parle d’amour. Il veut que nous remettions l’amour envers Dieu et envers notre prochain au cœur de notre vie personnelle, familiale et ecclésiale. Ceci, même pour les bons catholiques que nous sommes, n’est pas du tout naturel ni évident… comme ne l’est pas le fait de payer ses impôts avec le sourire.

L’amour de Dieu et celui du prochain sont un seul, unique et même commandement. Un binôme inséparable. L’amour pour Dieu n’est pas seulement le paradigme, le type, le modèle de l’amour du prochain. L’amour de Dieu est la raison, l’origine, la source et le fondement de l’amour du prochain. Le chrétien devrait dire «  J’aime mon prochain, quel qu’il soit, parce que j’aime Jésus-Christ ». D’ailleurs, je ne peux aimer le prochain que parce que je me sais aimé par le Christ. Pour aimer les autres, il faut se savoir aimé d’abord. Convaincu d’être aimé de Dieu de manière inconditionnelle, je peux alors aimer moi aussi, car l’amour du Christ déborde en moi. C’est le syllogisme de l’amour chrétien. Si l’amour du Christ n’avait pas la primauté et n’était pas la source de notre amour, nous serions autorisés à faire l’habituelle distinction-séparation entre les gens que nous pouvons ou devons aimer et ceux que nous ne sommes pas obligés d’aimer et qui ne méritent pas notre amour. Vous savez mieux que moi que nous avons humainement dix mille raisons objectives et subjectives de haïr certaines personnes !

Pense un peu à ce frère, cette sœur qui t’a arnaqué lors du partage de l’héritage après le décès des parents. Comment l’aimer franchement alors qu’il s’est octroyé la part du lion, en profitant d’un moment de faiblesse des parents encore malades, pour faire signer un testament qui ne t’accordait que des miettes. Quand nous visitons les familles en deuil, nous rencontrons souvent ces déchirements. Un fourbe, rusé comme celui-là, il n’est pas possible humainement de l’aimer ! Pense un peu à ce collège qui t’a presque volé la promotion au travail, un poste que tu méritais objectivement, mais qui lui a été donné simplement parce qu’il ou elle était fils ou fille de. Parachuté, pistonné par quelqu’un là-haut, dans la hiérarchie à qui, il ou elle se vendait et fayotait. Devant un tel ou une telle collègue, il est naturellement humain de ressentir dégoût et antipathie. Et pour finir, pense à ton voisin de l’appartement d’au-dessus qui revient tous les dimanches à 4h00 du matin après une nuit arrosée en boîte, qui claque les portes, laisse les couloirs avec une odeur insupportable d’alcool, met la musique à fond comme s’il était le seul à habiter dans l’immeuble… sans tenir compte que tu as besoin de dormir après une semaine bien stressante… et est tellement gonflé qu’il ne lui est jamais venue à l’idée de s’excuser auprès de toi. Ou alors, pense à ton voisin retraité qui tond la pelouse exactement quand ton bébé doit faire la sieste ! Je m’arrête là, vous laissant le soin de poursuivre cette litanie des personnes humainement détestables.

Et pourtant, les raisons qui nous poussent à aimer ne sont pas d’abord et seulement humaines. C’est l’amour du Christ pour moi et mon amour pour le Christ qui suscitent et soutiennent tout type d’amour vrai dans ma vie. Il y a la primauté de l’amour de Dieu. Et heureusement qu’Il nous aime Lui, le premier! Et nous alors ? Sommes-nous vraiment convaincus que l’amour de Dieu est premier, qu’il est plus grand que tout autre amour, et que cet Amour suscite et soutient notre amour dans nos différentes relations amoureuses ? L’apôtre saint Jean parle de Dieu qu’en contemplant son amour, nous dit que Dieu est Amour. Saint Jean connaît aussi les pièges de l’amour, les contradictions et l’hypocrisie de la grande rhétorique de l’amour, une rhétorique tellement facile qu’on l’entend à temps et à contretemps, qui dit à la fois l’amour et son contraire. C’est ainsi qu’il nous met en garde en disant : « Si quelqu’un dit : « j’aime Dieu », mais qu’il hait son frère, celui-là est un menteur. Celui qui n’aime pas son propre frère qu’il voit ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas (1Jn4, 20). Et encore il nous dit, « mes enfants, aimez-vous, non pas avec des discours et des paroles, mais en actes et en vérité ».

Aimer Dieu et aimer son prochain est un binôme inséparable, ordonnés l’un à l’autre. Le premier fonde le second, et le second confirme ou dément le premier. Un amour pur envers Dieu est un concept abstrait, une illusion. Je connais un homme qui se prend pour un vrai mystique, mais qui est incapable de dire à quelqu’un « je t’aime » ! Ce mystique amoureux absolu de Dieu soutient qu’on ne peut dire « je t’aime » qu’à Dieu seul, car les amours humains rendent esclaves et seul l’amour envers Dieu libère. Ce monsieur convaincu d’aimer Dieu de manière absolue, de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces a choisi la voie absolue : la vie contemplative. Malheureusement pour lui, même dans les monastères, il y a aussi des frères à aimer, qui valident ou invalident, vérifient et confirment la crédibilité-vérité de notre amour envers Dieu. Et du coup, notre ami a pérégriné dans une dizaine de monastères sans y trouver son bonheur. Il a fini dans un séminaire et est devenu prêtre dans une paroisse de campagne… et là encore, il a du mal, il est malheureux parce qu’il n’a toujours pas compris que tout l’amour qu’il prétend avoir pour Dieu lui demande d’être témoigné auprès de ses paroissiens, qui ne sont pas, disons-le franchement, pas toujours sympathiques et bienveillants envers lui ! La dernière nouveauté… c’est qu’il veut quitter le sacerdoce pour se marier ! Mais il oublie que là aussi, l’amour envers Dieu sera incarné dans l’amour qu’il aura pour une femme (qui n’est pas un ange tombé du ciel) et des enfants (parfois insupportables et pas toujours mignons).

L’amour envers Dieu doit s’incarner car Dieu le premier -pour montrer son amour pour nous- a embrassé notre humanité. Celui ou celle qui veut se passer de l’amour des autres est victime de son propre narcissisme, se condamne forcément à la tristesse et à une vie sans saveur. Nous avons été créés comme êtres de relations et c’est dans la relation aux autres que nous faisons l’expérience concrète de l’amour de Dieu pour en témoigner.

Je sais pourtant qu’il est tellement compliqué de parler d’amour, quand se mêlent l’humain et le divin en nous. Très difficile de parler d’amour théologal quand on est amoureux, ou qu’on l’a été, difficile d’en parler quand on ne l’a jamais été dans sa vie. Cela me fait penser à ma vie de prêtre. Normalement, la vie consacrée (prêtres, religieux et religieuses) représente et incarne la perfection de l’amour, un amour qui se donne de manière joyeuse jusqu’au bout. Pourtant, quand on regarde la vie de certains prêtres et consacrés, on a parfois l’impression d’avoir devant soi des hommes ou des femmes sans cœur, incapables d’éprouver un minimum d’affection vraie et authentique. Le pape François disait un jour aux religieuses qu’elles ne devaient pas donner l’impression d’être tristes comme des vieilles filles aigries par la vie, mais d’être heureuses comme des mères grâce à la maternité spirituelle de leur cœurs. Je sais bien que l’amour d’un consacré et l’amour d’un amant ne sont pas de même nature et ne se manifestent pas sous les mêmes modalités. Mais l’amour d’un amant et celui d’un consacré se manifestent concrètement de manière passionnelle. Vous n’avez qu’à lire la passion amoureuse qui ressort du Cantique des cantiques ou dans les livres, poésies et autobiographies de certains saints mystiques…

L’évangile d’aujourd’hui fait penser à un autre évangile, le chapitre 25 de Matthieu dans lequel le Christ nous parle de sa venue dans la gloire, quand il séparera les hommes les uns des autres comme le berger sépare les brebis des chèvres. Cela m’étonne parce que quand les gens prennent cet évangile lors des obsèques, par exemple, ils ne prennent que la première partie qui nous dit le bien que nous avons fait. Évidemment, on omet volontairement la partie qui dit le mal que nous avons fait en ne faisant pas le bien autour de nous. Quoiqu’il en soit, Jésus dit aux uns et aux autres : « Ce que vous avez fait ou n’avez pas fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ou à moi non plus vous ne l’avez fait ». C’est concrètement que nous manifestons notre amour ou non-amour envers Dieu.

L’incarnation du Christ nous dit que Dieu a pris chair pour nous montrer son amour. L’amour de Dieu a pris la forme d’un amour qui souffre, qui pleure, qui rit… un amour qui a connu la fatigue, a pâti de la douleur, a supporté les déceptions et volte-face, la fuite des disciples, la trahison de Judas, le reniement de Pierre, a souffert des calculs pervers de la politique et de la religion, l’ambiguïté des alliances, la violence physique et morale… Mais cet Amour-Dieu s’est donné jusqu’au bout et sans compter. Notre amour pour Dieu doit prendre corps et s’incarner à travers les visages donnés dans l’entourage familial, ecclésial, professionnel. Cet amour est appelé à se donner jusqu’au bout, même si les conditions humaines familiales, professionnelles, ecclésiales nous poussent à ne pas aimer naturellement. L’exercice que je vous demande comme effort de la semaine, c’est de penser à la personne (une seule) que nous détestons le plus (nous en avons tous) et faire un geste d’amour envers elle : un appel, un mail, un texto, une salutation, un petit sourire sincère le matin au travail ! Si cela nous coûte le Seigneur nous y aidera ! Ce n’est qu’ainsi que nous apprenons à aimer en vérité. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial